Mardi 30 mai, le gouvernement dévoilait un vaste plan pour lutter contre la fraude sociale en France. Au total, la fraude aux prestations sociales s'élèverait entre 6 et 8 milliards d'euros par an, d'après le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour des comptes.
Selon Gabriel Attal,la fraude aux prestations de santé serait le deuxième plus important type de fraudes en termes de montants. Le plan dévoilé en début de semaine par le ministre délégué aux comptes publics cible donc particulièrement ce type de fraude.
En mars dernier, l’Assurance maladie révélait d'ailleurs, qu’en 2022, 315,8 millions d’euros de fraudes avaient été comptabilisés.
L'usage de la biométrie de plus en plus écarté
Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement a donc détaillé de multiples mesures, allant de la traque aux arrêts de travail de « complaisance » jusqu'au déconventionnement des professionnels de santé fraudeurs.
Dans ce plan, le gouvernement envisage par ailleurs de fusionner la carte Vitale et la carte d'identité afin de lutter contre les prêts ou les « locations » de cartes Vitale. En revanche, l'idée d'une carte Vitale biométrique semble aujourd'hui de plus en plus écartée.
Et pour cause, dans un rapport des Inspections générale des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF), sur lequel s'est largement appuyé le gouvernement pour élaborer son plan anti-fraude, les deux autorités administratives se positionnent contre l'utilisation de cette technologie pour la carte vitale.
Selon l'Igas et l'IGF, qui avaient été chargées par le gouvernement en octobre 2022 « d’évaluer la faisabilité de la mise en œuvre d’une carte Vitale biométrique », les gains apportés par l'usage de celle-ci en termes de lutte contre la fraude seraient très limités.
« La fraude à l’usurpation d’identité, qui est précisément celle qu’une carte Vitale biométrique pourrait mettre en échec, est résiduelle en nombre de cas détectés (moins d’une dizaine par an) et en montant (quelques millions d’euros). La plupart des autres cas de fraude liée à l’usage de cartes Vitale identifiés par la mission ne serait pas ou de façon limitée empêchée par la mise en place d’une carte Vitale biométrique », peut-on lire dans le rapport.
Selon l'Igas, le coût de la mise en œuvre de cette technologie, qu'il s'agisse d'un procédé d'identification à empreinte digital ou à reconnaissance faciale, pourrait s'élever à au moins un milliard d'euros.
L'usage de la carte Vitale biométrique pourrait par ailleurs exclure « une partie des assurés légitimes », pointe l'Igas qui estime que cette exclusion pourrait concerner « plusieurs centaines de milliers de personnes ».
Une opposition franche des professionnels de santé
Autre inconvénient majeur, « l'acceptabilité très faible » de ce dispositif par les professionnels de santé libéraux. Ceux-ci pointent notamment une perte de temps médicale associée à l'usage de la biométrie « du fait de l’ajout d’un contrôle administratif (et, le cas échéant, du traitement dérogatoire des rejets) ».
Les professionnels de santé de ville dénoncent également le « caractère intrusif » de la mesure alors que la relation patient-médecin est basée sur la confiance. Par ailleurs, « le caractère incongru d’un tel contrôle a été souligné lorsque le professionnel de santé se déplace au domicile du patient » ou lorsque le médecin connaît déjà très bien l'ensemble de sa patientèle, renseigne l'Igas.
Les professionnels de santé libéraux craignent également une hausse des incivilités en cas de rejet du contrôle d'authentification. Les difficultés lors du retrait des médicaments en officines, alors que la moitié des interlocuteurs viennent les chercher « pour le compte d’un tiers avec prêt légitime de la carte Vitale », sont également des éléments pointés par les libéraux.
Enfin, les professionnels de santé « craignent d’être mis en difficulté en cas de détection d’une fraude à l’identité ». En effet, dans cette hypothèse, le médecin ne pourrait en pratique pas refuser le soin sous peine d'engager sa responsabilité disciplinaire. D'un autre côté, si le médecin accepte le soin, il ne pourrait pas non plus le facturer à l'Assurance maladie sous peine, cette fois-ci, d'être accusé d'avoir participé à la fraude.
La fusion carte Vitale et carte d'identitée privilégiée
À ce stade, le déploiement de la carte vitale biométrique semble rencontrer de nombreuses embûches. À la place, L'Igas préconise dans son rapport d’inscrire le numéro de sécurité sociale (NIR) sur la carte nationale d’identité électronique (CNIe) ou sur les titres de séjour.
Ce dispositif aurait un double intérêt selon l'Igas et l'IGF : lutter contre la fraude, en sécurisant l’identité des personnes se présentant à l’occasion des soins et protéger la santé publique, en permettant une avancée majeure en termes d’identitovigilance, afin de sécuriser l’identité du patient et donc ses données de santé.
Selon les deux autorités administratives, ce scénario présente également l'avantage « d’être cohérent avec le déploiement de l’ApCV (application carte vitale, ndlr), qui prévoit l’équipement des professionnels de santé en lecteurs de puces NFC, technologie également embarquée dans la CNIe ».
Une étude de faisabilité technique et d'opportunité doit maintenant être conduite par les ministères chargés de l’Intérieur et de la Santé.
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