Taxera, taxera pas ? Les plateformes de prise de rendez-vous en ligne et les sociétés privées de téléconsultation sont mitigées quant à leur rôle à jouer dans la mise en œuvre, au sein de leur service, d’une fonctionnalité permettant de pénaliser les patients indélicats qui n’honorent pas leur rendez-vous.
Début avril, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé son intention d’instaurer cette fameuse taxe « lapin » dès janvier 2025 pour tous les usagers qui ne se présenteraient pas à un rendez-vous médical sans avoir averti leur médecin au moins 24 heures à l’avance. La décision de sanctionner le patient reviendrait aux médecins mais les plateformes de prise de rendez-vous en ligne pourraient être chargées de retenir une pénalité financière de cinq euros.
Responsabiliser les patients
Ce mécanisme de collecte, qui suppose que le patient renseigne ses données bancaires (par empreinte), ne fait pas l’unanimité parmi les acteurs de la télémédecine. Cinq jours après l’allocution du Premier ministre, Doctolib a indiqué son intention de ne pas participer au déploiement de cette mesure pensée en l’état. « Il ne faut pas créer un fardeau administratif nouveau pour les soignants et entraver l’accès aux soins, a estimé sur France Inter Stanislas Niox-Chateau, cofondateur et PDG de la licorne. Il y a 15 % des patients qui sont en situation d’illectronisme et 5 % qui n’ont pas de carte bancaire. C’est donc impensable d’entraver l’accès aux soins pour eux ».
S’il ne nie pas la nécessité de « responsabiliser les patients », Nicolas Leblanc, directeur médical de la société de téléconsultation Livi, partage aussi ce point de vue. « Certains patients précaires pourraient renoncer aux soins à cause de cette nouvelle taxe, regrette-t-il. D’ailleurs pourquoi serait-ce aux plateformes et aux médecins de gérer les modalités de cette nouvelle mesure ? ». Mais si ce n’est pas les plateformes, qui d’autre ? Doctolib a clairement renvoyé la balle à l’Assurance-maladie, qui semble pour le moment rejeter cette option.
Cofondateur de Medadom (société moins concernée par les lapins car davantage tournée vers le soin non programmé), Nathaniel Bern estime que la gestion d’un tel dispositif revient légitimement aux sociétés qui monnayent la prise de rendez-vous en ligne. « Il ne faut pas oublier que c’est la digitalisation de la prise de rendez-vous qui a drastiquement fait augmenter les lapins ! Les plateformes ont donc leur rôle à jouer et doivent engager des moyens pour contrer ce phénomène », réagit-il. La plateforme Maiia, également éditeur de logiciels métiers, se dit de son côté « ouverte et prête à travailler avec les instances étatiques pour donner cette possibilité aux médecins ». « Si cette mesure est adoptée sur le plan réglementaire, nous n’aurons aucune difficulté à proposer ce service aux médecins qui le souhaitent, avance Benoît Garibal, directeur général de Cegedim Santé, détenteur de Maiia. Cela pourrait être un outil supplémentaire pour compléter la panoplie de mesures existantes pour garder du temps médical », ajoute-t-il, précisant que sa plateforme enregistre à peine 2 % de rendez-vous non honorés grâce à son arsenal anti-lapins (annulations facilitées, rappels, etc.).
J’ai l’impression que personne n’a vraiment réfléchi au modèle économique et au coût réel du dispositif
Benoît Garibal
Directeur général de Cegedim Santé
Qare précurseur
Grâce à une « taxe annulation tardive » mise en place depuis plusieurs années, Qare est parvenu à éradiquer presque totalement ce fléau. « Nous prélevons dix euros de frais d’annulation lorsqu’un patient [hors bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l’Aide médicale d’État] ne se présente pas à un rendez-vous et qu’il ne prévient pas au moins une minute avant le début de la consultation », indique Olivier Thierry, PDG de la plateforme. Bien que rares et appliqués seulement lorsque le patient n’a pas de motif valable, ces frais de service ont permis de réduire à moins de 1 % le nombre de rendez-vous non honorés par an. « C’est bien la preuve que ça fonctionne », se félicite le chef d’entreprise. La manne financière récoltée grâce à cette taxe revient directement à Qare qui a décidé de verser l’intégralité du prix de la consultation, qu’elle ait lieu ou non, à ses médecins salariés, soit 75 % de ses usagers (les 25 % autres étant libéraux).
Si la plupart des plateformes se montrent pour le moment volontaires pour collaborer à la taxe « lapin », le flou qui entoure la mesure entretient tout de même le scepticisme. « Cette histoire de cinq euros de taxe versée directement dans la poche du médecin pose question, recadre Benoît Garibal. J’ai l’impression que personne n’a vraiment réfléchi au modèle économique et au coût réel du dispositif. Il ne faut pas oublier que cela implique des frais de fonctionnement importants pour les entreprises (frais de transactions bancaires, de sécurité, de support administratif pour les soignants, etc). » Et de poser la question qui fâche : « Qui va les payer ? »
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