Pourquoi faut-il restaurer la confiance entre patientes et médecins ?
Parce qu’il y a une crise dans les relations entre les patientes et les médecins. Comment en est-on arrivé là ? Parce que les choses ont changé. L’ère du paternalisme médical est révolue. Il faut désormais expliquer, justifier la spécificité de la gynécologie. Certaines pratiques médicales peuvent être violentes, en ce qui me concerne, les soins dentaires par exemple. Pour autant, il n’y a pas d’attaques dirigées contre les dentistes ! Il est vrai que cela ne touche pas à la sphère urogénitale. En gynécologie on accède à l’intimité des femmes. Cela relève d’une autre prise en charge. C’est une certitude. Lorsque je suis arrivée à l’hôpital de Sèvres comme chef de service en 1992, je vois le premier jour les infirmières déposer un drap d’examen sur la chaise. Je les interroge sur cet usage. En fait, les patientes se déshabillaient dans la cabine et arrivaient en partie dévêtues dans la salle de consultation. J’ai mis fin à cette pratique en demandant que les femmes arrivent désormais habillées avant l’éventuel examen. Cela se déroulait encore en 1992. Et ne choquait alors personne. Les infirmières étaient alors convaincues que j’adopterai le même protocole. Il était inenvisageable pour moi d’obliger une femme à rentrer nue dans la pièce de consultation. Est-ce que chacun a compris que cette évolution des pratiques était inéluctable ? Je ne le sais pas.
La polémique lancée par Marlène Schiappa à la suite du rapport rédigé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2019 sur les violences gynécologiques et obstétricales a joué le rôle d’électrochoc.
Le Collège à l’époque n’y avait pas participé. Il faut trouver un nouvel équilibre. On entend la parole des femmes, et beaucoup moins celles des gynécologues. Nous sommes pourtant à leur écoute. Mais nous demandons un respect mutuel. Je ne suis pas sûr que le mot violence soit juste. Je ne doute pas un instant que cela soit le ressenti des femmes. Mais l’absence de bienveillance me paraît plus adaptée. Un gynécologue n’est pas volontairement violent. Mettons à part le cas des médecins violeurs qui médecins ou pas sont des criminels. Après un déséquilibre d’un côté, les professionnels du soin affrontent désormais un déséquilibre qui les disqualifie en permanence. Il faut retrouver un bon sens partagé.
Alors que de nombreux gynécologues ont contribué au vote de lois légalisant la contraception vécue alors comme une révolution, domine désormais un climat de défiance envers la pilule.
Il s’est produit un changement de génération qui ne porte plus le même regard sur la pilule. Les associations d’usagères constituent une belle avancée. Mais diffusent-elles le message évoquant les plus grands dangers pour la santé de la femme de la grossesse comparée à la pilule ? Certes pas. Citons l’incidence des thromboses veineuses plus fréquentes chez une femme enceinte que chez une femme sous contraception orale. Cette terreur s’est installée dans l’air du temps. Comment rétablir le balancier ? Le nombre très important de femmes gynécologues devrait y contribuer.
En réponse à ce climat de défiance s’est diffusé un sentiment de peur chez les gynécologues.
C’est un fait aujourd’hui. De nombreux gynécologues-obstétriciens tout juste formés désertent en réaction les services de maternité, et préfèrent la chirurgie la carcinologie, l’AMP, la gynécologie médicale, c’est le tout sauf la salle de naissances et ses gardes à assurer 365 jours par an : 50 % des jeunes déclarent vouloir arrêter les gardes à 50 ans. L’exercice au quotidien en salle de naissance s’avère très complexe du fait des nombreuses demandes difficiles à satisfaire dans le contexte actuel. Dans le même temps, les sages-femmes privilégient l’exercice libéral. Qui va demain accoucher nos enfants, nos petits-enfants ? Il serait temps d’arrêter de faire croire que l’accouchement est une partie de plaisir. L’accouchement en lui-même peut être violent. D’où l’importance de restaurer un climat de respect mutuel. Le Collège a rédigé plusieurs documents telles la charte de la consultation en gynécologie obstétrique destinée à être affichée dans toutes les salles d’attente et lue par les femmes avant d’entrer dans le cabinet du gynécologue ou la charte de la salle de naissance et enfin les recommandations pour la pratique précisant quand il faut proposer un examen et quand l’examen n’a pas d’intérêt démontré. Rappelons enfin les chiffres extraits de l’enquête périnatale. 96 % des nouvelles mamans sont satisfaites de leur suivi et de leur prise en charge de naissance. Certes on peut regretter quelques dérapages. 11 % ont toutefois un mauvais souvenir de l’accouchement. Pour 40 % d’entre elles, l’expulsion a été un moment très dur. Je leur donne raison. Il faut dire la vérité. Avant, on nous demandait que l’enfant et la mère soient en bonne santé. Désormais, c’est un prérequis. Il faut que la mère et l’enfant aillent bien. Mais il faut aussi que le ressenti de l’accouchement soit bon, que tout ait été bien vécu. Cela n’est pas toujours facile. Mais le contexte exige des explications, un dialogue permanent et donc plus de temps et de médecins. Mais on les a rarement. La boucle est bouclée.
* Présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.
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