Il y a quelques semaines de cela un « agitateur » des réseaux sociaux nous a quelque peu interpellés au sujet des conditions d’attribution de l’allocation adulte handicapé (AAH).
Sans aucun remords, et même avec une certaine dérision, ce dernier a expliqué qu’il bénéficiait de manière indue d’une certaine somme qui était en rapport avec un problème dépressif qu’il n’avait visiblement pas. Il s’est exprimé pour dire que ce motif très subjectif était souvent une façon de toucher un petit pécule. Il a patiemment décortiqué les conditions qui peuvent permettre aux Français ne souhaitant pas travailler d’obtenir l’AAH.
Une façon d’agir qui m’a quelque peu interpellé
Cet individu souhaitait-il de cette manière faire prendre conscience aux pouvoirs publics des dérives de ce type d’aide sociale, ou n’a-t-il pas compris que son intervention serait la source de débats nourris ?
Toujours est-il que cette intervention a permis d’ouvrir la boîte de pandore concernant les attributions des AAH.
L’AAH en pratique chez le professionnel de santé
En tant que généraliste (je pense ne pas être le seul d’ailleurs dans cette situation), je dois régulièrement (plusieurs fois par semaine d’ailleurs) rédiger les différents items des dossiers qui attestent de la nécessité éventuelle d’une attribution de l’AAH. Il est très fréquent que je passe du temps à remplir les documents fournis à cet effet, cela tout en sachant que l’assuré social n’aura aucune chance d’obtenir un euro, voire le précieux macaron pour stationner sur une place handicapé.
Nous ne devons pas perdre de vue que ces démarches effectuées par nos patients font suite à des recommandations d’assistantes sociales (du secteur ou de la sécurité sociale), des agents du Pôle emploi, et parfois font suite à des observations personnelles concernant le voisin qui s’est vu attribuer certains avantages (avantages indus suivant leurs idées).
Ainsi, plus de 75 % de ces dossiers sont rédigés inutilement, mais ils permettent aux administratifs de tout poil de justifier la non-possibilité pour certaines personnes de travailler.
L’instruction de ces dossiers est très longue. En effet, de plus en plus de personnes demandent l’étude de leurs cas, ce qui conduit à une attente que certains jugent démesurée.
Je reconnais néanmoins que dans certains cas les décisions prises ne sont pas partiales, ce qui conduit certains patients à nous redemander la rédaction d’un nouveau dossier. Cette situation est souvent très difficile à accepter, et ce d’autant plus que la charge de travail des généralistes ne cesse d’augmenter du fait de la pénurie de professionnels de santé. Par voie de conséquence ces paperasses, faute de temps, conduisent à refuser de recevoir certains patients qui pourtant le mériteraient.
Une nécessaire réforme de l'AAH ?
Dans ce contexte, il me semble indispensable de se pencher sur une éventuelle réforme de l’AAH pour que les professionnels de santé ne soient plus les larbins des administratifs qui se déchargent trop facilement de leurs responsabilités. Il est inadmissible de remplir un dossier pour un patient ayant une lombalgie avec une arthrose débutante (c’est le motif fréquemment évoqué pour obtenir l’AAH), cela en sachant que ce motif est tout à fait inapproprié pour l’obtention de quoi que ce soit.
Bien sûr on peut se dire que nous sommes en droit de refuser de remplir dans ce cas le dossier présenté. Malheureusement très rapidement l’assistante sociale ou l’agent de Pôle emploi explique qu’il est du devoir du médecin de rédiger ce dossier. Et que dire des patients qui reviennent car ils considèrent que la rédaction des documents pour obtenir l’AAH n’est pas convenable (il faut en mettre plus ou de manière différente), ou lorsque leurs revendications ne sont pas satisfaites.
Imaginez, ils ne peuvent recevoir une allocation car le médecin n’est pas suffisamment aguerri pour compléter leur dossier de manière correcte. La non-attribution de l’AAH peut conduire à des réflexions peu aimables à l’égard des praticiens, et donc à une mauvaise notation sur le site web (il est vrai que la plupart des médecins s’en moquent complètement). Jamais les patients ne se remettent en cause, le coupable idéal dans ce cas est le médecin.
Ce qui est souvent très frustrant pour le médecin rédacteur du dossier, mais aussi le patient, c’est le fait que les dossiers déposés sont lus (parfois en diagonale du fait de la charge trop importante imposée), et les demandeurs ne sont jamais convoqués.
Toujours est-il que notre « influenceur » (si influenceur il est) a le mérite de mettre sur la place publique un sujet épineux qui nécessite une réflexion approfondie.
À mon avis, il est nécessaire de nous pencher sur les conditions d’attribution de l’AAH, et des éventuels contrôles à effectuer.
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