Le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) ouvre-t-il une nouvelle ère ?
Il m’est difficile de porter un jugement définitif, mais les premières annonces invitent à l’optimisme et nous souhaitons être constructifs. Durant toute la préparation de ce CSIS, les échanges entre l’administration et les industriels ont été ouverts. Nous avons constaté une prise de conscience et une volonté au sein de l’exécutif de lever les difficultés auxquelles les patients français sont soumis pour avoir accès aux médicaments innovants. Je retiens de cette édition plusieurs mesures qui vont dans ce sens. La première pour moi, c’est l’élargissement du dispositif des ATU aux extensions d’indications thérapeutiques. Cet engagement des autorités est critique pour répondre aux besoins des patients et aux enjeux de développement de l’innovation. Il faut maintenant adapter la réglementation. Mais ce sera une avancée majeure pour les patients, en oncologie notamment, car aujourd’hui ils n’ont parfois pas accès à toutes les alternatives thérapeutiques et ils n’ont pas le temps d’attendre le régulateur. Par ailleurs, l’engagement ferme des autorités à réduire le délai de mise sur le marché pour se conformer aux 180 jours réglementaires est une bonne nouvelle. Enfin, la réflexion sur notre système d’évaluation des médicaments, avec la proposition de la mise en place de la valeur thérapeutique relative (VTR) conditionnelle est majeure. Cela permettrait de simplifier et d’accélérer l’accès des patients à des médicaments innovants et de niches pour lesquels des essais de phase III randomisés n’ont pas de sens du fait de l’absence de comparateur ou de populations de patients en nombre suffisant. Sur tous ces points, il s’agit de fluidifier le système pour rendre disponible l’innovation plus rapidement pour les patients qui en ont besoin. C’est capital.
Pourquoi faut-il attendre en ce qui concerne la VTR alors que ce dossier est évoqué depuis plusieurs années ? Quelles sont les autres mesures phares pour vous ?
La réforme de l’évaluation est un sujet urgent, c’est vrai, mais il est aussi complexe et critique. Un des facteurs clef de succès, c’est de mettre autour de la table toutes les parties impliquées pour définir les bons critères. L’objectif est de proposer un texte en avril 2019. Il faut travailler ensemble pour aboutir à une proposition qui offre les avantages de la VTR conditionnelle. C’est comme l’engagement du Premier Ministre de respecter le délai de 180 jours pour la mise sur le marché de nouveaux médicaments. Ce n’est pas d’une folle ambition, mais cela va dans le bon sens. Faisons en sorte que cela se traduise dans la réalité. Dernier sujet critique pour moi dans ce CSIS, c’est bien entendu les nouveaux principes de la régulation. Je salue la volonté affichée de progression de l’enveloppe pour les médicaments innovants. Reste à en définir précisément les contours et les principes de mise en œuvre. La LFSS 2019 sera l’épreuve de vérité car c’est dans ce texte que beaucoup de ces mesures vont être précisément décrites et traduites.
La mise à disposition du dernier traitement d’AbbVie contre l’hépatite C constitue un cas d’école. Quel bilan en dressez-vous ?
C’est un cas d’école de multiples points de vue en effet. Le développement de Maviret® et sa mise sur le marché français illustrent d’abord le pari gagnant de l’innovation d’AbbVie et notre résilience. Le premier médicament mis à disposition par AbbVie il y a quelques années dans l’hépatite C présentait un profil novateur mais nous avons persévéré et poursuivi notre effort de recherche pour développer un traitement de dernière génération, efficace sur l’ensemble des virus de l’hépatite C. Avec ce nouveau médicament approuvé en juillet 2017 par l’Agence européenne du médicament, les professionnels de santé disposent d’un traitement qui guérit en 8 semaines 97,5 % des patients naïfs de traitement et non cirrhotiques.
C’est aussi un cas d’école car il illustre notre manière d’associer l’innovation thérapeutique à celle de la prise en charge. C’est grâce à Maviret et à notre attitude responsable avec les autorités que la dispensation en officines de ville, au plus proche des patients, a pu être proposée et mise en place. Comme nos partenaires que sont l’Afef (Société française d’hépatologie), les associations de patients et les professionnels de santé, nous sommes convaincus que l’élimination de l’hépatite C repose sur la découverte de molécules innovantes, mais aussi sur l’adaptation optimale de la prise en charge pour faciliter le parcours du patient.
Ce sera enfin une magnifique réussite si nous nous donnons vraiment les moyens d’éliminer la maladie en France d’ici 2025, objectif que s’est fixé la Ministre. Pour y parvenir, il manque encore l’ouverture de la prescription aux médecins généralistes et la mise en œuvre d’un dépistage universel afin de diagnostiquer les 75 000 patients qui s’ignorent encore. Nous avons presque tous les outils pour vaincre cette épidémie. J’espère que nous allons avancer dans cette voie prochainement.
AbbVie c’est aussi la mise à disposition de Venclyxto™ pour les patients français. Mais les négociations ont été longues…
Venclyxto, c’est l’illustration de notre modèle d’innovation en effet. Seulement quelques mois après Maviret, nous illustrons à nouveau avec Venclyxto, indiqué dans la leucémie lymphoïde chronique, notre volonté d’apporter des solutions aux patients, dans des formats novateurs puisque pour assurer un accompagnement optimal des patients par les pharmaciens d’officine, nous leur proposons aussi un service d’information et de formation dédié.
Mais Venclyxto, c’est aussi l’illustration du temps, trop long, pour être mis à disposition des patients de manière pérenne, c’est vrai. Heureusement, le système de l’ATU le rendait disponible pour les patients qui en avaient le plus besoin depuis plus d’un an. Cela n’empêche que nous sommes confrontés aujourd’hui à des problématiques éthiques insolubles : que répondre aux demandes réitérées de médicaments à délivrer à titre compassionnel et pour des indications qui n’ont pas été enregistrées par le régulateur ? Pensons aux patients qui n’ont pas le temps d’attendre… J’y reviens, mais il faut absolument élargir le champ des ATU aux autres indications pour que les patients qui en ont besoin, y aient accès dans un cadre maîtrisé.
AbbVie est un groupe américain. Avec ce CSIS qui génère un optimisme vigilant de votre part, est-ce que la France redevient un territoire accueillant ?
La France a toujours été et reste un territoire d’investissement pour AbbVie. Notre siège Europe de l’Ouest et Canada et le siège Moyen-Orient, Afrique et Europe de l’Est sont basés à Rungis, ce qui fait que près de 10 000 collaborateurs dépendent de la France ! Nous sommes la première filiale en Europe, après les États-Unis, en termes de recrutement pour les essais cliniques en oncologie. Près de 2 500 patients sont inclus et suivis dans les essais cliniques AbbVie en France. En cinq ans, nous avons multiplié par sept le nombre d’essais cliniques implantés en France.
Il est vrai néanmoins que les spécificités françaises sont parfois perçues comme des éléments de complexité et de lenteur. Évidemment, la science, l’innovation, vont plus vite que le régulateur. Mais, j’espère qu’avec ce CSIS nous avons tourné la page de relations distantes et que nous partageons vraiment la volonté de faire de l’industrie du médicament un partenaire, pour innover, exporter, et contribuer pleinement à l’économie française.
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