En France, la majorité des personnes atteintes de TCA ne bénéficient pas de soins, faute de repérage et d’une filière de soins adaptée. De ce fait, ces TCA deviennent chroniques alors même que des soins précoces et adaptés transforment le pronostic. La pandémie de Covid a augmenté la fréquence et la gravité des TCA et révélé davantage encore l’insuffisance de la filière de soins dédiée dans notre pays. Les personnes souffrant de TCA, leur entourage et les professionnels non spécialisés sont en grande difficulté pour trouver les ressources nécessaires : informations fiables, soutien, orientation vers des soins adaptés.
Nous partageons avec les familles et les patients le constat d’une insuffisance de la réponse apportée aux personnes souffrant de TCA
Face à ce constat, les professionnels spécialisés dans les TCA se sont unis pour créer, en 2005, la Fédération française anorexie boulimie (FFAB), société savante de référence sur les TCA. La FFAB, avec un soutien continu, mais modeste, des pouvoirs publics, se bat pour que notre pays développe une filière de soins digne. Le constat a été écrit, des propositions faites (1) et des recommandations élaborées avec la Haute Autorité de santé (2, 3, 4). Des actions, soutenues par la Direction générale de la santé, ont vu le jour : annuaire en ligne des structures de soins spécialisées (5), journée mondiale des TCA du 2 juin (6), formation (7), ressources diverses (8). Cependant, la situation reste préoccupante. La recherche manque de moyens. Nous partageons avec les familles et les patients le constat d’une insuffisance de la réponse apportée aux personnes souffrant de TCA. Cette situation crée une détresse, dont abusent des personnes peu scrupuleuses qui proposent des pseudo-soins non validés, avec des promesses d’effets « miraculeux » car rapides et faciles. Ces approches sont, au mieux, inefficaces, voire malheureusement dangereuses ou dispendieuses pour de trop nombreuses personnes rencontrées.
Lutter contre les pseudo-soins non validés
Nous souhaitons, au travers de cette tribune, rétablir certaines vérités et diffuser aux praticiens de première ligne des ressources fiables pour repérer et soigner les personnes souffrant de TCA.
Les TCA sont des affections graves, nécessitant des soins pluridisciplinaires gradués et coordonnés, incluant des approches psychiques, nutritionnelles, somatiques et sociales.
• Il est incontournable de prendre en compte les désordres alimentaires et les conséquences nutritionnelles : restaurer un poids de santé dans l’anorexie mentale, traiter les complications du surpoids et de l'obésité dans l’hyperphagie boulimique et celles liées aux crises de boulimie et aux stratégies de contrôle de poids.
• La neurobiologie permet de décrire aujourd’hui des réseaux neuronaux impliqués dans la sélectivité alimentaire, la prise de décision ou encore les distorsions de l’image du corps. Mais, à ce jour, leur ciblage par des techniques de neuromodulation (rTMS, tDCS, stimulation cérébrale profonde) n’en est qu’au stade de la recherche et ces techniques ne doivent pas être utilisées dans les soins courants. Il n’existe pas de centre du TCA dans le cerveau !
• Quelques traitements psychotropes ont montré une efficacité et sont recommandés pour la boulimie et l’hyperphagie boulimique (3). Ils doivent s’intégrer dans une prise en charge globale du patient. Il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux de l’anorexie mentale (2), même si des recherches sont en cours.
• Les soins pour TCA sont initialement ambulatoires. Parfois, l’hospitalisation s’impose (2, 3) devant la nécessité de prises en charge pluridisciplinaires intensives, nutritionnelles, somatiques et psychiques, s’appuyant sur un projet de soins personnalisé élaboré avec le patient ; elle n’est pas iatrogène comme certains le prétendent.
• Certaines techniques de soins (psychomotricité, art-thérapie, hypnose, sophrologie) ou encore d’autres pratiques courantes dans la société (naturopathie, acupuncture, yoga, qi gong, tai-chi, ostéopathie, etc.) peuvent avoir un intérêt au regard des personnes concernées. Elles ne sont utiles qu’en tant qu’approches complémentaires aux soins pluridisciplinaires coordonnés, mais ne sauraient être utilisées comme un traitement unique des TCA (2, 3, 4).
• Le coût élevé des soins n’assure pas leur efficacité.
• Les familles et aidants doivent être soutenus et considérés comme des acteurs à part entière du soin.
Des ressources pour les professionnels de premier recours
Nous, professionnels spécialisés des TCA, sommes à la disposition des professionnels de premier recours pour travailler en coordination avec eux et nous leur proposons les ressources suivantes : la ligne téléphonique Anorexie Boulimie Info Écoute au 09 69 325 900 (voir jours et horaires d’ouverture (9)) ; un annuaire des structures de soins spécialisées (5) ; des recommandations HAS (2, 3, 4) ; un plan national de formation de la FFAB (10) ; une formation e-learning TCA pour les professionnels de 1er recours (11) ; un diplôme universitaire (DU) sur les TCA de l’enfant et de l’adolescent (en partenariat avec l’université de Rouen et la Maison de Solenn, CHU Cochin) (7) ; une journée annuelle FFAB – l’édition de 2024 aura lieu à Nîmes (12).
Journée annuelle du réseau TCA Francilien le 5 novembre à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (AP-HP) :
« Nouveautés thérapeutiques dans les TCA : du microbiote au coaching, comment faire le tri ? ».
Pour vous inscrire : https://my.weezevent.com/nouveautes-therapeutiques-tca-2024
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