De quoi parle-t-on ? Dans son rapport rendu public le 18 juillet – qui préfigure les grandes lignes du futur texte de loi –, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye préconise le remplacement des 42 régimes de retraites existants par un système de retraite universel selon un principe de cotisation par points et non plus par annuités. L'âge de départ à la retraite à taux plein serait repoussé à 64 ans, tout en laissant la possibilité aux Français de demander leurs droits à 62 ans, qui resterait l'âge légal, mais en subissant une décote. La mise en place de ce nouveau régime devrait débuter en 2025. 

Le Premier ministre Édouard Philippe recevra les 5 et 6 septembre avec Agnès Buzyn et Jean-Paul Delevoye les représentants patronaux et syndicaux pour définir la méthode et le calendrier de la concertation.

Sans attendre l'appel à manifestation des centrales syndicales, plusieurs professions sont montées au créneau cet été pour défendre leurs régimes spécifiques. Parmi elles, les infirmières et les médecins libéraux.  

La révolte de l'ancien patron de la CARMF

Les médecins reprochent au gouvernement de vouloir mettre la main sur leurs cotisations de retraite, estimées à sept milliards d'euros, dont le recouvrement pourrait être directement transféré aux URSSAF sans passer par la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), aujourd'hui en charge de la collecte des cotisations et du versement des prestations aux professionnels. 

Si cette mesure est concrétisée, ses modalités d'application et son calendrier de mise en œuvre devront être précisés au Parlement dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, a indiqué la Direction de la Sécurité sociale (DSS) à l'AFP, excluant toutefois que le transfert de cotisations de la CARMF intervienne dès l'année prochaine.

Ce mercredi, l'ancien patron de la CARMF Gérard Maudrux a relancé l'offensive anti-réforme sur son blog en détaillant par le menu pourquoi le choix du gouvernement se fera au détriment des médecins. Il y prophétise « l’étatisation de la totalité de la retraite avec disparition de toutes les caisses actuelles, réduites au rôle d’interface, sans aucun pouvoir. Or chaque fois que l’État s’occupe de nos affaires, il le fait plus mal pour deux fois plus cher », écrit-il. 

Manifestation le 16 septembre

Déjà échaudés par le rapport Delevoye, les syndicats de médecins libéraux ont alerté tout l'été contre ce que la FMF considère comme « un hold-up inacceptable ». Si le syndicat admet qu'il n'est pas « illogique » de vouloir « aller vers un système où un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous », il estime que la réforme engagée n'est rien d'autre qu'un « prétexte » pour « faire main basse sur les réserves des […] libéraux sans donner aucune garantie sérieuse en échange ». Le syndicat l'a annoncé à ses adhérents le 19 août : il rejoindra les rangs des mécontents lors de la manifestation contre la réforme du 16 septembre. Le 12 août, l'UFML-Syndicat appelait de même sur son site Internet à dire « non à la réforme des retraites et à la casse volontaire et organisée de [l]'exercice libéral » en foulant les pavés parisiens à la rentrée. 

Sans appeler – encore – ses ouailles à la mobilisation, le SML est lui aussi très remonté contre « l'oukase estival de la Direction de la Sécurité sociale ». « Dans une société où l’exigence de transparence ne cesse de croître, comment l’État et le gouvernement, qui impulse ses actions, peuvent-ils espérer, même au cœur de l’été, pouvoir simplement par un commandement oral organiser le transfert des cotisations, c’est-à-dire de l’argent des médecins libéraux, vers l’URSSAF sans donner de justifications, ni d’écrits officiels ? », s'interroge le syndicat.

Plus tempéré mais certainement pas d'accord avec ce « kidnapping administratif de la retraite des médecins », MG France se pose en soutien de la CARMF, « interlocuteur de proximité habitué [aux] problématiques » des professionnels, contrairement aux URSSAF, que les médecins portent moins dans leur cœur. Le syndicat de médecins généralistes réclame la « sanctuarisation des réserves du régime complémentaire des médecins [qui] doivent revenir à ceux qui les ont provisionnées ».

Même son de cloche du côté de la CSMF, « inquiète et désapprobatrice », pour qui « les réserves constituées par les médecins doivent revenir aux médecins ». La centrale rappelle que ces sommes sont « destinées à anticiper la crise démographique médicale et les évolutions défavorables pour les années à venir ». Pas question, en l'occurrence, que « les fourmis payent pour les cigales ».