Enfin du changement ! Frédéric Bizard a des fourmis dans les jambes… Dans un texte signé dans le Huffington post la semaine dernière, le très libéral économiste de la Santé de Sciences Po Paris se livrait à une comparaison des programmes santé des deux finalistes de la primaire de la droite. Et pour lui, il n'y a pas photo : "d'apparence proches, les programmes de Fillon et Juppé reflètent en réalité deux visions très différentes sur l'avenir de notre système de santé", avance-t-il, créditant le premier d'infiniment plus d'audace pour "réinventer un modèle à la française", en remettant l'Etat à sa place. Comme en contrepoint, le chef de file du parti communiste, Pierre Laurent a tranché le débat dimanche sur France 3, en qualifiant la plateforme santé de Fillon d'un catégorique : "ce programme-là, c'est la mort de la Sécurité sociale !"
De fait, de tous les compétiteurs de la primaire, François Fillon, désigné dimanche comme candidat de la droite, est sûrement celui qui appelle le plus à des changements d'envergure pour le système de santé. Le volet santé de son programme n'a pourtant été la cible de ses détracteurs que tardivement, en fait depuis 10 jours, à partir du moment où l'ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy a été perçu comme susceptible de l'emporter… Certes, sur bien des points, ses propositions santé ne se distinguent guère de celles de ses concurrents d'hier : concertation accrue avec les médecins, priorité sur la médecine libérale, coups de pouce à l'installation de maisons de santé dans les déserts médicaux, par exemple… De la même façon, tous les candidats de la primaire se prononçaient pour l'abrogation du TPG ou de l'Aide Médicale d'Etat (AME), Fillon apparaissant presque modéré sur ce dernier point, puisqu'il propose de réserver aux seuls cas d'urgence, ce dispositif de soins gratuits pour les étrangers clandestins… Les acteurs de santé auront relevé aussi que François Fillon insiste beaucoup sur sa volonté de « désétatiser », de « débureaucratiser ». Il est un de ceux qui, à droite insistent le plus sur la nécessité de « remettre les médecins généralistes au cœur du système » et de mieux les payer. Enfin, il veut rétablir les 39h à l'hôpital, mais sans pour autant toucher, dit-il, aux effectifs soignants.
Le dogme de l'équilibre annuel des comptes
Mais l'originalité de sa plateforme santé est ailleurs. Et tient notamment à trois concepts, qui n'ont pas été appliqués jusque-là. A commencer par la fameuse « règle d'or » qui imposerait que l'assurance maladie soit chaque année à l'équilibre. Le concept a déjà été avancé par François Bayrou dans sa campagne de 2007. Mais il n'a jamais été mis en œuvre par quiconque jusqu'alors. Le candidat Fillon a déjà évoqué l'adoption de « mesures de correction » en cas de dérapage, dont on peut penser qu'elles viseraient les assurés, plus que les professionnels de santé ; mais là-dessus, François Fillon n'a guère donné de précisions. L'application de ce principe serait une petite révolution : cela suppose que les aléas de la conjoncture (moindres rentrées de cotisations) ou les envolées de dépenses de santé devraient être compensés ex post par les Français.
Recentrer l'assurance obligatoire sur l'essentiel
Deuxième axe de réforme : la redéfinition du panier de soins entre la Sécu et les mutuelles. Dans son programme, François Fillon explique qu'il veut « offrir la meilleure couverture santé possible à tous nos concitoyens en redéfinissant les rôles respectifs de l’assurance maladie et de l’assurance privée. » En pratique, il propose de « focaliser l’assurance publique universelle, notamment sur les affections graves ou de longue durée ». En dehors de ce panier de soin « solidaire », l’assurance privée interviendrait pour le panier de soin « individuel ». Lors du débat du second tour, François Fillon a d'ailleurs indiqué en substance qu'il n'était pas choquant que les Français y soient plus de leur poche pour certains médicaments aujourd'hui pris en charge. « Clarifier la part prise en charge par la Sécurité sociale et par les mutuelles : cela passe par un panier des soins 'solidaire' dont sont exclus les soins de confort et la 'bobologie' », expliquait-il encore vendredi dans un communiqué. Cette redéfinition des frontières entre le petit risque et le gros est débattue depuis pas mal d'années… Mais jamais mis en application, jusqu'alors, sinon au fil de l'eau…
Ce positionnement a valu à François Fillon les critiques d'Alain Juppé dans l'entre-deux tours. Ce dernier lui reprochant lors du débat du 24 novembre de vouloir baisser le taux de prise en charge global. "Je ne réformerai pas l'assurance maladie en diminuant le taux de remboursement des Françaises et des Français et en transférant une partie de ces remboursements à des mutuelles privées", assurait encore vendredi l'ex-poulain de Jacques Chirac pour mieux se démarquer de son concurrent. Sur le même thème, Marisol Touraine est aussi passée à l'offensive. La ministre de la Santé a fait calculer l'augmentation du reste à charge par Français à 3 200 euros en moyenne par an. Évaluation à la louche, obtenue en sortant de l'ONDAM, tout ce qui n'est pas ALD. Or François Fillon n'a jamais dit qu'il cantonnerait l'assurance maladie obligatoire aux seules Affections de longue durée…
J'ai fait chiffrer le programme santé de #Fillon : chaque foyer paiera en moyenne 3200€ de + par an pour se soigner. #Danger #LeGrandDebat
— Marisol Touraine (@MarisolTouraine) 24 novembre 2016
Une franchise maladie universelle
De surcroît, le champion des Républicains promet d'octroyer un régime spécial pour que les moins favorisés ne pouvant s'offrir une mutuelle bénéficient d'une couverture accrue. Il évoque aussi un mécanisme de responsabilisation des patients par l’introduction d’une « franchise maladie universelle dans la limite d’un seuil et d’un plafond » : un mécanisme là encore assez novateur, -qui pourrait se substituer à l'actuel ticket modérateur et à la franchise d'un euro et semble s'inspirer du bouclier sanitaire (couverture variable en fonction des revenus et des dépenses engagées), souvent suggéré ces dernières années par les hauts fonctionnaires de Bercy et par certains politiques, mais toujours repoussé par les divers ministres de la Santé, de droite comme de gauche. Lors du débat de l'entre-deux tours, l'ancien premier ministre a lui-même évoqué ce « bouclier de santé » qu'il mettrait en place, pour, dit-il, « que les personnes à revenus modestes ne soient pas pénalisées ».
Reste bien entendu à savoir comment ces différents axes s'articuleront. Tout cela augure cependant d'une refonte importante de notre couverture maladie. Fillon ne l'a d'ailleurs pas caché lors du débat de jeudi dernier, arguant du fait que « notre système de santé a vraiment besoin d'être réformé. »
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