« Je crois à un État fort, mais pas à un État qui se disperse, qui finance tout et devient une pompe à fric. Est-il possible de continuer à dépenser 5,7 milliards d’euros par an pour le transport médical des patients ? » Cette petite phrase du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, dans un entretien accordé ce printemps au Monde, annonçait la couleur. Le transport sanitaire devait ainsi faire l’objet d’une sévère revue de dépenses.
C’est ce à quoi s’est attelée l’Assurance-maladie, qui liste dans son rapport « charges et produits », publié mi-juillet, des pistes d’économies à hauteur de 110 millions d’euros, l’objectif étant que le Parlement s’en saisisse à l’automne dans le budget de la Sécu (PLFSS) pour 2025.
Des dépenses en augmentation de 9 %
Le transport programmé de patients repose sur un tissu composite d’acteurs : transports sanitaires (ambulances et véhicules sanitaires légers, VSL), taxis conventionnés, véhicules personnels, transports en commun, avions et bateaux. Près de 6,4 millions de personnes ont emprunté l’une ou l’autre de ces solutions en 2023. Les dépenses allouées au transport enregistrent un taux de croissance annuel moyen de 4,4 % entre 2016 et 2023 pour atteindre 6,3 milliards d’euros en 2023 (+ 9 % par rapport à 2022).
De nombreux facteurs contribuent à ce boom des dépenses. La Cnam constate une augmentation des prix pour les ambulances (115 euros le trajet en moyenne en 2023) et les taxis (61 euros) mais une stagnation pour les VSL (35 euros en 2023). Le report d’une partie des trajets jusque-là effectués par les VSL vers les taxis contribue également à la dynamique. De fait, les trajets en taxi représentent 45,8 % de la dépense, devant les ambulances (37,2 %) et VSL (14,8 %). Le vieillissement de la population ainsi que l’augmentation du nombre d’usagers atteints d’ALD (qui représentent 90 % de la dépense totale) joue aussi sur la hausse des dépenses.
Le covoiturage, la « pratique de référence »
Dans ce contexte, annonce la Cnam sans sourciller, « maîtriser l’évolution des dépenses de transports est un enjeu central pour le système de santé [...] et qui s’impose désormais au regard du niveau historique de dépenses atteint en 2023 ». Comment ? En privilégiant le covoiturage sanitaire.
Cette idée très polémique est pour l’instant peu usitée (19 %, soit un trajet sur cinq) mais elle doit devenir la « pratique de référence », insiste la Cnam, rappelant que le coût d’un transport partagé est inférieur de 15 à 35 % par trajet, selon le nombre de patients transportés concomitamment. La Caisse se fixe l’ambition de parvenir à un taux d’un trajet sur trois en covoiturage sanitaire fin 2024 et d’un trajet sur deux fin 2026. Elle table sur les patients qui se rendent aux mêmes traitements les mêmes jours (hémodialyse, radiothérapie, rééducation).
Côté médecine de ville, les prescripteurs se sont engagés dans la nouvelle convention à encourager le covoiturage sanitaire, sauf exception liée à l’état de santé du patient. La Cnam « soutiendra cet objectif par la mise en place d’outils d’accompagnement de ces prescriptions », lit-on. À l’hôpital, même combat : les praticiens seront fortement incités à privilégier ce type de prescription.
Les transporteurs vont bénéficier pour leur part de dispositifs financiers en flux (bonus/malus sur la part de transport partagé). À partir de 2025, VSL et ambulances pourront obtenir un intéressement conditionné à des mesures d’efficience, dont le transport partagé.
Enfin, s’agissant des assurés, le dernier budget Sécu a ouvert la brèche du remboursement différencié selon le mode de transport sanitaire utilisé. Dit autrement : lorsqu’un patient refusera un transport partagé alors qu’il était jugé compatible avec son état de santé par le prescripteur, il devra avancer les frais et son remboursement par la Sécu pourra être minoré. Pour l’instant, un décret en Conseil d’État manque pour mettre toute la machine en branle.
Un CHU sur deux sans outil logistique décent
Autre requête de la Cnam : améliorer la coordination par l’utilisation systématique d’une plateforme de commande de transports dans les établissements de santé, à l’origine de deux tiers des prescriptions. « Une dépense efficiente de transport nécessite la prescription du mode de transport le moins onéreux compatible avec l’état de santé du patient », insiste la Caisse, qui déplore qu’un CHU sur deux ne dispose pas d’outils logistiques efficaces. La Caisse envisage également de généraliser le dispositif Trajet santé de l’Assurance-maladie (Tsam), qui consiste à confier à une agence de voyages la gestion de l'achat et de la délivrance des billets de train, avion ou bateau au coût le moins élevé.
Troisième option, qui ne mange pas de pain : inciter les patients à prendre leur véhicule et à utiliser dans cette optique l’outil Mes Remboursements simplifiés (MRS), plateforme qui permet de demander en ligne un remboursement lié à une prescription médicale de transport. Ce dispositif recense plus de 2 millions de demandes traitées pour près de 400 000 utilisateurs.
Enfin, la Caisse veut, encore et toujours, améliorer la qualité de la facturation et renforcer la lutte contre la fraude. Et d’enfoncer le clou : « Si, malgré les nombreuses actions d’information, de sensibilisation et d’accompagnement menées [...] auprès des prescripteurs de ville et/ou hospitaliers, de fortes atypies de prescription étaient toujours observées, des actions plus fortes de type mise sous objectif et/ou mise sous accord préalable (MSO/MSAP Transports) pourraient être envisagées ». Les médecins sont prévenus…
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships