Le « Dry January » à la française aura bien lieu, malgré le refus du gouvernement de participer à cette campagne de sensibilisation sur la consommation d’alcool. Le Pr Michel Reynaud, psychiatre, addictologue, et président de Fonds Actions Addictions, a rappelé, au cours d’un Live chat de plus d’une heure, l’importance de cette manifestation qui a fait ses preuves au Royaume-Uni. C’est « un merveilleux outil pour les médecins traitants », a plaidé le médecin.
Le Pr Reynaud a également répondu aux interrogations des lecteurs du « Quotidien » sur la prise en charge de leurs patients alcoolodépendants ou sujets à une consommation excessive d’alcool. Il exhorte les pouvoirs publics à communiquer davantage sur le caractère dangereux de l’alcool et à mettre en place des « mesures permettant une réelle protection ».
Nous accueillons aujourd’hui le Pr Michel Reynaud, psychiatre, addictologue, et président du Fonds Actions Addictions. Comment améliorer la lutte contre l’alcool-dépendance ? Quel rôle les médecins peuvent-ils jouer ? Comment sensibiliser les patients au « Mois sans alcool » ? Le Pr Reynaud répondra à vos questions pendant près d’une heure.
L'alcool fait toujours partie de la pratique des médecins généralistes, entre 20 et 30% de leurs consultants sont concernés. Il y a 2 actualités chaudes : la question de la prescription du baclofène et le blocage par le président de la République de la campagne « Janvier sans alcool » qui serait reprise par de très nombreuses associations de santé sous le nom de « Dry January France ». Pour une fois, c'est une campagne qui peut mobiliser, et de façon très efficace, tous les médecins.
Tout le monde sait que la campagne Dry January était prête à Santé publique France et au ministère. Elle a été bloquée quelques jours avant sa sortie. Le président laissant aux viticulteurs champenois le soin de l'annoncer. Cela a été un tel choc et une telle gifle pour les professionnels de la santé et de la prévention qu'il y a une mobilisation spontanée des plus grandes associations de patients, dont France Assos Santé, d'addictologues, mais aussi de la Ligue contre le cancer, d'AIDES, de la MGEN, de la Fédération des associations générales étudiantes.
Elles vont unir leurs moyens sur les réseaux sociaux pour que tous les Français, qui souhaitent relever le défi personnel librement d'un mois sans alcool, puissent le faire en étant accompagnés.
Tous les Français, et donc tous les patients, qui sont incités à le faire, pourront se retrouver sur le fil twitter @fr_dry, sur la page Facebook Dry January liée à un groupe Facebook.
Il y a une mobilisation des acteurs concernés que nous n'aurions peut-être pas eue avec une campagne de Santé publique France. Nous sommes en train de rassembler des outils d'accompagnement entre toutes les associations et avec le Dry January anglais qui seront mis à disposition sur Twitter @fr_dry et sur Facebook à partir du 1er janvier.
Cette campagne a été évaluée, elle est efficace : elle permet d'économiser de l'argent, de perdre du poids, de trouver un meilleur sommeil, de se sentir mieux. Six mois après, les participants consomment en moyenne un verre de moins par jour. Elle permet également de réfléchir à ses propres modalités de consommation : pourquoi ? Quand et comment ?
Enfin, elle permet de sentir la pression permanente de la société concernant la consommation d'alcool et la difficulté de ne pas y céder. On comprend donc tout de suite que c'est un merveilleux outil pour les médecins traitants.
Ils peuvent inciter leurs patients, voir avec eux s'ils y arrivent, les féliciter ou échanger avec eux sur les difficultés. Cela serait une très bonne occasion d'aborder la question de façon simple et ludique.
Cela m'amène à suggérer aux médecins de réfléchir à leur perception et à leurs représentations, leurs émotions, face à quelqu'un qui est addict ou alcoolique. Peuvent-ils voir le côté attachant, sympathique, intéressant, ou se sentent-ils bloqués ou mal à l'aise ? Ont-ils l'impression d'avoir les compétences (qui ne sont pas compliquées) et la maîtrise du réseau de soin pour se lancer dans une prise en charge ?
Le lobby alcoolier bloque toutes les mesures d'information sur les dommages, et l'impossibilité d'avoir un logo concernant les femmes enceintes qui soit visible, théoriquement acté depuis 2 ans en est une illustration.
Le deuxième point est qu'il faut intégrer que 20% des Français achètent 80% de l'alcool vendu. C'est sur ces 20% de buveurs excessifs, dépendants et à risque que vit la filière alcoolique. 80% des Français sont en dessous des repères de risque de Santé publique France. Mais sous prétexte de culture, d'histoire, du mythe sympathique du Français bon vivant et gros buveur, les alcooliers construisent une société française dans laquelle la surconsommation semble être la norme alors que, répétons-le, elle ne concerne qu'une minorité de Français.
Répétons-le : c'est extrêmement utile de savoir cela pour un médecin généraliste.
En cas d'échec de la réduction de la consommation avec ces traitements, le patient est déjà engagé dans un parcours de soins et peut reconnaître avec son médecin qu'il faut maintenant essayer le sevrage.
Quelques mots sur le baclofène qui a obtenu son AMM sous le nom de Baclocur et dont le CEPS (Comité économique pour les produits de santé) vient d'accepter le remboursement. Sous cette forme galénique, il sera bientôt disponible. On sait qu'il y a eu des polémiques sur le degré de son efficacité et sur les risques encourus, mais les décisions qui ont mené à l'encadrer permettent maintenant au généraliste de le prescrire avec un risque très modéré.
Est-il possible de jouer sur le prix de l'alcool dans les bars ? (Il est parfois indécent de voir qu'un Perrier ou toute autre boisson sans alcool est plus chère qu'un demi de bière).
Avec quels critères se diagnostique actuellement l'alcoolisme ?
Ces questions sont elles posées en routine (comme pour la cigarette) ou est-ce au patient de faire le premier pas ?
Concernant le prix de l'alcool dans les bars, cette question peut être élargie au prix de l'alcool dans les commerces. Le vin notamment est à peu près dix fois moins taxé que les autres alcools. Et ce sont les alcools peu chers, de basse qualité (vin bière, whisky, vodka, etc) qui incitent les jeunes à boire et facilitent les grosses consommations. C'est pour cela que les mesures les plus efficaces sont la définition d'un prix minimal de l'alcool, farouchement refusé par les alcooliers.
On parle maintenant de troubles de l'usage de l'alcool et non pas d'alcoolisme. L'alcoolisme se confond avec l'alcoolodépendance, avec en plus une représentation sociale péjorative. Les troubles de l'usage de l'alcool permettent une approche beaucoup plus précoce, lorsque les complications, notamment sociales, sont présentes et avant que la dépendance ne soit nettement installée.
Rappelons que la dépendance est la perte de contrôle de sa consommation et l'impossibilité d'arrêter.
La question de la consommation d'alcool doit être posée systématiquement dans le cadre du bilan des consommations en général. Le repérage précoce concerne tout particulièrement le généraliste et l'intervention brève motivationnelle à ce stade est souvent efficace pour revenir à une consommation non nocive. Une ou deux réponses positives aux questions du DETA (avez vous souhaité Diminuer ? votre Entourage vous a-t-il fait des remarques ? avez-vous eu l'impression que vous buviez Trop ? Avez-vous eu besoin d'Alcool dès le matin ?) signent une dépendance.
On retrouve ces questionnaires informatisés sur Addict'Aide, ainsi qu'un forum d'entraide animé par des patients experts qui peut utilement remplacer ou compléter les associations d'entraide en présentiel.
[LIVE VIDÉO] Thomas Fatôme, DG de la Cnam : « Nous ne transformerons pas les médecins en fonctionnaires de l’Assurance-maladie »
[REPLAY] Tarifs, exercice... : live vidéo exceptionnel avec Thomas Fatôme sur la reprise des négos conventionnelles
Live chat du Quotidien
Pr Christèle Gras-Le Guen : « Le nirsévimab protège des formes graves de la bronchiolite et diminue le recours à l'hospitalisation »
Live chat du Quotidien
Nirsévimab, gestes simples… : comment prévenir la bronchiolite du nourrisson ? Posez vos questions à la Pr Christèle Gras-Le Guen, pédiatre au CHU de Nantes