Faut-il se réjouir de la signature de la convention ?

Publié le 07/06/2024
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Vu par le Dr Matthieu Calafiore – Après l’échec des précédentes négociations, syndicats et Assurance-maladie ont signé la convention. Qu’en penser ?

Les précédentes négociations conventionnelles, faisant suite à la convention médicale de 2016, s’étaient soldées par un échec. Il faut bien reconnaître que ce projet de convention tué dans l’œuf était tout sauf acceptable. De la bouche du ministre de la Santé de l’époque, le passage de la consultation à 30 euros était acté à la condition expresse d’accepter le contrat d’engagement territorial. Ce contrat, pour qui savait lire entre les lignes, équivalait à reconnaître que les médecins pouvaient et étaient tenus de travailler encore et toujours plus car ils le devaient à la population. Ce projet cherchait donc à transférer la responsabilité de la pénurie actuelle de médecins depuis les pouvoirs publics qui n'ont eu de cesse que de faire la sourde oreille dès qu’on sonnait l’alarme de la catastrophe démographique à venir, sur les épaules des médecins. Il aurait été facile et de bon ton de prétendre ensuite que tout problème d’accès aux soins était uniquement la responsabilité des médecins qui n’honoraient pas leur contrat d’engagement territorial. Nos syndicats représentatifs ont eu raison à bien des titres de refuser de signer un tel texte.

Passage par un texte transitoire : le règlement arbitral

Et le règlement arbitral d’entrer en vigueur au 1er mai 2023. Quelques minimes avancées dans ce règlement, mais rien de nature à provoquer ce « choc d’attractivité » que beaucoup appellent de leurs vœux. Instauration de la cotation initiale pour un médecin acceptant de devenir le médecin traitant d’u patient en ALD, par exemple. Mais le règlement arbitral ne saurait être autre chose qu’un texte transitoire et temporaire, car cumulant les problèmes liés à la convention précédente, auxquels s’ajoutent des mesures décidées sans concertation avec les représentants syndicaux.

Au prix de nouvelles négociations mouvementées, ayant même conduit à l’annulation à l’emporte-pièce d’une séance pourtant programmée, un nouveau texte a été proposé. Certains syndicats ont tenté de défendre leur pré carré : les représentants des généralistes négociant pour une juste place et la fin de cette discrimination entre généralistes et spécialistes. Les autres spécialistes, eux, tentant pour un de leurs syndicats, au contraire, de creuser l’écart dans la profession et de mettre fin au rôle d’orientation et de coordination, mais aussi de régulation de la tension sur notre système de santé, en empêchant l’accès direct aux spécialistes par des patients qui n’auraient pas consulté en premier lieu leur médecin traitant. Dans le contexte démographique actuel, cette disposition s’apparente plus à une hérésie qu’à une idée pour améliorer les soins apportés à nos concitoyens. Ou en tout cas aux plus précaires d’entre eux dont les moyens financiers ne leur permettent pas un reste à charge trop élevé. D’autres ont continué à porter leur revendication de déconventionnement, seule solution viable à leurs yeux.

Réjouir est sûrement un mot à trop forte consonance positive pour qu’il puisse être raisonnablement utilisé

La majorité représentative des médecins généralistes et des spécialistes étant réunie, la convention a pu être signée cette semaine, sans le paraphe des syndicats les plus jusqu’au-boutistes. L’heure est désormais au questionnement : faut-il se réjouir de cette signature et de cette convention signée pour les cinq années à venir ? Réjouir est sûrement un mot à trop forte consonance positive pour qu’il puisse être raisonnablement utilisé.

Faire bouger un peu les lignes

Il faut reconnaître que ce texte a le mérite, au moins, de faire bouger un peu les lignes, mais sans porter une révolution en son sein. Les conditions de travail des médecins vont s’améliorer d’abord financièrement, en rattrapant l’inflation de ces dernières années. Quelques éléments d’organisation vont également évoluer avec la disparition de la ROSP, la refonte des paiements forfaitaires et la création d’une consultation longue, pour ne citer que les éléments en direction des spécialistes en médecine générale. Les médecins « dissidents » qui appliquaient déjà un tarif de consultation à 30 euros pour leurs consultations rentreront de facto dans le rang et leurs patients pourront de nouveau être remboursés de l’intégralité du montant de celles-ci pour peu qu’ils aient un organisme de remboursement complémentaire et qu’ils s’acquittent de leur franchise qui vient d’être revue à la hausse.

Est-ce un excellent texte ? Non. Les syndicats qui ont accepté de le signer sont-ils satisfaits ? Non plus. Il s’agit ni plus ni moins d’un compromis pour continuer d’avancer. Mais il s’agit, surtout, d’un texte qui va permettre aux patients d’espérer se faire soigner au sein d’un service fondé sur la solidarité nationale et une assurance qui prendra en charge leurs frais de façon beaucoup plus généreuse que d’autres pays pourtant dits développés. Et aux médecins de tenter de tenir bon quelques années encore, malgré une démographie qui, elle, ne fera que s’aggraver…


Source : Le Quotidien du Médecin