À Beyrouth, dans l’une des écoles mises à la disposition des déplacés, trois femmes enceintes ne savent plus vers qui se tourner. « J’entre dans mon neuvième mois, qu’est-ce que je vais devenir ? », s’inquiète l’une d’entre elles. « J’ignore où accoucher, vers quel médecin ou quel hôpital me tourner », ajoute cette civile originaire d’une bourgade du sud Liban.
Hussein, qui sert de référent pour les 320 déplacés de ce centre d’accueil, s’inquiète pour ses aînés : « On a avec nous 60 personnes âgées, certaines ont plus de 80 ans, et on n’a pas même un cachet d’aspirine à leur offrir », déplore-t-il alors qu’une vieille femme monte les escaliers supérieurs de l’école. En un an, 2 100 personnes sont mortes lors de conflits, la plupart des civils, et 10 000 ont été blessées au Liban.
Cette nouvelle phase de la guerre, qui a débuté fin septembre lorsqu’Israël a entamé un bombardement généralisé de la Bekaa, du sud Liban et la banlieue de Beyrouth, a mis sur les routes 1,2 million de personnes, selon les chiffres officiels. Soit près d’un quart de la population libanaise. La coordinatrice spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, n’a d’ailleurs pas mâché ses mots en déclarant que « le Liban était confronté à un conflit et à une crise humanitaire aux proportions catastrophiques ».
Une préparation salutaire
C’est pour répondre à cette urgence que le ministère de la Santé a ouvert un numéro d’urgence, le 5014. En quelques jours, il a traité 5 000 appels. « On peut nous demander n’importe quoi : changer de lunettes, trouver un médecin, un hôpital. On essaie de répondre à toutes les demandes », assure Wahida Ghalayini, responsable du centre d’opération d’urgence de santé publique, ouvert à l’initiative du ministère de la Santé, il y a un an.
« Nous nous sommes préparés », ajoute celle qui est aussi l’infirmière en chef de l’hôpital gouvernemental Rafik Hariri, le principal établissement public de Beyrouth. Au cours de l’année écoulée, ses équipes ont visité 118 hôpitaux, soit l’ensemble des établissements actifs. L’objectif était de mettre en place un plan d’urgence pour faire face à une extension de la guerre, comme c’est le cas aujourd’hui, ou à des opérations militaires d’envergure à l’image de « l’opération bipeur » qui a fait 5 000 blessés, la plupart nécessitant des interventions chirurgicales compliquées. « Notre hôpital a reçu en même temps 2 700 victimes des bipeurs. Nous avons réussi à toutes les prendre en charge grâce à un triage méticuleux et à des cliniques mobiles qui assuraient les soins postopératoires » , explique-t-elle.
Des hôpitaux fermés, d’autres à cours de financement
Malgré tout, avec la guerre qui s’étend à presque la moitié du Liban, six hôpitaux ont d’ores et déjà fermé du fait de bombardements sur ou à proximité de leurs bâtiments de même qu’une centaine de centres médicaux. Quelque 137 employés du secteur – secouristes, médecins, infirmières… – ont également été blessés lors de 37 « incidents », selon les chiffres du ministère. La plupart ont eu lieu ces dernières semaines.
Dans un contexte de crise économique, le secteur hospitalier se trouve de facto en tension. Spécialement le public, qui représente 20 % de l’offre hospitalière. À Tyr, dernière ville côtière avant la frontière israélienne, dont les hôpitaux servent aux blessés du front à une quinzaine de km, l’hôpital gouvernemental fait office de dispensaire faute de matériel et de stock. « J’ai de quoi traiter de petites blessures grâce à des dons du comité international de la Croix Rouge, explique Ali Neaam, son directeur. Mais s’il s’agit de blessés graves, je dois les envoyer aux hôpitaux privés ».
Or, sur certaines spécialités déjà, la pression monte. À Beyrouth, à l’hôpital de Getaoui, fondé à l’instigation de la Congrégation des sœurs de la Sainte-Famille maronite en 1927, la direction sonne l’alarme. « Sans aide, on ne pourra pas tenir », dit sœur Hadia qui codirige cet établissement de 200 lits. Son service de dialyse et celui des grands brûlés – le seul à Beyrouth – fonctionnent à pleine capacité. « On a reçu à ce stade 25 grands brûlés depuis le début de la seconde phase des bombardements, dont 20 sont encore chez nous. On a éventuellement une unité de neuf lits disponibles dans une autre aile, qu’on peut ouvrir comme extension du service. Mais il nous faut trouver des financements », explique-t-elle.
Le ministère de la Santé assure prendre en charge l’ensemble des frais médicaux liés à la guerre, même si à ce stade il ne dispose pas d’un budget suffisant pour cela. « Si un patient me coûte 1 000 dollars, le ministère m’en reverse 400 compte tenu du taux de change et du remboursement pratiqué. Dans le meilleur des cas, ce versement n’arrive qu’un an plus tard. D’ici là, j’avance », reprend le Dr Pierre Yared, codirecteur de l’hôpital de Getaoui.
Impossible de demander de payer un complément à des « gens qui n’ont plus rien », comme le souligne Elie Hachem, directeur exécutif de l’hôpital universitaire Sainte-Thérèse, un établissement ultramoderne de 200 lits installé aux portes de la banlieue sud. « Vous imaginez exiger d’un blessé de l’opération bipeur qui a perdu ses deux jambes le solde dû ? Ce serait abject », relève-t-il, en tenant à réaffirmer qu’« énormément de ceux que j’ai soignés lors des explosions des bipeurs étaient des civils ».
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships