Au sein d’ORATORIO, nous intervenons fréquemment sur des problématiques de bien-vivre au travail en établissement de santé. Notre approche théorique [1] innovante s’appuie sur la réalisation d’une enquête auprès des professionnels afin de mesurer le plus précisément possible, à un instant donné, leur ressenti en termes de bien-vivre au travail. Cette approche empirique est essentielle pour construire les fondements de la compréhension factuelle de la qualité de vie au travail pour les agents. Pour compléter cette approche terrain, nous nous sommes lancés un ambitieux défi : tenter d’objectiver, à partir de toutes les données de santé disponible en libre accès, les déterminants du bien-vivre au travail, pour mieux en comprendre les ressorts.
Ainsi, nous avons initié une démarche inédite en France : identifier toutes les données disponibles au public sur les établissements de santé donc en open data et les traiter pour évaluer et objectiver le bien-vivre au travail.
Problématique
Que peut-on apprendre sur le bien-vivre au travail en confrontant un ensemble de données, qu’elles soient « administratives » (Base SAE,…) « de certification » (Base HAS,…) et des données « terrain » (base e-satis, Google rating…) ?
A ce stade de nos travaux, nous avons identifié plus d’une vingtaine de bases potentielles, dont seule une dizaine a pu être intégrée à notre démarche, compte tenu des différences de maille de données ou d’absence de donnée pivot.
Tour d’horizon des bases de données structurées et non structurées exploitées
Une base de données structurée se présente sous la forme d’un fichier plus ou moins organisé qui regroupe un ensemble de données. Elles peuvent être relativement faciles d’exploitation. Cependant, chaque base comporte ses propres limites.
La base SAE (Statistique annuelle des établissements de santé) est l’une des bases les plus exhaustives et complètes, mais avec de réelles limites. L’information récupérée est très opérationnelle et recouvre finalement peu de données en lien avec le bien-vivre au travail. De surcroît, le manque de cohérence entre les bordereaux et les variables annuelles rend complexe la création d’une base unique sur plusieurs années avec l’ensemble de l’information.
La base HAS (Haute Autorité de santé) permet de récupérer les notes de certification des établissements par thématique ou critère. Cependant, le peu de variabilité de cette note de certification rend difficile une discrimination d’autres variables, avec de surcroît un horizon temporel limité (un seul tour de certification V2014).
La base HOSPIDIAG est un outil d’aide à la décision permettant d’évaluer comparativement la performance d’un établissement de santé MCO. Cette base met en exergue les forces et faiblesses comparatives des établissements sur 5 composantes : performance et activité, qualité des soins, organisation des soins, ressources humaines et finance. Cependant, même si Hospidiag restitue un taux d’absentéisme du personnel non médical, cet indicateur correspond à une valeur moyenne annuelle pour chaque établissement et agrège différentes notions d’absentéisme (courtes/longues durées et toutes causes d’absences confondues).
Le questionnaire E-Satis est mis à disposition pour recueillir l’expérience et la satisfaction des patients de façon continue. Ce questionnaire s’adresse à tous les patients hospitalisés plus de 48 heures en MCO. Il permet au patient qui le souhaite de donner son avis sur l’accueil, la prise en charge, la chambre et les repas, la sortie… En revanche, il n’est disponible qu’à partir de 2016.
Le portail Dress Santé est un espace regroupant l’ensemble des données publiques produites par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et mises à disposition des usagers. Dans le cadre de nos travaux, la thématique qui nous a semblé la plus adaptée et pertinente est l’APL (Accès potentiel localisé) ; Elle permet de mesurer l’adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins de premier recours à un échelon géographique local. Cependant, l’indicateur d’APL n’existe que sur la période 2010-2015.
Le portail Eco-Santé intègre des thèmes aussi différents que les dépenses de santé, l’état de santé, les professions de santé, les hôpitaux, le secteur pharmaceutique, la protection sociale, la démographie ou les indicateurs économiques. La principale limite de cette base est qu'elle n’est plus mise à jour depuis fin 2016 et migre actuellement vers un nouveau portail : ScoreSanté.
