LE QUOTIDIEN : Le secrétaire d'État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, prétend que la CARMF ne disparaîtra pas. Êtes-vous rassuré ?
Dr THIERRY LARDENOIS. Pas du tout. L'actuelle CARMF va être décapitée ! Aujourd'hui, notre caisse complémentaire autonome est une entité administrative avec une gouvernance, un conseil d’administration élu à partir des délégués et un bureau. Demain, elle disparaîtra pour laisser la place à une caisse "générique" avec une autre gouvernance et une organisation interne gérée par les syndicats représentatifs.
Avec une délégation de service public, cette caisse ne sera plus qu'une structure de liquidation pour assurer les paiements des pensions des médecins. Pire, le gouvernement affirme que l'action sociale, l'invalidité/décès et la prévoyance resteront gérées par la caisse complémentaire. Ce ne sera pas le cas. Le projet de loi prévoit de confier leur gestion au futur conseil de la protection sociale et libérale qui ne comprendra que des syndicats représentatifs.
L'exécutif affirme que les médecins libéraux ne seront pas perdants, à l'issue de la réforme, si l'on compare l'évolution des pensions mais aussi des cotisations...
Les simulations du gouvernement sont fausses car elles minorent nos versements de 10 %. Nous maintenons nos calculs ! En utilisant les mêmes paramètres que le ministère – même assiette et mêmes cotisations – nos chiffres montrent qu'avec une carrière de 30 ans en libéral et des revenus de 80 000 euros par exemple, les médecins de secteur I perdront 30 % sur leur pension moyenne, sans période de transition [dans ce cas type fourni par le ministère, la pension mensuelle diminue "seulement" de 7,5 % et le taux de cotisations baisse de cinq points, NDLR].
Pour nous médecins, la période de transition [convergence progressive des taux de cotisations des libéraux vers le système universel] n'est pas utile. Elle n'est valable que pour les professionnels qui ont une cotisation en hausse, comme les infirmiers par exemple. En tout cas, pour trancher les différences de calculs, nous avons lancé un audit indépendant qui rendra ses conclusions fin février.
Les réserves des médecins seront préservées. Vous n’êtes pas convaincu ?
Mais à compter de 2025, les cotisants à la CARMF "historique" passeront de 101 000 à 49 000 car la moitié des médecins cotiseront au régime universel. Bref, nous n’aurons plus assez de cotisants pour assumer les pensions des allocataires. Le secrétaire d’État aux retraites promet de nous verser une "dotation" pour garantir le financement de la totalité des droits... La réalité, c'est qu'on va priver rapidement la CARMF de 50 % de ses recettes. Quels montants lui seront versés ? À quel rythme ? Il n'y a aucune garantie dans le projet de loi sur ce que versera la caisse universelle à la caisse complémentaire pendant la transition.
Le ministre prétend que la compensation à la CARMF se fera à l'euro près. Mais sur quelle base, quelle trajectoire ? Si les flux financiers futurs sont basés sur les chiffres erronés du ministère, cela voudra dire que les médecins toucheront 10 % de pension en moins. Dès lors, la CARMF devra puiser dans ses réserves pour assurer les droits acquis. Et nos réserves vont être utilisées cent fois plus vite... jusqu'à la cessation de paiements.
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