L’Académie nationale de médecine (ANM) épingle aujourd’hui la controversée loi du 19 mai 2023 « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », portée par la députée Stéphanie Rist (Renaissance, majorité présidentielle). Une manière de mettre la pression sur le gouvernement, en attendant la parution des textes d’application.
Cette loi, dite « Rist », qui a crispé les médecins l’année dernière, autorise notamment l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes exerçant à l’hôpital, en clinique, en établissement social et en maison ou en centre de santé. Dans six départements et pour cinq ans, une expérimentation permet aussi aux patients d’accéder directement à ces professionnels de santé, s’ils font partie d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CTPS).
Également, les IPA peuvent désormais primo-prescrire certains produits ou prestations soumis à ordonnance (un décret doit intervenir). Et des infirmiers peuvent prendre en charge la prévention et le traitement de plaies, ainsi que prescrire des examens complémentaires et des produits de santé. C’est notamment ce point qui inquiète l’Académie de médecine : l’extension de l’accès à des examens et des thérapeutiques sans prescription par un médecin. Elle l’affirme haut et fort : « Se passer du diagnostic médical doit rester une exception ».
Pas une formalité administrative, neuf ans d’études…
L’Académie rappelle que « la prescription médicale a pour fondement le diagnostic médical, qui est la composante primordiale de la démarche thérapeutique ». Ce n’est pas, écrit-elle « une formalité de nature administrative », mais bien « le résultat d’une démarche accomplie par le médecin, qui repose sur l’écoute du patient, et l’analyse individualisée approfondie de ses symptômes et de sa situation (âge, antécédents, contexte familial, professionnel, socio-économique) », peut-on lire.
La prescription médicale, dont la visée est thérapeutique, souligne-t-elle encore, « résulte directement du diagnostic médical qui a été posé, c’est-à-dire de la maladie que le médecin a jugé pouvoir assigner au patient ». Elle est donc « l’aboutissement d’un processus intellectuel dont la conduite tire parti du fait que le médecin, après au moins neuf ans d’études, possède un important savoir théorique et pratique et dispose, avec le temps, d’une expérience croissante et de connaissances en permanence remises à jour », selon l’Académie. « Quel que soit le type d’exercice, un diagnostic de maladie ne suffit pas à indiquer un besoin de rééducation, ni de tout traitement, quel qu’il soit », martèle-t-elle.
Des signes, d’apparence simple ou anodine, peuvent traduire l’existence d’une maladie complexe et grave
Sur ces bases, « engager une action thérapeutique en l’absence de prescription médicale n’est absolument pas anodin. Faire le pari que, sans le renfort de l’analyse intellectuelle ayant conduit au diagnostic médical, la thérapeutique engagée sera adaptée, peut conduire à ce que celle-ci se révèle inefficace, sinon néfaste. Elle constitue, pour le professionnel de santé qui s’y engage, une prise de risque, donc de responsabilité », prévient l’Académie de médecine.
Laquelle explique aussi que la mise en route de soins à visée curative, en particulier de nature médicamenteuse, sans prescription par un médecin et, donc, sans diagnostic médical préalable, ne peut se concevoir que lorsque toutes ces conditions sont réunies : « vérification de l’indisponibilité d’un médecin ; risques minimes d’effets secondaires de la thérapeutique concernée ; et évaluation médicale, après une période déterminée et répétée, de toutes les procédures ainsi engagées ». La démarche diagnostique n’est pas simple, y compris pour les médecins, ajoute l’Académie. « Des signes, d’apparence simple ou anodine, peuvent traduire l’existence d’une maladie complexe et grave réclamant un diagnostic médical précis », lit-on.
La sécurité du patient
L’Académie tient à rappeler que « l’absence de médecins à même de poser un diagnostic n’est pas concevable dans le contexte d’un établissement de santé, dans lequel un malade, qu’il y entre par le service des urgences ou par celui des consultations médicales, ne peut être considéré comme privé d’une capacité de diagnostic médical, donc de prescription médicale ».
Enfin, l’Académie recadre le débat sur l’accès direct en soulignant que l’obligation de prescription préalable par un médecin « n’est pas un obstacle à la revalorisation de certaines professions de santé ou à la fluidification du parcours de soins du patient », mais plutôt « un élément de sécurisation de la pratique de ces professions et de sécurité sanitaire pour le patient ».
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