Santé et environnement

Des pistes pour décarboner les soins

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Publié le 19/05/2023
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À l’heure du réchauffement climatique, le secteur de la santé ne peut pas s’affranchir de réduire son empreinte carbone, mais comment ? Au terme d’une revue de littérature, l'lnstitut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) présente plusieurs mesures qui ont fait leurs preuves à l’étranger.

Crédit photo : PHANIE

Le secteur de la santé – et ses 2,6 millions d’emplois – serait responsable à lui seul de 8 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, et pèserait 50 millions de tonnes de CO2 chaque année, selon le think tank The Shift Project dans son rapport « décarboner la santé pour soigner durablement », actualisé il y a quelques semaines.

Et de fait, le monde du soin prend progressivement conscience de son impact sur la planète. Un comité stratégique sur la transition écologique en santé a été créé en mars dernier au ministère de la Santé. Et les travaux de recherche s'intensifient. « Identifier les modes d’action suscep­tibles de réduire l’impact environnemental du système de santé et déve­lopper des stratégies visant à garantir sa soutenabilité apparaît désormais comme une priorité », affirme l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), qui a planché longuement ces deux dernières années sur le sujet.

43 publications à la loupe

L’organisme a réalisé une vaste revue de la littérature scientifique internationale entre 2010 et 2022 et il a retenu « 43 publications ayant fourni des preuves d’efficacité d’initiatives de réduction de l’impact environnemental ». La part belle est accordée au National Health Service (NHS) britannique, très en avance sur la France, qui a adopté dès 2008 une stratégie pour décarboner son système de santé, avec des résultats probants, et qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone dès 2040.

De nombreuses initiatives ont déjà été menées avec succès dans le monde pour réduire l’empreinte de l’hôpital, relève l’Irdes. Réaménagements architecturaux, isolation des bâtiments et baisse de la consommation électrique, meilleur usage de l’eau, amélioration de la gestion des déchets, adoption d’équipements réutilisables plutôt que jetables ou encore moindre utilisation de gaz médicaux et d’anes­thésie font partie du panel d’actions mis en place avec un impact significatif. 

Moins de transports, plus de télémédecine

Il est aussi possible d’agir sur les médicaments et dispositifs médicaux, à l’origine de la moitié des émissions de GES du secteur de la santé en France, dont la majeure partie est liée à la chaîne d’appro­visionnement. La relocalisation de la production et le respect des exigences environnementales permettraient de réduire considérablement les émissions mais très peu d’études ont porté sur le sujet.

Le transport est un levier essentiel. Pour parvenir à la neutralité carbone, le NHS encourage les person­nels de santé, les patients et leurs visiteurs à privilégier la marche, le vélo ou les transports en commun plutôt que la voiture individuelle pour se rendre dans les établissements de santé. Et sans surprise, plusieurs études démontrent que la télémédecine est moins carbonée que les consultations physiques – quand ces dernières ne s’imposent pas.

Les recherches au sujet d'une plus grande sobriété ne concernent pas uniquement l’hôpital et le secteur pharmaceutique. Une étude menée en Suisse affirme qu’il serait possible de diviser par dix les émissions de CO2 en ville avec le développement de réseaux locaux de soins primaires et de la télésanté, mais aussi en permettant la réalisation de tests de laboratoire urgents au sein des cabinets de soins primaires. D'une manière générale, il convient de « réinventer les parcours de soins » en renforçant l’offre de proximité. 

Éventail d'actions simultanées

Côté cursus, une formation accrue des futurs soignants en santé environnementale serait bienvenue pour les rendre acteurs du changement. D'ores et déjà, un nouveau module sur la santé environnementale deviendra obligatoire au cours du premier cycle dans les facultés de médecine à la rentrée universitaire 2023.

« Un consensus émerge sur la nécessité de mettre en place simultanément un large éventail d’actions pour avoir un impact significatif et réduire les émis­sions liées au secteur de la santé pour ralentir le changement climatique », affirme l’Irdes. Des travaux complémentaires devront être conduits pour étudier la façon dont l'organisation et le financement des soins influencent leur empreinte écologique, souligne l’Irdes, pour qui il convient aussi d'identifier les éventuels obstacles à surmonter.

Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin