Frédéric Valletoux (député Horizons) : «Les médecins comprendront un jour que je ne suis pas l’ennemi »

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Publié le 31/10/2023
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Crédit photo : AFP

Le député Horizons de la Seine-et-Marne, Frédéric Valletoux, ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF), revient sur l'examen, la semaine dernière au Sénat, de sa proposition de loi (PPL) au sujet de l'accès aux soins.

Votre proposition de loi sur l’accès aux soins vient d’être votée au Sénat. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Les parlementaires devraient se réunir en commission mixte paritaire (CMP) à la fin du mois de novembre. Si la CMP est conclusive, le texte s’appliquera dès le 1er janvier. Si ce n’est pas le cas, l’Assemblée prendra le relais en deuxième lecture, début janvier. En première lecture, le texte était déjà soutenu par la Nupes, le groupe Liot et quelques élus de groupes officiellement contre, comme le PC ou le RN. Le soutien au texte était déjà large. Donc je suis plutôt confiant pour la suite.

Comment avez-vous vécu les débats au Sénat ?

On m’avait annoncé un dépeçage de la PPL. La réalité est plus nuancée. C’est vrai, certaines mesures ont vu leur portée diminuée. C’est le cas de l'adhésion automatique aux communautés professionnelles (CPTS), qui a été supprimée. Là derrière, il y a la patte des syndicats de médecins libéraux !

Mais le Sénat a durci d’autres mesures. Regardez la permanence des soins en hôpitaux et cliniques en établissements de santé (PDS-ES) : le texte est désormais plus carré, plus strict. Les syndicats de médecins pensaient que le Sénat les protégerait, que la chambre haute n’irait pas plus loin que la version originale du texte. Ils se sont fait avoir.

Si un hôpital réclame de l’aide aux médecins libéraux de la clinique voisine pour assurer des gardes, qu’est-ce qui empêche le médecin de dire non ?

La philosophie du texte est claire : les établissements sont responsables de la PDS-ES. C’est écrit noir sur blanc. Évidemment, cela reste sur la base du volontariat pour les médecins. Si un médecin est volontaire pour faire une garde le samedi plutôt que le dimanche, il la fera le samedi. Mais si l’établissement a besoin de lui et si l’ARS valide ce besoin, il devra venir donner un coup de main.

Avez-vous senti le poids du lobbying médical ?

Clairement, la PDS-ES et les CPTS sont des irritants pour les syndicats de médecins libéraux. Je précise bien : les syndicats. Le lobbying syndical a été fort, très fort. Je sens que l’approche agressive des syndicats agace de plus en plus le Parlement - Sénat inclus. La radicalisation de certains médecins leaders sur les réseaux sociaux est hallucinante. Je pense à l’UFML-S ou à Médecins pour demain. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. Je ne peux que constater l’essor du mode de l'interpellation au détriment du dialogue. Et la profession et moi, c'est une vieille histoire. Ça ne me dérange pas. Si j’avais voulu améliorer ma cote de popularité auprès des médecins, j’aurais proposé cette PPL après la revalorisation du C, pas avant ! Mais en pleines négociations conventionnelles, il fallait bien un chiffon rouge. C’est tombé sur ce texte et sur moi !

Cela fait six mois que votre texte est examiné par le Parlement. Avez-vous eu un moment de surprise ?

Nous sommes passés très près d'une mesure de régulation à l'installation (par un amendement transpartisan) ! Les médecins ne se sont pas rendu compte d'une chose : à quelques voix près, c’était plié (41 voix, pour être exact) ! J’ai vraiment vu le moment où l’exécutif allait pousser dans ce sens ou chercher la moins mauvaise des mesures coercitives à proposer au débat. Moi, la coercition, je suis contre. Les médecins comprendront un jour que je ne suis pas l’ennemi. Que ce jour-là, à l'Assemblée avec d'autres députés, je leur ai sauvé la peau. La coercition, cela ressemble à une solution car c'est nouveau et jamais testé, mais ce n'est qu'une solution de facilité. Tester quelque chose de neuf n’est pas gage d’efficience… du moins, pas maintenant. En revanche, à partir de 2033-2035, ce serait sacrément opportun que les syndicats proposent des mesures pour éviter de concentrer encore plus certains professionnels de santé (surtout les spécialistes) dans quelques poches de notre territoire.

Quel rapport entretenez-vous avec le ministre de la Santé Aurélien Rousseau ?

Je connais Aurélien Rousseau depuis son passage à la tête de l'ARS francilienne, lorsque je pilotais la FHF. C'est un homme assez direct, carré, qui possède de fortes convictions que je partage. Nous sommes tous les deux très concernés par l’intérêt général. Nous nous sommes rapprochés lors de la phase de préparation de ma PPL, au printemps. Il était alors directeur de cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon. La première ministre arrivait au terme de ses cent premiers jours et Aurélien Rousseau s'est rendu compte qu'il manquait un texte fort sur la santé à l'agenda du gouvernement. C'est là qu'il a vu l'intérêt de ma PPL. Ce texte pouvait incarner la volonté de l'Élysée d'améliorer l'accès aux soins dans un esprit de territorialisation du système de santé tout en confiant des missions d'intérêt général à l'ensemble des soignants (le fameux rééquilibrage de la PDS en établissement en est un exemple). Vous voyez, cette PPL n'est pas la lubie d'un député. C'est un travail concerté avec Matignon, le Parlement, le ministère de la Santé et un peu - beaucoup ! - moi. 


Source : lequotidiendumedecin.fr