« Le fait que ce texte introduisant des ratios patients par soignant à l’hôpital public voit le jour n’est pas un hasard ; le fait qu’il soit présenté pendant l’examen du budget Sécu n’en est pas un non plus », explique face aux journalistes la députée écologiste Sabrina Sebaihi ce mardi 29 octobre. L’élue des Hauts-de-Seine porte cette proposition de loi (PPL) pour « remettre de l’humain derrière les chiffres », autant du côté des malades, que des professionnels de santé.
Après avoir été adoptée le 1er février 2023 au Sénat, la proposition de loi (PPL) du sénateur le Dr Bernard Jomier (groupe socialiste, écologiste et républicain) relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé a été transmise au Palais Bourbon cet été. La dissolution de l’Assemblée nationale a de fait retardé son parcours législatif.
Des ratios définis par la HAS
Pour garantir la qualité des soins et des conditions d’exercice, le texte détaille qu’il serait défini, pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier, un ratio minimal de soignants par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires, défini par l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), pour une période maximale de cinq ans, entériné par décret.
Ce ratio servira à déterminer en priorité le nombre minimal d’infirmiers et d’aides-soignants de jour et de nuit présents et prévus en équivalents temps plein rémunérés (ETPR). Le tout, en tenant compte de la charge de soins liée à l’activité, qui distinguera les besoins spécifiques à la spécialisation et à la taille de l’établissement. Des ratios planchers pourraient être envisagés.
Un renversement de paradigme
Présent lors de la conférence de presse, le Dr Bernard Jomier a défendu l’ambition de son texte : « Inverser la logique d’économies pour d’abord privilégier la qualité et la sécurité des soins ». Et ce, même si cette proposition de loi est envisagée à moyen terme, puisque la HAS aura deux ans pour poser un cadre national, avant que chaque établissement ne l’adapte. « C’est un renversement de paradigme, que nous n’avons pas inventé à partir de nos petits cerveaux ! D’autres pays l’ont mis en œuvre et y ont trouvé un retour sur investissement et une amélioration des indicateurs de santé », explique le sénateur.
C’est en somme ce qu’ont appuyé les deux membres du Collectif inter-hôpitaux (association d’usagers et personnels de santé), présents aux aussi ce mardi, expliquant que le corpus de données scientifiques à ce sujet est pléthorique (300 études). Celui-ci montre notamment que la surmortalité hospitalière augmente entre 7 et 10 % par patient supplémentaire au-delà du ratio d’un infirmier pour 4 patients. De plus, rapportent-ils, « les infirmiers qui ont quitté l’hôpital pour l’intérim pointent en premier lieu les ratios, avant les conditions salariales ! » Il s’agit donc pour eux de les faire revenir, alors que 60 000 postes à l’hôpital demeurent vacants et que 10 ans après leur diplôme, la moitié des infirmiers jette l’éponge.
Un mouvement mondial global
Particulièrement prolixe, le porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) Thierry Amouroux a défendu corps et âme ce principe de ratio, déjà à l’œuvre en Californie (États-Unis), avec des effets positifs sur la santé des patients. De l’autre côté du globe, en Corée du Sud, narre-t-il, « c’est la mobilisation de l’opinion sur quelques scandales de morts injustifiées qui a obligé le gouvernement à introduire des ratios ». Il s’agit d’ailleurs d’un mouvement global, poursuit-il, puisqu’au-delà des pays qui les mettent en œuvre, d’autres les réclament, comme en Suisse.
De son côté, le député LFI Damien Maudet a appuyé sur « le point de consensus » que représente ce principe de ratio, citant comme exemples les cas d’une aide-soignante en Ehpad à Rennes devant gérer 30 résidents avec sa collègue ou d’une infirmière en médecine interne qui se retrouve face à 16 patients quand elle arrive à l’hôpital. Pour lui, c’est la preuve que cette proposition de loi est « un cap » à poursuivre, pour éviter d’autres morts sur les brancards à l’hôpital public.
Vers un examen en décembre
Côté calendrier, le texte, déjà déposé, est en attente d’examen, lequel aura peut-être lieu lors de la première semaine de décembre. Au plus tard, affirme Sabrina Sebaihi, la proposition de loi devrait être étudiée lors de la niche parlementaire du Parti socialiste (PS) prévue pour le 12 décembre, cette fois-ci portée par Guillaume Garot, leader du groupe transpartisan sur l’accès aux soins. L’objectif est bien d’aller « très vite, ne pas amender le texte pour voter conforme et ainsi éviter les navettes parlementaires », conclut la députée écologiste.
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