Quels ont été les chiffres de participation de la grève des PH des 3 et 4 juillet dernier, dévoilés par la DGOS ?
A. W. La DGOS fait état d'un taux de participation de 8 % pour le 3 juillet et de 4 % pour le 4 juillet. Il ne prend sûrement pas en compte les praticiens qui ont été "assignés" (réquisitionnés) et sous-estime de fait drastiquement la mobilisation des praticiens hospitaliers, car de très nombreux praticiens ont été assignés. Quant aux chiffres figurant dans la presse de 50 à 75 %, ce sont des chiffres issus de nos remontées de lundi. Certes, lundi (plus que mardi) a été un jour où beaucoup de monde s'est rallié au mouvement. L'essentiel est qu’une grande majorité de praticiens sont mécontents de la façon dont ils sont traités. Je suis contente que la grève ait été un succès. En même temps, je suis effondrée à l'idée que dans les services où l'on ne fait jamais grève, tous les PH se soient déclarés grévistes. En témoigne le fait que dans mon hôpital l'ensemble des gastroentérologues, des cardiologues, des oncologues, des anesthésistes ont fait grève. Même les chirurgiens ont soutenu l'action.
DSS. Quels sont le contexte et les raisons de votre mouvement de grève des 3 et 4 juillet dernier chez les praticiens hospitaliers ?
Anne Wernet. Nous avions mis la pression sur l'exécutif juste avant l'application de la loi sur l'encadrement de l'intérim médical. Nous avons rappelé à François Braun les engagements du président Macron lors de ses vœux en janvier aux professionnels de santé. Nous nous retrouvons dans une situation où les tarifs de l'intérim médical vont être limités. La réforme était nécessaire car c'était une surenchère permanente. Et avec l'argent économisé sur l'intérim qui était donné aux intérimaires mais pas aux praticiens, soit 1,5 milliard, nous pensions que cet argent devait revenir aux praticiens. Pour être en mesure de passer le cap de l'encadrement de l'intérim médical, il fallait absolument redonner de l'attractivité aux PH. Il y a 18 mois, le ministère avait tenté de faire passer le décret d'application dédié, mais deux jours avant la fin il a rétropédalé avec la crainte de fermeture de services. Il y avait donc du temps après pour le ministère pour redonner de l'attractivité, mais rien n'a été fait. Et ils ont décidé tout à coup de mettre en place cet encadrement en dépit du bon sens, sans étude d'impact. Résultats, certains services qui devaient fermer l'ont été de façon un peu brutale. Lorsque nous avions vu le ministre en avril il avait convenu qu'il fallait d'abord redonner de l'attractivité, puis encadrer l'intérim. Mais politiquement cela n'était pas entendable : ses collègues ministres et parlementaires ne partageraient pas ce point de vue. Le 31 mars, nous avons reçu un courrier du ministre avec l'annonce d'un agenda. Nous avons ensuite eu des échanges intéressants avec la DGOS qui semblait comprendre l'erreur des quatre ans d'ancienneté et du manque de compensation dans le Ségur. Cela a des répercussions importantes sur l'ensemble de nos carrières et a été une des causes de départ des PH vers le privé. Toutefois, selon la DGOS, il n'était pas possible sous peine de se faire retoquer par le Conseil d'État de discriminer les personnes à l'intérieur d'un échelon. Nous allons très prochainement proposer un dispositif (validé par nos avocats) qui serait un système de triple grille qui viendrait résoudre le problème de discriminer les gens nommés avant et après 2020. Nous avons aussi proposé un petit booster pour récompenser l'engagement pérenne à partir de cinq ans. Concernant la PDS, nous avons demandé que le temps de travail soit correctement décompté et qu'on arrête de « donner » une demi-journée à l'établissement à chaque fois que l'on réalise une garde. Notre pénibilité (travail de nuit sur 24 heures) n'est pas prise en compte, avec une indemnité de sujétion de 230 euros net, et pas de compte pénibilité et de prise en compte pour la retraite. Il y a un an et demi, un questionnaire adressé aux praticiens a indiqué qu'ils revendiquaient une rémunération de 500 à 600 euros pour une garde de nuit. Selon une enquête récente, les jeunes praticiens ne souhaitent plus mener des gardes de 24 heures mais de 12 heures Ils nous ont ouvert les yeux et nous ont montré que cela est complètement anti-physiologique, nuit à notre santé et ne correspond pas à leur volonté d'équilibre vie privée-vie professionnelle ! Le ministre nous avait même dit en avril qu'il se tenait prêt à ouvrir ce dossier avec les syndicats, comme cela avait été fait du temps de la circulaire Pelloux en 2015 pour les urgentistes.
Pourquoi vos demandes de revalorisation financière ne sont pas acceptées ?
A. W. Notre souci ne vient pas de la DGOS, mais de ceux qui mettent l'argent (Bercy, Première ministre, président de la République). La gestion interministérielle de ce dossier ne se fait pas et cela nous bloque. Cela devient dramatique. Nous sommes inquiets pour l'été. À Perpignan, trois lignes médicales seront fermées pendant l'été (une ligne d'hospitalisation, une ligne de Samu notamment). Une clinique (maternité) qui réalisait 2 000 accouchements dans le sud de la France va fermer et toute cette activité se déversera sur l'hôpital alors qu’il ne nous ne dispose pas déjà des effectifs nécessaires pour assurer son activité actuelle. Pendant l'été, à Perpignan, alors que la population est multipliée par dix, les urgences privées sont actuellement fermées. Tout finit par reposer sur l'hôpital.
Quid de la permanence des soins ?
A. W. Un rapport Igas devait sortir sur la question, mais est resté dans les tiroirs. APH a été interrogé par la DGOS. Sur la base de ce rapport issu de la mission Braun d'il y a un an, et d'une perception assez claire qu'il faut revaloriser substantiellement les gardes et les astreintes (un sujet que portent tous les syndicats, mais aussi la FHF et le ministère), le ministre nous a expliqué qu'il y aurait une enveloppe sur ce sujet et sur l'attractivité. Notre estimation était que cet argent existait. Nous nous sommes basés sur une estimation d'une agence d'intérim, Prodie Santé, soit de 1,5 milliard d'euros par an. Mais ce montant représente une fourchette basse, il est sans doute 3 fois supérieur. Et puis avec l'arrivée du plan économies lancé par Bercy, on nous a annoncé brutalement que les réunions étaient interrompues. Nous avons fini par déposer un préavis de grève le 3 juillet. Mais Alliance et l'INPH ont choisi pour une raison un peu obscure le 4 juillet. Cette mésentente nous a été reprochée par les praticiens et nous la regrettons également.
Quel est l'état d'esprit des PH ?
A. W. Les jeunes ne veulent pas se faire avoir et s'en vont exercer dans le privé. Fait nouveau, les anciens (40-50-60) aussi quittent le navire. Pire, la transmission générationnelle ne se fait plus. Un jeune médecin formé à l'hôpital sur trois va rester dans le public. Pire les gens ne s'investissent plus dans l'effort de la vie institutionnelle : nous avons des énormes difficultés à trouver des chefs de service, des chefs de pôle. De plus, les parlementaires ont eu la riche idée d'imposer la parité dans les chefferies de pôles et de services.
La rentrée sera-t-elle plus profitable ?
A. W. Nous n'avons aucun agenda. Le cabinet nous a réaffirmé qu'il n'y avait aucun moyen. Je ne sais pas du tout si les pourparlers vont reprendre en septembre. De plus, nous sommes dans une nébuleuse, car nous arrivons au terme de la période d'apaisement des 100 jours ordonnée par le président Macron. Nous allons réfléchir cette semaine à une nouvelle de journée de grève, mais qui n'aura pas lieu cet été. Car les PH doivent partir en vacances et ceux qui restent devront soigner la population.
Allez-vous partir en vacances ?
A. W. Je devrais déjà y être. Mais j'ai proposé de remplacer un collègue qui a dû s'absenter brutalement. Cela témoigne du fait que dès qu'un collègue est absent dans un service, cela vient bousculer toute l'activité du service. Mais heureusement nous sommes une équipe soudée et nous parvenons encore à effectuer des remplacements au débotté. Dans certains hôpitaux, l'activité ne repose que sur les intérimaires et il n'y existe plus de projet d'équipe. Quand tout le monde aura la sensation d'être des pions dans un échiquier comme on le fait déjà avec les paramédicaux, l'hôpital sera complètement à terre.
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