C'est peut-être la dernière chance pour le Dossier Médical Partagé (DMP). Plus d'une décennie après l'invention du concept, il redémarre en ce début 2017, avec un nouveau maître d'œuvre - l'Assurance Maladie - et des expérimentations dans neuf caisses pilotes. Directeurs de Cpam et confrères qui essuient les plâtres racontent ces premiers pas…
Nouvelle base de départ, la loi Santé. Nouveau pilote, la Sécurité sociale. Et nouveaux laboratoires dans neuf caisses… Bas-Rhin, Pyrénées-Atlantiques, Côtes-d’Armor, Doubs, Haute-Garonne, Indre-et-Loire, Puy-de-Dôme, Somme et Val-de-Marne expérimentent depuis début 2017 un DMP dépoussiéré.
En un peu plus de dix ans, le Dossier Médical Personnel (DMP) a eu le temps de changer de nom, « partagé » a remplacé « personnel ») de contenu, de forme, de gérance (le GIP-DMP, puis l'ASIP-Santé). Sans pour autant réussir à s'imposer. Cette ultime tentative sera-t-elle enfin la bonne ?
À terme, il s'agit, en tout cas, de généraliser ce tournant numérique. Pour fin 2017 ? Rien n'est moins sûr car beaucoup de détails restent encore à régler, notamment certains problèmes techniques.
Première nouveauté, le patient peut lui-même ouvrir son DMP, sans passer par la case consultation, sur un site dédié ou, directement, dans les accueils de l'Assurance Maladie des neuf caisses tests. Une appli mobile est par ailleurs à l'étude pour une sortie sur les plateformes dans l'année. Aussitôt créé, le DMP est enrichi par un historique des derniers remboursements, des renseignements qui peuvent déjà être bien utiles en cas d'hospitalisation ou de visite chez un praticien autre que son médecin traitant. Le malade pourra s'il le souhaite refuser l'accès de certains professionnels à son DMP, excepté son médecin traitant.
Actuellement, 7 000 mails par jour sont envoyés par la CPAM aux assurés pour les inciter à créer leur DMP. Le nombre de dossiers, qui était de 550 000 avant le début des expérimentations, devrait donc grimper au cours du premier trimestre 2017. Dans la Somme, par exemple, le directeur de la CPAM d'Amiens, Jean-Yves Casano, explique : « Les assurés sont très réceptifs aux mails et aux courriers envoyés puisque nous avons créé un millier de DMP en trois semaines », précise-t-il.
« Nous en créons à peu près 200 par semaine depuis début janvier, indique le directeur de la CPAM de Créteil, Raynal Le May. Pas mal pour un département qui n'avait jamais expérimenté le DMP auparavant. « Le deuxième enjeu sera d'alimenter les DMP et de faire qu'ils soient consultables par les médecins avec un logiciel adapté ».
DMP 2.0
C'est justement sur cet aspect technique que le dossier patine un peu. Raynal Le May affirme que 69 % des généralistes affiliés à la caisse du Val-de-Marne ont un logiciel compatible pour le DMP. Mais en Haute-Garonne et dans le Puy-de-Dôme, par exemple, certains généralistes ne peuvent pas encore l'utiliser. Le Dr Bernard Ordono, généraliste à Toulouse et président de MG 31,
explique que l'onglet « DMP » n'est pas encore visible sur son logiciel : « Je vais me rapprocher de mon prestataire pour cela ; il faut que son accès soit facile et pratique pour que les médecins l'utilisent ».
Pour sa part, le Dr Christian Landon, secrétaire de MG 63, installé à Clermont-Ferrand, dispose du logiciel compatible, mais constate « des problèmes de liaison informatique ». Tout n'est donc pas encore réglé côté technique. D'autres sont plus chanceux. Dans la Somme, le Dr Philippe Vassant, installé à Roisel, a, pour sa part, un logiciel compatible. Il estime que le DMP sera un bon moyen de transmettre les dossiers de ses patients à son successeur d'ici à deux ans quand il prendra sa retraite.
Il y a quelques limites au DMP, comme les patients qui n'ont pas d'accès à internet ou les patients âgés peu adeptes de l'informatique
Dr Pierre Tryleski
Généraliste à Strasbourg et président de MG Alsace
Ce praticien émet toutefois quelques réserves sur l'utilité du dispositif. « C'est parti sur de bonnes bases, mais j'ai l'impression que la messagerie sécurisée MS santé va faire doublon, pressent-il. Il faudrait aussi intéresser les médecins au DMP avec une ROSP plus attractive », note-t-il. Le fait d'avoir un logiciel compatible DMP est pourtant un des indicateurs du forfait structure de la nouvelle convention. « Il ne faut pas que le DMP freine l'activité courante du médecin, prévient aussi le Dr Pierre Tryleski, généraliste à Strasbourg et président de MG Alsace. Il peut y avoir quelques limites ; je pense aux patients en précarité qui n'ont pas d'accès à internet ou aux patients âgés peu adeptes de l'informatique ». Sur l'enrichissement du DMP par le généraliste, il ajoute : « Je veux éviter d'avoir plusieurs bases à enrichir, cela me prendrait trop de temps ». Il faut croire que l'Assurance Maladie a anticipé ce type de critiques, puisqu'elle travaille depuis deux ans avec les éditeurs de logiciels pour que le transfert de données, depuis le logiciel métier vers le DMP se fasse en un minimum de clics.
Plus simple, plus intuitif
Reste que, par rapport aux précédents, le DMP 2 017 semble soutenir avantageusement la comparaison. Si certains médecins découvrent le DMP, le Dr Jean-Michel Lemettre, président de la CSMF-Généralistes en Indre-et-Loire, a pu tester la nouvelle version et la comparer avec l'ancienne. Ce généraliste d’Amboise connaît le DMP depuis ses débuts, son département faisant déjà partie d'une phase de tests en 2009. Il insiste sur la nécessité d'intégrer au DMP, le volet médical de synthèse (VMS), un document qui donne en quelques lignes toutes les informations indispensables à la prise en charge d'un patient en urgence. Le Dr Lemettre a ainsi déjà créé à peu près 500 DMP sur 1 300 patients depuis 2009 : « Le nouveau DMP est plus ergonomique, plus intuitif, convivial et utile que la première version. Le DMP 1 n'avait pas tout ça ; sans ces quatre critères, ça ne marchera pas ». « La mobilisation des établissements de santé sera aussi indispensable », ajoute-t-il, plutôt optimiste quant au succès du DMP nouvelle génération, donc. Un avis partagé par le Dr Christine Bertin-Belot, secrétaire générale adjointe du SML, installée à Besançon (Doubs). Pour l'instant, elle n'utilise pas encore le DMP et n'a pas reçu d'information de sa caisse : « J'attends avec sérénité et confiance la nouvelle version », confie-t-elle. Elle ajoute que « certains patients ont cependant déjà le petit autocollant "DMP" » apposé sur leur carte Vitale. De bon augure pour la future réussite du DMP nouvelle génération ? 2 017 devrait répondre à cette interrogation.