Coronavirus : trois généralistes racontent comment le confinement a bousculé leur projet d'installation

Par
Publié le 25/04/2020
.

.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Pour certains jeunes généralistes, l’installation en libéral ne s’est pas tout à fait passée comme prévu en raison du Covid. « Je me rappellerai longtemps de ma date d’installation ! », s’exclame le Dr Pierre-François Angrand (ci-contre), généraliste à Boeschepe, dans le Nord. Et pour cause. Ce dernier a ouvert son cabinet la veille du début du confinement, le 16 mars. Comme de nombreux jeunes praticiens, sa date d’installation coïncide avec le début d’une crise sanitaire sans précédent, et cette étape importante dans la carrière d’un généraliste s’en voit bouleversée. 

Le projet du Dr Angrand de reprise de cabinet au sein de la nouvelle maison de santé de Boeschepe était finalisé depuis début janvier. « La plupart des démarches étaient faites mais j’ai eu quelques soucis administratifs et de livraison », confie le praticien. Le Dr Angrand a en effet dû compter sur le matériel de son prédécesseur car sa table d’examen et son bureau ne lui ont pas encore été livrés. Le médecin a dû aussi solliciter son confrère pour être dépanné en ordonnances et formulaires Cerfa. « Quelque part, heureusement que ce n’était pas une création, sinon je n’aurais pas pu démarrer mon activité », affirme-t-il. 

Baptême du feu

S’il connaissait un peu les patients de la MSP pour avoir déjà fait du remplacement au sein de la structure, les événements ont ralenti la constitution de sa patientèle. « Pour l’instant, je ne vois que 5 à 10 patients par jour », indique le Dr Angrand. Mais ce dernier a vite trouvé ses marques au sein de la MSP grâce à la réorganisation collective des prises en charge dans le cadre du Covid. « La première semaine était stressante, on ne se sent pas forcément légitime pour tout mettre en place en étant fraîchement arrivé, mais le travail d’équipe a facilité les choses », témoigne-t-il encore. D’un point de vue financier, le généraliste estime que ce premier mois d’installation sera l’équivalent de son activité de remplacement. « L’avantage est que la banque a accepté de reporter nos mensualités de trois mois et c’est une grosse partie des charges », relativise-t-il.

Forcés d’attendre le déconfinement

Dans la région Centre-Val de Loire, un couple de jeunes généralistes a carrément dû revoir ses plans. Le Dr Claire Duigou et son conjoint Dr David Hamard (ci-contre) devaient prendre possession de leur nouveau cabinet début avril dans le village de Château-la-Vallière (Indre-et-Loire). Mais la crise sanitaire en a décidé autrement. À mi-mars, deux semaines avant l’ouverture du cabinet, le couple de médecins n’avait reçu ni le matériel, ni la visite des techniciens téléphoniques. Ils sont ainsi forcés d’attendre le déconfinement pour s’installer.

En attendant, le Dr Hamard poursuit son activité de remplaçant et le Dr Duigou, qui entame son troisième trimestre de grossesse, a dû arrêter son activité. Elle prévoit de reprendre en septembre mais s’est portée volontaire pour assurer des téléconsultations.

Une forte attente de la part de la population

« Dès que le confinement sera levé, David s’installera. Nous avons eu la chance d’avoir des propriétaires conciliants qui nous réservent les locaux du cabinet sans frais », explique le Dr Claire Duigou. La demande de soins des 5 000 habitants du bassin de vie est très forte dans cette zone qui est passée de trois praticiens il y a deux ans à un seul aujourd’hui. « Pour l’instant, l’activité est calme mais si on s’installe en mai ou juin, cela va faire du bien. Il va sûrement falloir rattraper les renouvellements, reprendre les suivis… », projette le Dr David Hamard.  

S’estimant « davantage fourmis que cigales », le couple relativise les pertes financières car ils n’ont pour l’instant pas engagé de dépenses de loyers ni de matériel pour le cabinet. « Nous pourrons bénéficier du fonds de solidarité de l’État en tant que remplaçants, et je vais toucher des indemnités journalières car je suis au troisième trimestre de grossesse, donc on sera moins impactés que les médecins installés ou les autres professionnels », ajoute le Dr Duigou. 

Les deux praticiens ressentent toutefois une certaine frustration à ne pas « être sur le front auprès de (leurs) confrères ». Mais ils restent en contact avec les praticiens de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) et à leur disposition si le virus venait à progresser dans leur secteur géographique.


Source : lequotidiendumedecin.fr