Rapporteur général du Conseil national de refondation (CNR) jusqu’au 28 août 2023, David Djaïz était chargé – en bonne intelligence avec le Haut-commissariat au Plan – de coordonner l’ensemble des thématiques, dont la santé. Faire le lien entre le terrain et le gouvernement, assurer un suivi et réaliser une consolidation des travaux engagés.
« C’était passionnant, notamment sur les questions d’éducation, climat et santé », explique-t-il au « Quotidien ». Bilan des courses : d’octobre 2022 à juillet 2023 ont été organisées 472 réunions sur la santé, avec plus de 18 000 participants, pour aboutir à 250 projets.
Va-et-vient permanent
Quand on lui demande comment a-t-il réussi à faire travailler ensemble différents acteurs qui n’en ont pas l’habitude, l’auteur de Slow Democratie (éditions Allary, 2019) reconnaît que « ce n’est pas toujours simple ». Il confie que « les habitudes jacobines sont bien ancrées en France : nous avons du mal à faire confiance au terrain, mais les mentalités changent petit à petit… »
Et notamment dans le secteur de la santé, où nombre d’acteurs travaillaient, au quotidien, « en silo ». D’où le mot-clef, populaire à Ségur, mais également au CNR, de « coconstruction ». Y compris entre les acteurs de la ville et de l’hôpital. « L’aller-retour a été pensé entre le terrain et la norme, abandonnant la logique verticale. Le va-et-vient est permanent : c’est un changement de méthode », commente-t-il, enthousiaste.
250 projets liés au volet santé
Plus précisément, le volet santé du CNR a été lancé au Mans le 3 octobre 2022, par François Braun, alors ministre de la Santé et de la Prévention. Les objectifs étaient clairs : « donner à tous un médecin traitant ou une équipe traitante, en particulier les 600 000 personnes malades chroniques ; apporter une continuité des soins non programmés ; trouver une meilleure attractivité aux métiers de santé, notamment paramédicaux ; et provoquer une alliance des acteurs sur la prévention », rapporte David Djaïz.
« Le boulot a été bien fait, avec plus de 250 projets sur la santé et 30 millions d'euros investis dans le cadre du fonds d'intervention régional (FIR) », raconte-t-il. Pour cela, la Drees (ministère), l’Assurance-maladie et les autres organismes statistiques ont produit une datavisualisation permettant d’avoir un bilan par territoire, s’appuyant sur beaucoup de données. Notamment « le nombre de personnes en ALD sans médecin traitant, les files actives des médecins, l’embolie des urgences, le nombre de MSP, d’assistants médicaux… et aussi les données populationnelles, avec parfois la prévalence de certaines pathologies ». Résultat, « les acteurs ont pu se dire "voilà les leviers que nous avons, à la fois pour la médecine de ville et à l’hôpital" ». Il assure que « même les acteurs de santé qui ne sont pas d’accord avec le gouvernement ont reconnu que nous avons posé le bon diagnostic ».
IRM en ruralité et médico-bus
Concrètement, narre-t-il, « les déclinaisons locales du CNR santé avaient une grande liberté sur l’échelle : certaines ARS ont réuni les parties prenantes à un niveau départemental, comme en Lozère, d’autres à un niveau infradépartemental, lorsque cela faisait plus sens. L’idée était d’avoir autour de la table un centre hospitalier, une ou deux CPTS, l’Assurance-maladie et l’État pour discuter de l’offre de soins de ville et de l’hôpital » Et certaines remontées du CNR santé ont été actées. À ce jour, déclare-t-il, « 13 dérogations par les directeurs d’ARS ont été prises », ce qui a notamment permis l'installation d'un IRM en ruralité et des « médico-bus » qui sillonnent les endroits les plus désertifiés médicalement dans une stratégie d’aller vers.
Ce n’est pas tout, s'enthousiasme David Djaïz, d’autres sujets ont avancé : « les coopérations entre les professionnels de santé », notamment avec la mise en place de protocoles au sein de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ; « la permanence des soins », à l'instar du déploiement du service d’accès aux soins (SAS) dans l’Aude, avec une prise en charge par téléphone 24/24 et une réponse aux soins non programmés par des consultations chez les généralistes, les MSP ou les centres de santé ; « les médiateurs de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où il n’y a pas beaucoup de présence médicale, qui ont une mission d’aller vers assez intéressante », comme dans les quartiers nord de Marseille, où ils informent sur le HPV ou le cancer du sein ; ou encore « le réseau d’une cinquantaine de médecins dans la Creuse avec le collectif Médecins solidaires », où un praticien de l’association intervient du lundi au samedi matin, hébergé et rémunéré 200 euros par jour pour une moyenne de 25 consultations.
C’est le cas également du guichet unique Présence médicale 64, qui facilite l'implantation des médecins généralistes dans les Pyrénées-Atlantiques en les aidant sur leur lieu d’installation, la garde et la scolarité de leurs enfants, la simplification de leurs démarches administratives et financières.
Macron convaincu par l'intérêt des CNR
Quid des critiques d’usine à gaz incompréhensible pour les médecins ? « Si c’était une strate de plus, cela ne servirait à rien ! Le CNR est une méthode, qui permet plus d’efficacité pour les conseils territoriaux de santé (CTS), les CPTS… c’est le vecteur de simplification et de sevrage de la norme ! », défend-il ardemment. David Djaïz soutient même que, si la proposition de loi Valletoux a « suscité des commentaires » – c’est un euphémisme – elle a également « renforcé le CNR en faisant des CTS des lieux de concertation pérennes ».
Lui qui connaît bien Emmanuel Macron, puisqu’il était son stagiaire au secrétariat général de l’Élysée lors du mandat de François Hollande, confirme : « Le président, qui convoque à nouveau un CNR ce jeudi 7 septembre, a une volonté de transformation et d’amélioration des politiques publiques. Les choses sont engagées avec les différents CNR. Cela prend du temps. Mais nous allons dans la bonne direction… » David Djaïz en suivra une autre, avec un changement de vie professionnelle dans les prochaines semaines. L’énarque de 32 ans aura toujours un œil sur les politiques publiques.
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