Pas toujours facile de concilier vie de famille et exercice de la médecine lorsqu’on est parent. Certains médecins excluraient même totalement cette éventualité, allant jusqu’à changer de métier pour embrasser le chemin de la parentalité. C’est en tout cas ce que révèle un récent sondage Odoxa réalisé pour la Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH) et Le Figaro Santé auprès de plus de 1 400 professionnels de santé.
Ledit sondage, mené entre le 1er et le 26 février 2024, montre que 36 % des médecins interrogés ont déjà reporté ou annulé un projet d’enfant à cause de leur carrière. Plus inquiétant, 54 % des soignants désireux de devenir parents ont déjà songé à changer de métier ou à quitter leur emploi actuel pour mener à bien leur projet. Ce chiffre est moindre parmi les Français actifs sondés, et s’élève à 41 %.
Incompatibilité du métier avec la vie de parent
Les conditions de travail difficiles sont les principales raisons qui poussent les professionnels de santé à songer à une reconversion ou un changement de carrière. Ressortent par exemple « les horaires compliqués non compatibles avec la vie de famille », « la lourde charge de travail », « le travail de nuit et le week-end », le « manque de reconnaissance » ou encore « le bas salaire ».
Sur le panel de médecins interrogés, 45 % pensent que leur profession n’est d’ailleurs pas compatible (35 % des infirmiers) avec le fait d’être parent, contre 32 % des Français actifs. En outre, un médecin sur cinq considère que la parentalité constitue un frein à sa carrière contre 24 % des autres actifs. Les soignantes sont particulièrement touchées par ces difficultés à concilier emploi et maternité puisque 37 % considèrent la parentalité comme un frein à leur réussite professionnelle. D’ailleurs, malgré des amplitudes horaires importantes, la majorité des soignantes interrogées (56 %) disent s’occuper trois à quatre fois plus que les hommes des « charges familiales ».
Finalement, seulement 12 % des professionnels de santé disent être « pleinement » parvenus à concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle après l’arrivée de leur enfant et leur retour au travail.
Efforts attendus des établissements de santé
Au moment de reprendre leur activité, 62 % des professionnels de santé ont rencontré au moins une difficulté liée à la garde de leur enfant (difficulté à trouver un mode de garde, obligation de se mettre à temps partiel, prolongation du congé parental). Les enseignements de l’enquête montrent aussi que les soignants doivent souvent « se débrouiller seuls » pour le mode de garde de leurs enfants. Ainsi, seulement 42 % bénéficient de solutions de crèches dont 25 % en crèche hospitalière.
« Ces solutions quand elles existent ne suffisent pas à assurer la totalité de la garde de leurs enfants, lit-on dans l’enquête. Ainsi, 57 % des soignants font appel à des assistants maternels ou ont recours aux gardes à domicile, tandis que 34 % doivent compter sur l’aide de leur famille et leurs proches et 20 % doivent gérer eux-mêmes avec leurs conjoints la garde de leurs enfants.
Face à ces difficultés, 55 % des professionnels de santé ont déjà envisagé de quitter leur emploi ou même à changer de métier. Exit la carotte financière, et si l’accompagnement des projets parentaux des professionnels de santé devenait un argument d’attractivité des établissements de santé ? Pour 42 % des soignants interrogés, cette dimension pourrait en effet entrer en ligne de compte et faire pencher la balance vers le oui.
Faire une place à la parentalité durant l’internat de médecine
« Concilier parentalité et internat » est l’une des priorités de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), représenté par Guilllaume Bailly, interne en 9e semestre de cardiologie. « Les femmes représentent 60 à 65 % des internes, pourtant le droit à la maternité n’est toujours pas respecté pendant l’internat », déplore-t-il. Avec un minimum de dix années d’études (pour la médecine générale), ces jeunes professionnels ont, au fil de leur troisième cycle, déjà bien entamé leur vie adulte et ont, pour certains, des projets de famille. « Malgré cet état de fait, rien n'est prévu pour permettre aux internes enceintes de vivre sereinement leur grossesse durant l’internat, constate le jeune syndicaliste. Le système actuel dissuade beaucoup d’internes de devenir parents », regrettait-il dans une récente interview au Quotidien. Pour faire bouger les lignes, le syndicat a remis au gouvernement une contribution détaillée de 10 recommandations pour améliorer la vie des internes en situation de parentalité. Y figure notamment la mise à disposition obligatoire d’espaces dédiés à l’allaitement dans les hôpitaux ou l’accès des internes aux crèches hospitalières par l’émission d’une circulaire ou d’une instruction du ministère de la Santé adressée aux établissements de santé.
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