Au cours des cinquante dernières années, la mortalité infantile n’avait cessé de reculer dans tous les pays occidentaux. Toutefois, en 2022, une étude publiée dans le Lancet (1) alertait sur son augmentation en France métropolitaine au cours des dernières années. Une évolution qui interroge la situation de l’Île-de-France dans la mesure où, comme le notent les auteurs de l’étude (*), elle présente depuis plus de trois décennies « des indicateurs de santé périnatale et infantile plus défavorables que ceux de la France métropolitaine », les décès infantiles franciliens représentant par exemple un peu plus d’un quart de l’ensemble des décès des moins d’un an dans l’Hexagone.
De fait, l’étude menée confirme une tendance à l’augmentation de la mortalité infantile depuis dix ans dans la région francilienne, principalement liée à l’augmentation de la mortalité néonatale précoce (2) : au total, entre 2000 et 2020, 13 401 décès ont été comptabilisés chez les moins d’un an pour 3 389 048 naissances vivantes, le taux de mortalité infantile (TMI) moyen étant estimé à 3,95 décès pour 1 000 naissances vivantes au cours des 19 dernières années contre 3,63 ‰ en France métropolitaine.
Les auteurs de l’étude relèvent qu’entre 2000 et 2020, 25 160 décès des 0-6 jours ont été comptabilisés en France métropolitaine dont 6 411 domiciliés en Île-de-France où près de la moitié des enfants qui meurent avant un an, décèdent dans la première semaine de vie (47,8 %). Rapporté au nombre de naissances vivantes au cours de la période, le taux moyen de mortalité néonatale précoce est estimé à 2,01‰ entre 2001 et 2019 dans la région francilienne et 1,72 ‰ en France métropolitaine.
« Ces résultats sont inquiétants car nous assistons à une forte augmentation de la mortalité infantile depuis la dernière décennie. Nous avons d’ailleurs saisi l’agence régionale de santé Île-de-France qui connaît ces chiffres et devrait rapidement mettre en place des leviers d’action pour enrayer cette évolution », exprime le Dr Bobette Matulonga, coauteur de l’étude.
Une mortalité néonatale précoce préoccupante
Comme pour la France métropolitaine, l’Île-de-France a connu une évolution en trois phases : après une baisse de la mortalité néonatale précoce entre 2001 et 2006 (2,19 ‰ en 2001, 1,72‰ en 2006), puis une stabilité entre 2006 et 2011, une nette augmentation est notée depuis 2012 (1,71 ‰ en 2011, 2,08 ‰ en 2019).
Si les changements législatifs de 2002 relatifs à la définition de la viabilité fœtale ou de 2008 sur le mode d’enregistrement d’enfants sans vie de 2008 « ont bouleversé les statistiques de mortinatalité avec une hausse artefactuelle de celle-ci », ils ne peuvent pas expliquer l’augmentation progressive du taux de mortalité infantile observée, selon l’ORS. Les causes de cette évolution préoccupante seraient donc davantage à rechercher parmi l’augmentation de la prévalence des facteurs de risque connus (diabète gestationnel, troubles vasculaires, âge maternel, obésité maternelle, grande prématurité, faible poids de naissance…), la pauvreté et le statut migratoire avec des difficultés d’utilisation ou d’accès aux soins ou encore l’organisation des soins (sorties de maternité et de service de néonatologie, articulation ville-hôpital, offre médicale insuffisante par rapport aux besoins dans certains territoires…).
« Nous avons formulé des hypothèses, mais nous allons approfondir nos travaux sur les causes de cette évolution négative, poursuit le Dr Bobette Matulonga. Nous savons par exemple qu’en Île-de-France, l’âge des mères est plus élevé que la moyenne. Nous enregistrons donc davantage de situations de diabète gestationnel ou encore de naissances prématurées. Nous allons également examiner l’impact des déserts médicaux, les conséquences des tensions en ressources humaines à l’hôpital, ainsi que les ruptures de soins entre la maternité et la ville. Enfin, les facteurs socio-économiques sont également à prendre en considération : la pauvreté et l’absence de couverture sociale augmentent les risques de mortalité infantile. »
L’ORS conclut que si la mortalité infantile continue à baisser chez nos voisins européens, elle « stagne voire augmente en France, la faisant passer de la cinquième à la dix-huitième position entre 1980 et 2020 dans le classement européen de la mortalité des moins de 1 an ».
1. Trinh, N.T.H., et al., Recent historic increase of infant mortality in France: A time-series analysis, 2001 to 2019. Lancet Reg Health Eur, 2022. 16: p. 100339.
2. Le décès entre le jour 0 de vie (J0) et le sixième jour (J6) définit la mortalité néonatale précoce, entre le J7 et le J27 la mortalité néonatale tardive et entre le J28 et le J365 la mortalité postnéonatale.
(*) Etude : Augmentation de la mortalité infantile en Ile-de-France, Analyse de l’évolution entre 2000 et 2020. Auteures : Bobette Matulonga, Valérie Féron et Khadim Ndiaye. Directrice de publication : Isabelle Grémy.
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