C’est un rapport qui met dans l’embarras l’exécutif de l’époque. Comme le révèlent ce mercredi 4 janvier nos confrères du Parisien, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a remis au gouvernement en novembre 2020 un « Retour d’expérience du pilotage de la réponse de l’épidémie de Covid-19 », à la demande du ministre de la Santé de l’époque Olivier Véran. De mi-juillet à octobre 2020, quatre inspecteurs de l’Igas ont interviewé 375 personnes (cabinets ministériels, directeurs d’agence régionale de santé, d’hôpital, préfets, élus, etc.)
Ce document de 205 pages classé « confidentiel » – que les journalistes du Parisien ont mis deux ans à obtenir – avait pour but d’identifier « les réussites, les difficultés et les lacunes » révélées par le Covid-19 dans l’organisation du ministère de la Santé, ainsi que de « tirer les leçons de manières constructive, collective et transparente »… In fine, il y décrit une désorganisation, ainsi qu’un manque de réactivité, avant de formuler 32 recommandations.
Des errements à toutes les échelles
À l'instar du livre-enquête de Marc Payet sur le sujet, les exemples des errements de Ségur sont nombreux. Le 27 janvier, tandis que la Chine est confinée et que les premiers cas de Covid-19 sont signalés en France, la gestion de la crise est confiée au Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (Corruss)… alors composé de 11 agents. Lesquels n’avaient jusqu’alors traité que de crises courtes comme le chikungunya, la dengue ou la canicule. Le rapport juge « indispensable » qu’en cas d’activation du niveau 3, il soit mis en place « un centre de crise véritablement ministériel » avec des renforts « préalablement désignés et formés » à cela.
Ce ne serait que le 10 mars – soit une semaine avant le premier confinement et 24 heures avant la désignation du Covid-19 comme une « pandémie mondiale » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – que des « agents de tout profil » n'ont été « piochés en urgence parmi d’autres administrations » pour compléter les équipes, sans qu’ils n’aient réellement de compétences pour la tâche.
Le cas du Pr Salomon
Autre problème que rapporte Le Parisien : jusqu’à la mi-mars, la direction des opérations interministérielles de la crise est confiée au Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé (DGS). Il assurera donc une triple fonction : stratégique, scientifique et opérationnelle. « Il en résulte une surcharge au niveau du DGS, une seule personne ne pouvant pas assurer trois fonctions aussi lourdes », écrit l’Igas. L’Inspection s’interroge également sur la non-activation de la cellule interministérielle avant le 17 mars 2020 – soit la date du premier confinement. L’infectiologue, qui avait annoncé son départ, est toujours, actuellement, en poste.
« L’organisation de la gestion de crise a connu un éclatement tel qu’au cours de la mission, aucun acteur rencontré n’a semblé en avoir une vision claire et exhaustive, quel que soit son niveau hiérarchique. Ce manque de vision d’ensemble a conduit à des activités conduites en doublon mais aussi à l’absence de prise en charge de certains sujets, en particulier par anticipation », écrivent les inspecteurs de l’Igas. Pire, le rapport parle d’une « fragmentation du pilotage de la crise ». Le ministère « n’est pas parvenu à s’organiser de manière structurée et durable ». Les inspecteurs ont compté « au total, entre début mars et début juin, plus de vingt-cinq organigrammes ».
Ehpad oubliés, SPF qui pinaille…
Les relations exécrables entre Santé publique France et la cellule logistique interministérielle sur la pénurie de masques sont également pointées du doigt : l’une reprochant à l’autre de pinailler sur des détails légaux, dans un contexte de crise sans précédent.
La gestion chaotique des Ehpad est aussi relevée : quand le Pr Salomon écrit une note sur le fonctionnement du centre de crise sanitaire, il ne l’envoie pas à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), pourtant en charge des établissements pour personnes âgées. Idem lors de la publication du premier Guide méthodologique Covid-19 le 20 février… La consigne nationale de dépistage dans les Ehpad ne sera diffusée que le 6 avril ; soit cinq jours après la publication d’un premier bilan de l’épidémie dans les maisons de retraite.
Bientôt une pièce à conviction ?
Ce n'est pas la première fois qu'un rapport pointe du doigt les problèmes de l'exécutif dans la gestion de crise du Covid-19. Ceux de l'Assemblée nationale, du Sénat, ainsi que celui du Dr Didier Pittet avaient déjà, au mois de mars 2021, fait couler beaucoup d'encre.
Celui de l'Igas, indiquent nos confrères du Parisien, a été versé au dossier de l’enquête sur la gestion de crise du Covid-19 de la Cour de justice de la République, laquelle a, pour l’instant, uniquement mis en examen l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn pour « mise en danger de la santé d’autrui ». Cette dernière a donné sa version des faits fin octobre au journal Le Monde. L’ancien Premier ministre Édouard Philippe a lui été placé sous le statut de témoin assisté.
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