Quels sont les usages de votre casque et comment est-il implanté ?
Au-delà de la chirurgie, il va impacter aussi bien les gestes médicaux que la formation. Nous avons un marché mondial, avec plus de clients aux États-Unis et au Japon qu'en France, avec des milliers de commandes déjà enregistrées. La production de nos casques va démarrer en janvier 2023 et sert à la santé, à l'industrie, à la défense, pour le grand public. Nous sommes de plus en plus soutenus par la puissance publique. Mais certains usages logiciels ne sont développés que pour la santé comme notre partenariat, avec le Pr Nataf et le Pr Hansel de l'AP-HP. Ce relais avec la recherche française est important. Il montre qu'on n'utilise pas que des casques chinois ou américains autant pour les jeux vidéo que pour former un chirurgien. Sur ce sujet de la souveraineté d'ailleurs, le 16 novembre, j'ai fait un discours à l'Union européenne pour démontrer l'importance d'avoir un CRV européen.
Quelle est l'implantation des techniques immersives ?
Il existe beaucoup de bruit autour de cette industrie qui à la fois fait rêver et crée beaucoup de spéculations et de confusion. Ce que les gens appellent "métaverse" est en fait l'Internet avec l'aspect 3D au lieu d'avoir la 2D sur leur téléphone. Avec 35 millions de casques vendus dans le monde pour une population globale de 7 milliards, on est loin du même niveau d'adoption que les smartphones. Toutefois le potentiel est énorme. Notre tâche est de concevoir le terminal qui va permettre d'accéder à la réalité virtuelle.
Pourquoi Meta investit autant d'argent dans ces nouvelles technologies ?
Leurs innovations sont concrètes et coûtent des milliards de dollars. Nous allons pouvoir récolter les fruits de ces investissements colossaux en R&D que de toute façon nous n'aurions pu assumer.
Quels sont vos concurrents ?
Meta (Facebook), la maison mère de TikTok et un peu Microsoft. Mes concurrents sont des boîtes de réseaux sociaux et pas des start-up. Pourquoi ? Car ces casques sont très difficiles à concevoir. La barrière à l'entrée technologique en termes de motivation et d'investissement est faramineuse. Nous sommes les seuls à avoir passé la barre et à avoir survécu au stade du prototype.
Pourquoi ce partenariat avec le Pr Nataf ?
Il repose sur la conception d'une interface homme/machine pour le chirurgien autour de la chirurgie augmentée. Cela consiste à remplacer tous les écrans autour de lui dans le bloc opératoire par de l'information dans le casque et de les lui afficher au bon endroit au bon moment, surtout aux moments critiques. Le chirurgien pourra aller plus vite et commettre moins d'erreurs, et même s'entraîner avant l'opération dans le virtuel. Une petite vidéo montre comment le CRV sera à même de manipuler un organe virtuel et le couper en deux. D'abord, il peut accéder au cours de l'opération à des images radio ou à d'autres éléments par la voix ou avec ses mains. Après, il y a la captation des données où le casque avec ses caméras et ses capteurs enregistrera tous les gestes du chirurgien. Une IA guidera un bras robot et compilera toutes les opérations du médecin qui seront enregistrées afin d'aider à obtenir la meilleure stratégie chirurgicale. Le but est de guider le chirurgien dans ses gestes, et potentiellement d'éduquer d'autres bras robots avec la banque de données qu'on aura accumulée. Pour l'instant on n'en est qu'au stade du recueil des données. Demain on sera capable de les interpréter.
Vous allez participer aux cours de ce nouveau DU de métaverse en santé de l'Université Paris Cité ?
Je vais mener un cours en mars prochain sur le casque et ses applications potentielles. Il existe un énorme potentiel de formation à travers tous les métiers du corps médical. Outre les gestes chirurgicaux les plus en pointe, pourront être réalisés des gestes plus macro comme une échographie, ou guider (tracer) la sonde d'une échographie par exemple, ou même réaliser une autopsie sans avoir à ouvrir un vrai patient en deux.
Quand atteindrez-vous la rentabilité ?
Notre premier bilan positif date de 2021. À partir de janvier 2023, nous allons produire 1 000 casques par mois alors que nous en avons déjà vendu 3 000. Nos carnets de commandes pour les trois premiers mois de 2023 sont déjà pleins. Nous avons demandé un soutien financier à Bercy afin de multiplier nos lignes de fabrication sur lesquelles travaillent 60 personnes pour l'instant. Or il nous faudrait beaucoup plus de personnels. La question centrale qui va se poser pour 2024 est comment on va rapatrier une partie de l'assemblage du casque en Europe alors que la conception a été élaborée en France. Nous avons montré au monde entier que nous étions capables de concevoir un matériel de pointe utilisé dans plein de domaines. À Taïwan, l'installation a été plus rapide et moins chère. Maintenant il va falloir tout reprendre de zéro et remettre des millions d'euros sur la table pour créer une usine de A à Z en France. Le capital initial pour un tel projet de relocalisation est au moins de 20 millions d'euros. Dans des secteurs aussi sensibles que la santé et le militaire, il s'agit pour nous d'une part d'économiser les coûts de prestation du fabricant asiatique et d'autre part d'être plus efficaces et plus sécures au niveau de l'assemblage.
Est-ce que vos "gros" concurrents ont tenté de vous racheter ?
Bien sûr. Ils ont même essayé de recruter mes ingénieurs dans mon dos. D'ailleurs, pour preuve de notre réussite, le 16 novembre, Lynx s'est vu décerner le prix 2023 du CES en innovation et en design. Nous sommes la première société française dans la catégorie technologies immersives à gagner un prix d'innovation très reconnu aux États-Unis, où nous continuons de réaliser des expérimentations.
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