Enfin, le portail Insee qui fournit un grand nombre de bases de données sur différentes thématiques et principalement celles issues des recensements de populations effectués tous les quatre ans (2010-2014- 2018). Ces variables seront croisées avec d’autres bases de données et nous permettront de calculer des ratios tels que : densité de médecins pour 100 000 habitants, nombre de lits par rapport à la taille du département, etc.
Il existe d’autres types de données en Open Data qui proviennent d’autres sources caractérisées comme « non-structurées ». Cette dénomination fait référence notamment aux réseaux sociaux (Facebook, Linkedin, Twitter…) mais également aux rapports d’évaluation disponibles sur le site de la HAS, des établissements ou des cours régionales des comptes. Cette donnée requiert un traitement beaucoup plus long et une exploitation bien plus complexe que la donnée structurée. Il est même parfois impossible d’en tirer le maximum à cause des limites fixées par le propriétaire de la donnée (confidentialité, accès limité aux données…).
Que nous apprend la jointure des bases de données ?
La valeur ajoutée visée à travers ces travaux porte principalement sur l’agrégation et le croisement des sources existantes et leur diagnostic.
La jointure des bases SAE et HOSPIDIAG est intéressante car elle permet d’évaluer la cohérence des données présentes dans chacune. En revanche, sur 4 030 « établissements géographiques » uniques dans SAE et 1 509 « implantations géographiques et entités juridiques » uniques dans Hospidiag, seuls 58% des établissements sont présents dans les 2 bases.
Si l’on croise la base E-satis et la base SAE, le périmètre commun est de 400 établissements, on tombe à 289 si l’on croise la base E-Satis et la base Hospidiag.
La dernière jointure analysée concerne la base SAE et la base HAS, soit les 2 bases les plus larges en terme de périmètre. Entre ces deux bases, le taux de recouvrement est de 65%, ce qui permet de récupérer 2 643 établissements. La différence de volumétrie provient principalement qu’une grande partie des établissements certifiés par la HAS sont des établissements psychiatriques qui ne sont pas présents dans la base SAE.
Nous avons rencontré une autre difficulté dans l’analyse et la jointure entre les différentes bases de données disponibles, il s’agit du périmètre temporel. Le croisement de ces bases nous a contraints à réduire fortement le périmètre temporel de l’étude et au final empêche une analyse temporelle fine à plus large échelle. Notre premier constat était donc le suivant : les périmètres des bases de données sont très différents, et la dimension RH et sociale est peu appréhendée dans ces bases ce qui rend difficile d’obtenir une vision granulaire du bien-vivre au travail.
Premières analyses et premières orientations
Malgré ces limites, nous avons décidé de poursuivre nos travaux et d’approfondir l’analyse sur l’échantillon « minimum » des 200 établissements afin de « faire parler » les données.
A l’issue d’une première analyse, nous avons acquis les convictions suivantes :
- La manière dont on observe le bien-vivre au travail doit évoluer pour comprendre et agir. En effet, on ne peut plus conserver une temporalité annuelle (voire tous les quatre ans pour le rapport sur la fonction publique de 2017 qui utilise des données de 2013). Si l’on souhaite concrètement se pencher sur le bien-vivre au travail, il faut arriver à en analyser les causes à une maille beaucoup plus fine et avec des indicateurs différents de ceux que les études actuelles mettent à notre disposition.
- Il est nécessaire d’approfondir encore le sujet en poursuivant nos travaux avec deux approches parallèles. D’une part identifier d’autres bases de données non ouvertes qui peut-être pourront nous aider à affiner nos conclusions et augmenter le périmètre d’analyse. Et d’autre part proposer de nouveaux indicateurs de suivi et un modèle de collecte non invasif pour les établissements, plus représentatif de la réalité terrain.
[1] Article Décision & Stratégie Santé n°312, automne 2018.
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