Vu par Alice de Maximy

La biodiversité, c’est bon pour la santé !

Publié le 16/11/2023
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Crédit photo : DR

La biodiversité correspond à l’ensemble du vivant et de ses interactions, c’est une toile, un tissu. Elle est le fruit de 3,5 milliards d’années d’évolution. Les milieux de vie, les espèces et la génétique en sont les trois piliers.

La biomasse des humains et celle du bétail dépassent désormais, et de loin, celle des mammifères sauvages, et celle de tous les vertébrés à l’exception des poissons. La biomasse des volailles domestiquées serait trois fois plus élevée que celle des oiseaux sauvages… Il y a quand même un truc qui ne tourne pas rond, vous ne trouvez pas ?

Un cercle vicieux climatique et écologique

La nouvelle extinction de masse des espèces est amorcée, son rythme serait 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction et nous en sommes pleinement responsables. On en parle… Et on l’oublie. Sauf quand il s’agit d’acheter de la pâte à tartiner chocolat noisette. Si on enlevait toute morale et toute éthique sur le sujet, on pourrait se ficher de bouleverser l’équilibre planétaire pour se nourrir… Mais cela serait sans compter que ce bouleversement a des conséquences directes et indirectes sur notre propre santé, celle de nos parents et de nos enfants. Pour un réchauffement mondial de 2 à 3 °C, les experts prévoient ainsi une augmentation du risque de disparition pour 20 à 30 % des espèces animales et végétales. 70 % de nos cultures, 30 % de notre consommation, dépendent de la pollinisation. Donc oui, la baisse du nombre d’insectes est un sérieux problème.

Le changement climatique actuel modifie les interactions entre les espèces et leurs milieux de vie dans les écosystèmes. Or ces écosystèmes ont un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Quand on perturbe leur équilibre, on augmente les émissions de gaz à effet de serre, et donc les risques de fortes chaleurs et les pénuries d’eau… qui vont elles-mêmes perturber à nouveau les équilibres… Cercle vicieux climatique et écologique catastrophique, y compris pour nous : les canicules ont des conséquences directes sur notre santé. C.Q.F.D.

Se priver d'une mine d'or pour les progrès médicaux

Il ne faut pas non plus oublier que bon nombre de découvertes ont été permises par l’observation ou l’utilisation du vivant : les drosophiles pour la génétique ou encore les micro-organismes et la flore pour la pharmacologie par exemple. La biodiversité est une mine de molécules encore non découvertes. Perdre des espèces revient à perdre de potentiels médicaments ou progrès médicaux. Or on estime à 100 millions le nombre d’espèces, on n’en connaît que 1,9 million dont un million qui seraient menacées.

Je continue… Le contact avec les espaces naturels a fait ses preuves sur la santé mentale et physique. Une étude à Denver pendant la période Covid a montré que le contact avec les espaces verts urbains diminuait les niveaux de dépression et d'anxiété. D’ailleurs, si les jardins fleurissent dans les hôpitaux, ce n’est pas pour rien.

On parle aussi de plus en plus des microbiotes. J’ai appris récemment, dans un colloque (je n’ai pas la source et je m’en excuse) que les enfants élevés à la campagne auraient une meilleure immunité que ceux de la ville grâce à une variété de microbiotes intestinaux bien plus grande.

Certains estiment que la diversité des espèces permettrait d’éviter l’émergence de pathogènes et de zoonoses… Une sorte d’inhibition compétitive ou une dilution, au choix. Cela reste à prouver mais cette théorie est plutôt logique. Or, nous faisons partie intégrante du système. Le Covid l’a montré, l’arrivée du moustique tigre en métropole aussi : la santé humaine, la santé animale et celle de l’environnement sont intimement liées. OneHealth n’est pas un simple concept d’intellectuels, « Une seule santé » tient compte de ce que nous sommes. Et nous ne sommes pas indépendants… ni autonomes. C’est dur à admettre pour certains mais c’est une réalité. Nous faisons donc partie d’un équilibre ancien et évolutif, dont nous avons besoin pour vivre, mais que nous colonisons et que nous saccageons… Et ce faisant, nous nous autodétruisons.

Aussi, nos politiques publiques ne peuvent plus raisonner en silo à travers une répartition des rôles. Le ministère de l’Agriculture, ou celui de l’Économie, ne peut plus prendre des décisions sans consulter les ministères de l’Environnement et de la Santé, car tout est intriqué. Pas si facile à faire, me direz-vous. Non, effectivement. La biodiversité est complexe. Mais elle est aussi irremplaçable. Et nous sommes une espèce, tâchons humblement de ne pas l’oublier ! Préserver ce maillage merveilleux du vivant, c’est préserver notre santé à tous.

 

Alice de Maximy

Source : Le Quotidien du médecin