La dernière phase de la Grande conférence de santé s’est ouverte jeudi en fin d'après-midi, quelques minutes à peine après l’annonce du remaniement, qui a un peu parasité l'événement. Les restitutions des six tables ronde faites, Manuel Valls est entré dans l’hémicycle du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) pour conclure ce rendez-vous initié huit mois plus tôt. « Il faut dialoguer pour trouver ensemble des solutions », a affirmé le Premier Ministre, fustigeant la politique de la chaise vide et, par là, les syndicats de médecins libéraux dont les Assises se tenaient à quelques encablures. Soulignant que cette conférence intervenait dans un « contexte particulier », au lendemain du vote de la loi de santé, il a rappelé son objectif initial : redonner confiance aux professionnels de santé. Et plus encore aux médecins dont il souhaite que "chacun trouve sa place dans le système de santé".
Au-delà des récentes annonces faites à propos de la filière universitaire de médecine générale et dont il considère qu’elles vont contribuer à l’améliorer, le Premier ministre a affirmé que désormais « 100% des étudiants (devront) faire un stage chez un généraliste ». Plus encore, « le 2ème et le 3ème cycle doivent permettre d’avoir une vision plus large de la pratique réelle ». Outre la formation, Manuel Valls a également abordé le sujet des carrières des professionnels et indiqué souscrire à la proposition de l’Ordre des médecins de recertification. Reste à en déterminer les modalités, probablement indiquées dans « une feuille de route » qui devrait être très prochainement rendue publique. Mais la CSMF, dans un communiqué, a déjà indiqué qu'elle n'en voulait pas...
Ponctuant son discours de références à la nouvelle composition du gouvernement, Manuel Valls a réitéré son soutien à Marisol Touraine, maintenue au ministère de la Santé car il y a « besoin de continuité et de cohérence ».
Touraine annonce un vrai congé maternité pour les femmes secteur 1
Auparavant, à l'ouverture, Marisol Touraine a dit "entendre les inquiétudes" des professionnels de santé et souhaiter "faire évoluer" leurs conditions d’exercice et de formation. "Depuis quelques années, ce sont les professionnels eux-mêmes qui expriment dans leur diversité des inquiétudes, des interrogations sur l’avenir de leur métier. Des questionnements qui sont évidemment légitimes et que nous devons entendre", a-t-elle expliqué devant plus d'une centaine de personnes réunies au Palais d'Iéna.
Marisol Touraine en a profité pour annoncer la création de 40 postes supplémentaires de chefs de clinique en médecine générale dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2017, en plus de 40 déjà prévus en 2016. Elle a en outre confirmé la mise en place d'un "congé maternité en bonne et due forme" pour les femmes médecins exerçant en libéral en secteur 1 ou en secteur 2 et ayant conclu un contrat d'accès aux soins qui "aujourd’hui ne reçoivent pas d’indemnités journalières en dehors d'un forfait global, très loin des indemnités journalières". Plus de 3.000 euros par mois leure serait à l'avenir accordé pendant trois mois (en plus de l'actuelle allocation forfaitaire).
Bouet désigne trois objectifs pour demain
Pour sa part, adoptant un « langage de franchise », Patrick Bouet s’est exprimé ce matin « au nom de l’ensemble des médecins ». Saluant une « présence nombreuse », le président de l’Ordre a pointé « d’évidentes absences », les syndicats de médecins tenant au même moment leurs Assises de la médecine libérale de l’autre côté de la Seine. Dressant un « constat sévère, lourd de sens », il a rappelé l’existence, chez les professionnels, « d’une forte attente sur la place des médecins et les conditions dans lesquelles le système » va évoluer. Car « demain, de grands chantiers doivent s’ouvrir », considère Patrick Bouet. Regarder vers les territoires, revoir les parcours professionnels et adopter « une vision incisive du système de formation » en constituent, selon lui les trois priorités.
Pour les deux copilotes, l'heure est à l'anticipation
Préparer l’avenir du système et des professionnels de santé. Tel a été le leitmotiv des travaux menés depuis huit mois dans le cadre de la préparation de cette Grande conférence. « La prospective et l’anticipation s’imposent » d’autant plus que les temps de formation sont longs, souligne Anne-Marie Brocas, co-pilote de la préparation. « Il est indispensable de fixer un cap, de poser un cadre souple » et cohérent, construit dans la concertation, a-t-elle ajouté, soulignant que différentes générations de professionnels aux expériences diverses avaient pris part aux travaux.
De ceux-ci, Lionel Collet, second co-pilote, a retenu trois enjeux poursuivant le même objectif : « accompagner le progrès en santé ». Décloisonner s’impose comme le premier d’entre eux. Que ce soit pendant la formation en permettant de rapprocher les différents cursus ou au cours de la vie professionnelle, en laissant la possibilité aux professionnels de changer de mode d’exercice. Lionel Collet a noté qu’un deuxième enjeu tenait à l’adaptation. « Comment améliorer l’accessibilité des formations » au regard du numérique ou de la recherche, interroge-t-il. Ajoutant qu’il existait, en la matière des demandes spécifiques à la médecine générale : « adapter les moyens dédiés à l’encadrement de la formation ». L’adaptation concerne aussi celle des compétences… Et la proposition d’instaurer une recertification afin d’y répondre. D’ordre territorial, le dernier enjeu comporte les propositions d’un numerus clausus défini localement et une organisation de la répartition des professionnels afin « d’assurer à tous les patients un accès aux professionnels ».
Rive droite, les syndicats de libéraux se rassemblent, mais ne concluent pas
Pendant ce temps, sur l'autre rive de la Seine, les cinq principaux syndicats de médecins libéraux bien que boycottant la Grande conférence dialoguaient à distance avec le Premier Ministre. Lors de leurs "Assises de la médecine libérale", ils ont notamment demandé à ce qu’il y ait une cohérence entre les actes et le discours sur le virage ambulatoire et que le gouvernement s’engage à de réels investissements. En tout ils estiment à 15 milliards d’euros la somme à réallouer de l’hôpital vers la ville progressivement à raison de 1/1,5 milliards par an. Ils ont également demandé ce que le gouvernement comptait faire pour revaloriser la médecine libérale et pour modifier les études de médecine afin que les jeunes connaissent davantage l’exercice libéral.
Pour le reste, il faudra attendre un peu. Les syndicats ne présenteront leur plateforme commune que le 20 février mais ils voulaient d’ores et déjà évoquer certains grands axes sur lesquels ils sont d’accord. IHistoire par exemple d'expliquer qu’ils étaient prêts à s’engager dans les territoires : pour maintenir à domicile les personnes âgées, pour prendre en charge la prévention etc, mais à condition qu’on leur en donne les moyens et qu’on leur laisse le choix de s’organiser comme ils l’entendent. Ils avancent aussi des pistes pour trouver les économies nécessaires pour réinjecter de l’argent dans le virage ambulatoire, l’unification des régimes généraux d'assurance maladie par exemple. Ils réclament aussi l’amélioration de la protection sociale des médecins ou la révision de la maîtrise de stage pour faire sortir davantage les jeunes de l’hôpital.
En restant sur des terrains où il y a un consensus, le syndicats sont donc parvenus à montrer un front uni ce jeudi matin, mais rapidement lorsqu’il est question de revalorisations ou de signature de la convention, on sent que les dissensions ne sont pas loin...
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