LE QUOTIDIEN : Le gouvernement Barnier n’est toujours pas nommé. Faut-il s’inquiéter pour le calendrier des textes budgétaires, en particulier le PLFSS ?
GILLES HUTEAU : Les textes budgétaires nous ramènent à des échéances fixes. En principe, le projet de loi de finances, par exemple, doit être déposé à l’Assemblée le 1er octobre au plus tard. Il n’est pas sûr que l’échéance puisse être tenue… Cela dit, je ne vois pas non plus de décalage trop important ! La question est : quelle serait la sanction d’un non-respect de l’échéance ?
À date, les administrations ont quand même travaillé sur les textes budgétaires. Le problème, c’est que le budget n’a pas vocation à n’être qu’un assemblage de mesures techniques, c’est un vrai projet politique ! C’est pourquoi la période de juillet/août est généralement importante, même si elle passe inaperçue. Sur la Sécurité sociale, c’est là que Ségur et Bercy échangent et préparent les décisions… Cette fois, si les arbitrages ont lieu à la dernière minute, le rapport de force sera inévitablement favorable au ministère financier. En tout état de cause, le gouvernement sera confronté à des choix difficiles, car les recettes augmentent moins que prévu et les dépenses sont contraintes. Le seul champ de l’Assurance maladie est déjà déficitaire de plus de 11 milliards d’euros.
La question n’est pas tant le calendrier que les choix du nouveau gouvernement. S’il veut un projet de loi technique, cela peut aller très vite. S’il est ambitieux, le délai sera trop court.
Mais dans le contexte de dérapage des déficits publics et de mise sous surveillance de la France par l’UE, l’État est pressé de faire des économies. Faut-il s’attendre à des mesures d’austérité budgétaire aussi sur la santé ?
L’idée même de mesures brutales peut difficilement être envisagée ! Imaginez une remise en cause de la prise en charge des ALD, sans concertation préalable. Sur le plan politique, ce n’est pas simple. Idem pour tailler à la serpe à l’hôpital alors que les établissements sont déjà en fort déficit. Je ne pense pas que le gouvernement ira dans ce sens-là. L’État doit aussi tenir ses engagements, qui pèseront sur l’Ondam : la revalorisation des honoraires des médecins en décembre figurera dans les comptes pour 2025 et il est impossible de la remettre en cause. Il en est de même pour l’enveloppe pour l’amélioration des soins palliatifs.
Le gouvernement va donc être tenté de piocher dans des mesures déjà prêtes, en termes d’économies. Le rapport « Charges et produits » de la Cnam prévoit 1,5 milliard d’euros d’économies, il en prendra d’autres sur les indemnités journalières, peut-être sur les dispositifs médicaux comme le préconise l’Igas. Bref, des mesures “d’intendance” qui permettent de rogner quelques milliards, en attendant une réforme plus conséquente.
Sur le fond, avec la dramatisation liée à toute réforme structurelle, la tentation sera grande d’échapper au débat par des mesures rampantes et égrainées dans le temps, comme le relèvement des forfaits médicaux. N’oublions pas aussi que la santé occupe une place substantielle dans les préoccupations des Français. Autant de raisons qui m’amènent à penser que l’État ne va pas sabrer dans la santé, ni en ville, ni à l’hôpital ; ce qui n’exclut pas la rationalisation de certaines dépenses. Mais ce n’est que gagner du temps face au problème de soutenabilité du système de santé et du financement de notre protection sociale.
Les arrêts de travail sont-ils une piste d’économies légitime, comme le soutient la Cnam ?
Sur ce sujet, je fais partie de ceux qui pensent que le système de protection sociale, tel qu’il a été conçu depuis 1945, en lien avec les organismes complémentaires, n’est pas satisfaisant. Il génère beaucoup de dépenses d’arrêts maladie, en raison aussi des conditions de travail, des risques psychosociaux et du vieillissement de la population… Le système est aussi inéquitable, notamment pour les salariés précaires.
Mais une fois qu’on a dit cela, qu’est-ce qu’on fait ? Sur les arrêts de travail, sans doute peut-on améliorer les contrôles mais on en voit aussi les limites. Peut-être pourrait-on agir autrement, en confiant la gestion des IJ aux partenaires sociaux, en créant une grande protection sociale professionnelle.
“Il faut lutter contre toutes les situations de rente, qui ont des effets sur les tarifs”
Quels gisements d’économies voyez-vous ?
Les économies en santé sont un sujet important. Il faut lutter contre toutes les situations de rente, lorsqu’on fait des gains de productivité. Je parle de la financiarisation, qu’on voit par exemple en radiologie. Il ne faut pas fixer des tarifs toujours plus bas ! C’est un non-sens, qui dégrade l’offre de soins. Il faut donc trouver une tarification qui ne compromette pas l’attractivité et ne nourrisse pas des situations de rentes injustifiées. Il faut que la tarification soit agile et qu’elle valorise les progrès médicaux. En biologie, il ne s’agit pas de pénaliser ou punir les laboratoires qui tirent des bénéfices, mais que la communauté nationale puisse bénéficier de ces investissements.
A contrario, faut-il, privilégier la quête de nouvelles recettes ?
Il y a de la marge ! Mais plutôt que de parler de recettes ayant un impact ponctuel, discutons de celles qu’on peut dégager chaque année. Concernant l’assurance-maladie, il est possible de redéployer des sources de financement, comme les exonérations d’assiette, les niches sociales, qui représentent 80 milliards d’euros. Il ne s’agit pas de tout remettre en cause, mais la marge est grande ! Ensuite, il faut lutter sans relâche contre la fraude sociale.
Mais je précise que cette question des nouvelles recettes ne doit pas conduire à céder à la facilité. On ne fait pas assez attention à la gestion du système actuel et la maîtrise des dépenses, alors que c’est possible. Enfin, je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut mettre en place une stratégie pluriannuelle sur la santé, gage de visibilité : une loi de programmation avec un volet concernant les objectifs et un volet sur le financement.
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