« Un potentiel énorme » : la télésurveillance médicale entre dans le droit commun le 1er juillet, la DGOS décrypte les enjeux

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Publié le 30/06/2023
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Crédit photo : DR

Ce samedi 1er juillet, le programme des expérimentations Etapes prend fin et la télésurveillance entre dans le droit commun du remboursement. Quatre arrêtés ont été publiés pour préciser des activités de télésurveillance médicale ouvrant déjà droit à une prise en charge par l'Assurance-maladie (dans le diabète, l'insuffisance cardiaque, l'insuffisance respiratoire et l'insuffisance rénale).

Entretien et décryptage avec le Dr Yann-Mael Le Douarin, conseiller médical télésanté à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS). « On a voulu un dispositif le plus ouvert possible pour que n’importe quel médecin – quel que soit son type d’exercice – puisse faire de la télésurveillance », explique-t-il. 

LE QUOTIDIEN : Concrètement, qu’est-ce que la télésurveillance ?

DR YANN-MAEL LE DOUARIN : C’est un outil qui permet de récupérer les informations cliniques que fournit le patient, de traiter ces données et, si besoin, d’alerter le médecin en cas de décompensation ou d’aggravation du patient à son domicile. C’est l’outil qui fait tout et qui alerte le médecin en cas de souci.

Prenons l’exemple de l’insuffisance cardiaque : tous les soirs, le patient rentre son poids, un algorithme va traiter l’information, et s’il détecte des variations anormales, ce qui est un signe d’alerte d’une insuffisance cardiaque, l’outil va prévenir le médecin afin qu’il puisse adapter le traitement du patient et éviter que ce dernier fasse réellement une décompensation cardiaque.

Quelle forme prend ce dispositif médical numérique ? Est-ce forcément celle d’un objet connecté ?

Pas forcément, cela peut être un site internet ou une application mais aussi un objet connecté. Le logiciel dans lequel le patient entre lui-même les informations peut se trouver sous tout format.

Son usage concerne-t-il aujourd'hui plutôt les médecins hospitaliers ou les libéraux ?

Les deux. On a voulu un dispositif le plus ouvert possible pour que n’importe quel médecin – quel que soit son type d’exercice – puisse faire de la télésurveillance. Aujourd’hui, elle concerne principalement les patients chroniques [dans l'insuffisance cardiaque, rénale, respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables, NDLR] mais demain, nous aurons aussi des patients atteints de pathologies aiguës qui pourront en bénéficier, comme on l’a vu durant la crise sanitaire. Le dispositif a déjà permis de télésurveiller des patients atteints de Covid pendant des périodes assez courtes. À l’avenir, en post-chirurgie, les patients pourront sortir plus tôt et être télésurveillés à domicile.

Comment les médecins vont-ils se procurer les logiciels et s’y retrouver dans les offres ?

Pour pouvoir facturer une activité de télésurveillance, il faut utiliser un dispositif médical pris en charge par l’Assurance-maladie. Il existe déjà une liste sur le site du ministère de la santé. Celle-ci sera enrichie au fur et à mesure des évaluations positives de la HAS. Elle nous permettra de dire aux médecins, dans telle indication, voici les dispositifs, certifiés, que vous pourrez utiliser. Ensuite, ils pourront directement se tourner vers le fournisseur de leur choix.

Ces actes de télésurveillance, de quelle manière les médecins vont-ils les facturer ?

Par une lettre clé spécifique qu’ils auront sur leur logiciel métier. Le mécanisme est simple. Si le patient est en ALD, c’est du tiers payant intégral et le médecin se fait rembourser par l’Assurance maladie. S’il n’est pas en ALD et qu’il s’agit d’une pathologie aiguë, le patient avance les frais et se fait rembourser par l’Assurance-maladie et sa complémentaire.

Quels bénéfices attendez-vous du développement de la télésurveillance ?

En fonction de l’indication, les bénéfices seront différents. Dans certains cas, le bénéfice principal sera l’amélioration de la morbidité/mortalité du patient. Dans d’autres, ce sera l’amélioration de la coordination des soins. Les médecins auront de leur côté une meilleure qualité de vie au travail. Avec la télésurveillance, ils pourront dégager plus de temps médical pour les patients qui nécessitent des consultations en présentiel. Il y a un potentiel énorme si tous les professionnels de santé s’emparent de la télésurveillance.

Est-ce que l'intendance suivra ?

Ce samedi 1er juillet, la France devient ainsi le premier pays européen à faire entrer la télésurveillance dans le droit commun du remboursement. Jusqu’alors testée dans le cadre du programme Etapes, la télésurveillance change de braquet, désormais généralisable à tous les patients. Ce passage dans le droit commun a nécessité cinq ans de travail entre la DGOS (ministère), la Cnam, les syndicats de professionnels, les représentants des patients, la HAS et les industriels.

Si la DGOS salue « un nouveau champ de pratiques monté collectivement », les industriels du Snitem (syndicat national de l'industrie des technologies médicales) confiaient quelques inquiétudes, à la veille de la bascule. En matière de commande publique, la nécessité de respecter la procédure d'appels d’offres pour les hôpitaux ne risque-t-elle pas d'allonger les délais de mise en œuvre de solutions de télésurveillance ? Quid des nouveaux critères requis des dispositifs médicaux de collecte de données patients pour accéder au remboursement ? Autant de  questions qui font l’objet de discussions avec les pouvoirs publics, rendues compliquées « compte tenu de la multiplicité des acteurs impliqués », indique le Snitem, néanmoins confiant dans l'avancée des travaux. 


Source : lequotidiendumedecin.fr