C’est un dossier qui met le gouvernement à l’épreuve depuis une semaine. La négociation exclusive entre le géant Sanofi et le fonds d’investissement américain CD & R sur la cession de sa filiale de produits en vente libre Opella, produisant notamment le Doliprane, s’est longuement invitée à l’Assemblée nationale le 15 octobre lors des questions au gouvernement.
Tour à tour, les députés Sébastien Chenu (Rassemblement national), Charles Rodwell (Ensemble pour la République), Hadrien Clouet (La France insoumise) et Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) ont exprimé leur vive inquiétude face au risque pour ce fleuron national de passer sous pavillon américain. Une affaire de souveraineté industrielle devenue très politique, la très célèbre marque de paracétamol restant le médicament le plus vendu dans l'Hexagone.
L’État prêt à entrer au CA et au capital de Sanofi
Face aux questions insistantes des députés, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, a assuré le « plein engagement » du gouvernement sur le sujet, après s’être rendu sur le site de Lisieux (Calvados). Il a rappelé sa ligne rouge vis-à-vis de Sanofi : maintien de l’emploi et de la production en France. Ne s’interdisant rien, Antoine Armand a expliqué que, si le projet de cession de cette filiale était acté, « la possible présence de l’État au conseil d’administration, ainsi que la participation au capital » était en train d’être étudiée, « parce que la stratégie industrielle et de souveraineté que nous avons construite ces dernières années ne se négocie pas ».
Le gouvernement a aussi demandé un « bilan exhaustif » des aides publiques que le groupe pharmaceutique a reçues ces dix dernières années, une façon claire de faire pression sur le laboratoire. Lequel a confirmé que la procédure de contrôle des investissements étrangers en France – soumettant les projets touchant aux intérêts du pays à une autorisation préalable – était aussi à l’ordre du jour.
Vers un gel des crédits de l’AME, finalement…
Autre sujet sensible évoqué : le sort de l’aide médicale d’État (AME), qu’une partie de la droite souhaite transformer en aide médicale d’urgence. Le député Fabien Di Filippo (Droite républicaine) a interpellé le gouvernement en déplorant que le projet de loi de finances initial programme une augmentation de 100 millions d’euros (pour un coût global de 1,3 milliard d’euros), alors qu’il était question de revoir le périmètre du dispositif… Selon ce député, l’AME finance « les prothèses de hanche et les anneaux gastriques » des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national…
Le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a d’abord fait valoir qu’il s’agissait d’une « hausse tendancielle [des dépenses] et en aucun cas d’un changement sur les différentes conditions » de l’AME. « Le gouvernement ne s’interdit pas de prendre des mesures complémentaires », notamment pour s’assurer que cette aide n’est pas détournée. « Des mesures seront prises rapidement », a-t-il assuré, évoquant le renforcement des contrôles par l’Assurance-maladie, des échanges de données renforcés avec les consulats « pour lutter contre le tourisme médical » et une meilleure prise en compte des revenus du conjoint. Nouveau revirement mardi soir, confirmé par le ministre, le gouvernement serait maintenant favorable à… un gel des crédits consacrés à l'AME (via un amendement lors du débat), ce qui signifierait un changement de pied par rapport au projet de budget 2025 qu’il a lui-même proposé. Ce mercredi, la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a affirmé que le cadre général de l’AME ne changerait pas même si « quelques lignes peuvent bouger », d'un point de vue budgétaire.
Les Ehpad, priorité budgétaire
La députée Annie Vidal (Ensemble) a questionné de son côté le gouvernement sur la situation financière très dégradée des Ehpad. Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités, a défendu à la tribune la hausse des moyens de la branche autonomie, soit « 2,4 milliards pour 2025 » supplémentaires (à hauteur de 42,4 milliards d’euros pour cette branche). L’augmentation du sous-Ondam du secteur (autrement dit les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées) augmentera ainsi de 6 % en 2025. L’objectif de l’exécutif est de permettre le recrutement l’an prochain de « 6 500 professionnels supplémentaires » en Ehpad (pour tenir l’objectif de 50 000 ETP supplémentaires à l’horizon 2030). Le PLFSS programme aussi les moyens pour l’expérimentation de la réforme de la tarification des Ehpad dans « 23 départements candidats » (forfait global unique relatif aux soins et à l’autonomie). Le soutien au virage domiciliaire est aussi affiché avec une nouvelle aide de 100 millions d’euros pour permettre aux départements de soutenir la mobilité et le travail des aides à domicile.
Aurélien Rousseau mobilisé contre l’endométriose
L’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau (Place publique) a pour sa part alerté le gouvernement sur la santé des femmes, « variable d’ajustement des politiques publiques de santé », à ses yeux, et notamment au sujet de l’endométriose. Si elle n'est pas intégrée dans la liste des 30 affections de longue durée (ALD 30), un accès à la prise en charge à 100 % au titre de l'ALD 31 (affection hors liste des 30 ALD) est possible pour les formes affectant la qualité de vie. La ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a salué l’engagement du nouveau député sur ce sujet, précisant que l'endométriose touche entre 1,5 et 2,5 millions de femmes en âge de procréer, soit une femme sur 10. « Mieux connaître, mieux détecter et mieux prendre en charge » est le sens de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, déployée depuis 2022, forte de « 90 % des actions réalisées ou en cours de réalisation », a expliqué l’allergologue.
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