« J’ai été une modeste élue ordinale pendant une quinzaine d’années dans les Landes. Je connais donc l’institution de l’intérieur et son importance… » Par ces mots biographiques, Geneviève Darrieussecq a entamé son discours en ouverture du congrès du conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), ce jeudi 14 novembre. Une prise de parole attendue face à quelque 700 praticiens et élus ordinaux venus de toute la France – et du monde entier.
Intervenant après le président du Cnom, le Dr François Arnault, la présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), la Dr Rachel Bocher, le président de la conférence nationale des URPS médecins libéraux, le Dr Antoine Leveneur et le président de la CME de l’AP-HP, le Pr Rémi Salomon, la ministre de la Santé a abordé plusieurs sujets sensibles d’actualité en commençant par l’accès aux soins.
Écrire l’histoire ensemble
Ces derniers jours, deux initiatives parlementaires spectaculaires sont allées dans le même sens d’une régulation à l’installation des médecins pour tenter de répondre rapidement à la désertification médicale grandissante. À l’Assemblée nationale, le groupe transpartisan (fort de 237 députés signataires) mené par Guillaume Garot (PS, Mayenne) a présenté sa nouvelle proposition de loi prônant une forme de conventionnement sélectif ; en même temps, un rapport du sénateur Bruno Rojouan (LR) sur les déserts médicaux a proposé de légiférer une fois pour toutes en régulant la liberté d’installation.
Les lignes seraient-elles en train de bouger ? Geneviève Darrieussecq, qui a déjà affirmé son opposition à toute coercition en temps de pénurie, a toutefois noté avec empathie que ces parlementaires pro-régulation « portent l’inquiétude des populations qu’ils côtoient tous les jours et essayent de faire des propositions… » Ajoutant qu’il « faut écrire l’histoire tous ensemble » : une façon de dire aux médecins qu’il faudra faire des compromis pour avancer sur ce sujet épineux ? Son entourage appelle en tout cas à ne pas surinterpréter.
L’Ordre pourrait réfléchir…
La veille, au micro de Franceinfo, la ministre avait cité la convention entre les chirurgiens-dentistes et l’Assurance-maladie, prévoyant que dans certaines zones du territoire qui disposent d'un haut niveau d'offre de soins buccodentaires, l'installation ne sera possible, à partir de 2025, qu'à la condition du départ d'un autre chirurgien-dentiste… Suggérant à la radio que « l’Ordre des médecins pourrait réfléchir » à une solution similaire appliquée aux médecins. Mais devant les ordinaux, Geneviève Darrieussecq ne s’est pas aventurée sur ce terrain glissant.
Quelques propositions plus consensuelles sur l’accès aux soins ont toutefois été égrenées par l’allergologue, sans entrer dans le détail : le programme Hippocrate déjà évoqué par Michel Barnier pour que « des jeunes étudiants, stagiaires, internes connaissent les territoires éloignés des universités, pour susciter des vocations à s’installer ici » ; la quatrième année du DES de médecine générale ; le renforcement de l’attractivité de l’exercice grâce à l’application de la nouvelle convention ; et le renforcement de « toutes les nouvelles formes de coopérations » entre professionnels de santé.
Un plan contre les VSS
La ministre de la Santé a également eu un mot concernant le record de violences contre les médecins en 2023, avec 1 581 incidents recensés, soit un bond de 27 % sur un an. Des chiffres sans doute encore sous-estimés en raison de la non-déclaration de nombreux praticiens victimes, a-t-elle commenté. Une situation « inacceptable », juge la locataire de Ségur, qui compte reprendre les travaux lancés par Agnès Firmin Le Bodo, « dans les meilleurs délais ».
Autre annonce : les très attendus décrets d’application de la loi Valletoux sur les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) portant sur l’exercice provisoire et le contrat temporaire seront bientôt publiés, pour « sécuriser » leur exercice, a-t-elle souligné.
Enfin, sur le sujet majeur des violences sexistes et sexuelles (VSS), Geneviève Darrieussecq a salué l’action de l’Ordre des médecins et en particulier de son président actuel, qui présentera la semaine prochaine les résultats d’une enquête sur le sujet auprès de 21 000 praticiens. La ministre de la Santé, alignée avec le Dr Arnault sur la « tolérance zéro » pour les médecins auteurs de VSS, a annoncé qu’un plan d’action avec des mesures « très concrètes » serait décliné « prochainement ».
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