Cercle Galien/débat

La démocratie sanitaire peut-elle être un enjeu de la prochaine campagne présidentielle ?

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Publié le 16/12/2021
Yvanie Caillé, Philippe Denormandie, Christian Saout et Frédéric Worms échangent autour des sept recos du cercle Galien. Avec en ligne de mire l'opportunité d'interpeller les futurs candidats sur la démocratie sanitaire.
De gauche à droite et de haut en bas : Christian Saout, Gilles Noussenbaum. Complètement à droite : Frédéric Worms. En distanciel : Yvanie Caillé.

De gauche à droite et de haut en bas : Christian Saout, Gilles Noussenbaum. Complètement à droite : Frédéric Worms. En distanciel : Yvanie Caillé.
Crédit photo : capture écran vidéo cercle Galien

De gauche à droite et de haut en bas : Christian Saout, Gilles Noussenbaum, Yvanie Caillé, Frédéric Worms.

De gauche à droite et de haut en bas : Christian Saout, Gilles Noussenbaum, Yvanie Caillé, Frédéric Worms.
Crédit photo : arnaud janin

En quoi la démocratie sanitaire a été percutée pendant la première vague ? Réponse de  Yvanie Caillé (association Renaloo) lors du débat du Cercle Galien* (voir la vidéo) : « Au tout début de la crise sanitaire, nous avons observé un effondrement total de la démocratie sanitaire. Il y a eu un silence assourdissant sur cette situation dramatique. Cela a eu de vraies conséquences pour les personnes malades dialysées ou greffées du rein, avec un pronostic extrêmement grave », affirme. En témoigne le taux de mortalité de ces patients en cas de Covid aux alentours de 20 %, soit un patient sur 5. Selon la représentante des patients dialysés, ces derniers sont toujours en état de confinement, n'ont plus de contacts sociaux et les sont encore plus vulnérables. Comment se manifeste cette souffrance de la démocratie sanitaire : « Les règles de répartition des greffons ne sont pas équitables puisqu'elles se passent toujours entre l'Agence de la biomédecine et les professionnels de santé, et elles excluent encore les patients. Le principe d'équité inscrit dans la loi n'est pas respecté en matière de délai d'attente. » Et Christian Saout (président de la commission sociale et médico-sociale de la HAS) confirme le recul de la démocratie sanitaire : à ce moment de la crise, « les institutions de la démocratie sanitaire ont été tétanisées et ont eu du mal à réagir. Notre pays ne s'est pas montré collaboratif avec la société civile. Des institutions de crise auraient pu être mobilisées, mais cela n'a pas été fait. »

Participation des patients aux RCP, la solution d'avenir

Frédéric Worms tire des leçons de la crise avec cette citation de Georges Canguillhem : « Il faut penser la santé à partir de la maladie » et de rebondir sur cette idée : « De même il faut penser la santé publique à partir de la crise. Il ne faut pas se dire qu'elle n'est est un accident, mais un repoussoir, c'est contre elle qu'il faut penser. » Concernant la participation des patients à la décision médicale et notamment aux RCP (proposition du cercle Galien), Yvanie Caillé regrette que cette mesure ne soit pas encore probante : « C'est le prolongement de la décision partagée et c'est probablement la solution d'avenir. »

Collaboration entre médecins et patients

Selon Christian Saout, la loi sur la démocratie sanitaire de 2002 est issue d'une double crise, celle du Sida et des maladies nosocomiales. Conséquence, « il faut au minimum deux représentants de patients dans une instance : il faut rétablir l'équilibre. Il faut penser la démocratie sanitaire en santé dans des formes nouvelles de collaboration (et pas des formes d'opposition) et éviter à tout prix un affrontement entre les médecins et les patients. Ce que promeut aussi le Pr Philippe Denormandie (chirurgien orthopédique et directeur relations santé de Nehs) : « Arrêtons de travailler uniquement entre professionnels. Dans notre système, la maladie est visible, mais les patients plutôt invisibles. En conséquence, les études nécessitent une participation beaucoup plus importante des patients. Quand dans une structure du handicap un étudiant se met à quatre pattes pour échanger avec un autiste, il aura forcément un regard différent lors d'une consultation. » Et de mettre sur la table l'évaluation du patient à distance suite à son opération. Il enfonce le clou : « Réaliser une RCP sans le patient, même dans le cancer, c'est absurde. »

Santé numérique participative

L'intelligence artificielle selon lui est un outil pour proposer le panel de solutions thérapeutiques existantes, afin de trouver le traitement adéquat en concertation avec le patient. Côté santé numérique, selon Frédéric Worms, « on ne doit pas avoir peur d'une santé numérique participative. Car on passe toujours d'un extrême à l'autre, on lui demande des solutions techniques et on a peur des applications sociales, à savoir du big brother numérique et de la santé déshumanisée. La seule solution est la participation en amont en posant des questions sociales et politiques aux données de santé avec le soutien des chercheurs. » D'ailleurs, la fondatrice de l'association note la présence essentielle des associations sur les réseaux qui a été d'une aide précieuse pendant la pandémie. Et de justifier : « Cela a été une expérience fabuleuse de coconstruction de la démocratie sanitaire. » Toutefois, Christian Saout relativise cet enthousiasme : « Le numérique est certes un accélérateur, mais ne change pas fondamentalement les choses. La question est plutôt est de savoir comment on accompagne le milieu associatif pour se mettre en mode production et pas seulement en mode testimonial. Pour l'avoir vécu, la participation des patients aux RCP est décisive. Combien de temps faudra-t-il encore plaider pour l'approche globale que l'OMS met en avant depuis longtemps et dont la lutte contre le Sida a été un puissant démonstrateur ? »

Autre reco soutenue par Frédéric Worms, l'enseignement auquel les patients devraient aussi contribuer afin de formaliser leur expérience. Une manière « d'instituer l'expérience sans intrusion et tout en respectant l'altérité ». Cette piste est attendue par Yvanie Caillé sur les publications scientifiques. En témoigne la publication récente d'une étude réalisée par Renaloo publiée dans le BMJ sur les craintes et les attentes des patients avec la crise.

Greffes, économies potentielles de 200 millions d'euros

Enfin, et surtout « la démocratie sanitaire est une source de progrès pour améliorer la santé, insiste Yvanie Caille. Pour rendre plus performant le dispositif de la greffe en France, la représentante de Renaloo mentionne deux études auxquelles l'association a participé. L'une a eu lieu en Espagne qui est le champion du monde de donneurs décédés et l'autre en Angleterre qui a su développer de manière optimale la greffe rénale de donneurs vivants. L'objectif pour l'association sera évidemment de transposer ces modèles dans l'Hexagone. Avec des résultats probants selon ces études : à cinq ans, les économies réalisées seraient de 200 millions d'euros. Ce sujet sera bien sûr mis sur la table dans le plan greffe 2022 à l'occasion de la campagne pour l'élection présidentielle. 

* Les patients : quel rôle dans la démocratie sanitaire en 2022 ?


Source : lequotidiendumedecin.fr