Ça pourrait paraître anecdotique mais l’Insee recense 25 700 femmes centenaires en France (versus 4 300 hommes), soit près de 30 fois plus qu’en 1970. Les 50 ans et plus, quant à elles, sont environ 15 millions sur les 35 millions de femmes que compte la France aujourd’hui… Oui, vous avez remarqué ? Pour les hommes, les vieux c’est au-dessus de 60 ans, pour les femmes, c’est plutôt les ménopausées (51 ans en moyenne en France), surtout au travail… Mais, je m’égare… Je me suis alors demandé quels pouvaient bien être les « compétences » et les « talents » de ces 15 millions de Françaises…
Les vieilles, ça vit longtemps
En 2023, Cocorico, l’espérance de vie à la naissance en France a été de 85,7 ans pour les femmes versus 80 pour les hommes. Tout n’est pas rose cependant, et si on vit de plus en plus vieille en France, on n’est pas toujours, loin de là, au top de notre forme. La Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ministère de la Santé) a, par exemple, évalué en 2022 notre espérance de vie « sans incapacité », c’est-à-dire en bonne santé à 65,3 ans pour les femmes (versus 63,8 pour les hommes). Ainsi, on vit six ans de plus que les hommes au total mais seulement 1,5 an de plus « en bonne santé ». Ça met un coup au moral !!!
Les vieilles, ça a du temps
Les stéréotypes de genre vont bon train et la société attend indéniablement des femmes seniors, « puisqu’elles ont du temps libre », qu’elles continuent, comme elles l’ont fait jusque-là, à porter la majeure partie de la charge mentale des familles comme aidantes de leurs ainé.es, de leurs (petits-) enfants et du conjoint, en cas de besoin.
Seulement, il y a un hic. Les vieilles, ça veut de plus en plus travailler et, malgré les difficultés d'accès aux postes à responsabilité (et les mieux rémunérés), le taux d’emploi des Françaises de 55 à 64 ans s’est fortement accru à 55,5 % en 2022. La santé des femmes au travail est d’ailleurs de plus en plus questionnée, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes climatériques puisque l'âge de la retraite s’éloigne de plus en plus de celui de la ménopause… Les symptômes de la ménopause ont démontré leur impact négatif sur la capacité de travail et l’EMAS (la vénérable Société Européenne de la Ménopause et de l'Andropause) a même appelé les employeurs à « rendre le lieu de travail plus favorable aux femmes ménopausées ».
Les vieilles, ça fait avancer la recherche médicale…
Pour prendre un exemple bien documenté maintenant (notamment par l’association Agir pour le cœur des femmes), les hospitalisations des femmes de 45 à 54 ans pour un infarctus du myocarde progressent de 5 % par an en France et les maladies cardiovasculaires tuent 200 femmes par jour. Les raisons en sont multiples bien sûr mais la mise en évidence de facteurs de risque spécifiques (comme la ménopause précoce ou le grand nombre de bouffées vasomotrices à la ménopause…), de symptômes décrits comme « atypiques » (c’est-à-dire en fait différents des symptômes classiques masculins) ou du plus fréquent retard au diagnostic et à la prise en charge booste la recherche dans le domaine en combattant l’androcentrisme historique des connaissances médicales.
Les vieilles d’aujourd’hui, ça fait de la gym et des régimes, ça réclame des cosmétiques et des sex-toys dédiés
Les vieilles ça fait marcher la (silver) économie…
À 60 ans, une perspective d'espérance de vie de 27,9 ans, ça laisse une marge qui paraît confortable. Améliorer son hygiène de vie, son look et son moral est donc devenu crucial et les vieilles d’aujourd’hui, ça fait de la gym et des régimes, ça réclame des cosmétiques et des sex-toys dédiés, ça fait des liftings et des cures bien-être, ça s'achète des fringues pour oublier que c'est bientôt la fin…
Finalement donc, peut-être que vous conviendrez avec moi que les vieilles, ça sert encore à quelques petites choses ! Les vieux aussi, notez…
Gynécologue et endocrinologue de formation, Catherine Azoulay a été clinicienne pendant plus de 30 ans et chef de projet dans le dépistage organisé du cancer et en institution publique (Haute Autorité de santé, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé…). Elle a créé et coordonné la revue spécialisée RéfleXions en Gynécologie Obstétrique pendant 11 ans. Elle a également eu une activité de conseil puis de directrice médicale en industrie pharmaceutique Santé de la Femme. Membre actif du comité Éthique et Stratégique du collectif Femmes de santé, elle exerce actuellement une action associative en santé environnementale au sein du Cercle thématique santé des Shifters et de l’ONG Alliance santé planétaire.
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