D'habitude, la contrainte à l'installation est plutôt le cheval de bataille des parlementaires. Cette fois, c'est pourtant un généraliste libéral de l'Orne qui prône la coercition dans une tribune publiée dans l'hebdomadaire Le Journal de l'Orne. Le Dr Laurent Moisant, installé dans un cabinet de groupe à Argentan, estime que la situation est telle que « seule la contrainte à l'installation peut permettre d'améliorer la répartition des médecins sur le territoire ».
Ce praticien de 53 ans, aussi enseignant à l'Université de Caen, met en avant sa double casquette : « Je connais à la fois les réalités du terrain et les aspirations de mes élèves concernant l'installation », a-t-il confié au Généraliste. Il est lui-même très inquiet de la situation dans son département, très touché avec moins de 100 médecins pour 100 000 habitants en 2017 selon l'Atlas de l'Ordre quand la moyenne nationale est de 143 praticiens. Le Dr Moisant exerce aux côtés de trois autres généralistes, dont deux partiront prochainement à la retraite.
Augmenter le numerus clausus
L'omnipraticien ornais part de deux constats : la féminisation de la profession et la tendance des jeunes diplômés à vouloir travailler moins que leurs aînés. Pour satisfaire la demande de soins, il propose ainsi « une augmentation progressive du numerus clausus des médecins », conscient toutefois que le nombre de médecins formés a déjà fortement progressé en 25 ans. « À mon époque, la fac prenait 88 étudiants, maintenant 204, dont la moitié à peu près en médecine générale ».
Augmenter le nombre de médecins diplômés en médecine générale ne suffira donc pas selon lui. « Malgré tout, il y a des zones où les généralistes qui partent à la retraite ne sont pas remplacés », constate-t-il. Aujourd'hui, le Dr Moisant estime que les incitations financières existantes ne suffisent pas. « Sans généraliser, elles profitent surtout à nos confrères européens qui viennent en France. Mais ils ne restent pas sur le long terme », se défend-il. Une des solutions pour un maillage plus homogène du territoire serait donc de contraindre les jeunes médecins à s'installer dans des zones déficitaires pendant cinq ans, en leur faisant également bénéficier en parallèle d'une exonération de leurs charges pendant 3 ans.
Copier les autres professions libérales
Comment définir ces zones ? Le Dr Moisant propose le calcul suivant : « Il faut étudier combien de médecins il faut par habitant au niveau national. Admettons qu'on l'évalue entre 1 300 et 1 500 patients par praticien. Une ville de 15 000 habitants comme Argentan a alors besoin de 10 généralistes. S'il n'y en a que cinq, on contraint cinq installations pendant cinq ans ». Autre argument avancé par le praticien, d'autres professions libérales ont déjà subi le sort de la contrainte à l'installation. « Les pharmaciens, les notaires, les infirmières… sont déjà réglementées », martèle-t-il. Le généraliste d'Argentan se place aussi du côté des patients. « Est-ce normal, quand on travaille et qu'on paye des cotisations sociales, de ne pas avoir accès de manière équitable à un médecin selon l'endroit où l'on vit ? », s'interroge-t-il.
Le Dr Moisant a bien conscience que « son idée entrave la liberté d'installation » chère à beaucoup de généralistes mais campe sur ses positions. Il propose même de contraindre les remplaçants à s'installer. Il qualifie leur statut actuel « d'extrêmement confortable » et prône une limite de remplacement fixée « à 3 ou 4 ans » après avoir passé sa thèse. Le Dr Laurent Moisant sait que ses solutions ne séduisent pas les jeunes médecins. « Or, si on ne fait rien, il faut accepter qu'il n'y ait plus de médecin généraliste dans des zones rurales et semi-rurale » conclut-il.
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships