Restreindre ou supprimer l’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers sans-papiers aurait des « conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables », s’inquiètent huit anciens ministres de la Santé, dans une même tribune au Monde publiée jeudi 26 septembre. Aurélien Rousseau, Roselyne Bachelot, François Braun, Agnès Buzyn, Agnès Firmin Le Bodo, Marisol Touraine, Frédéric Valletoux et Olivier Véran sont les signataires de cette tribune.
« Affaiblir l’AME, c’est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives et donc plus graves et plus coûteuses », avancent ces personnalités issues de différents partis politiques, essentiellement du bloc central. Cette prise de position intervient alors que plusieurs ministres du gouvernement Barnier – en premier lieu le locataire de Beauvau Bruno Retailleau (LR) – se sont positionnés pour une transformation de l’AME en « aide médicale d'urgence », aux contours drastiquement réduits. Bruno Retailleau ayant aussi justifié cette mesure par sa volonté de réduire l’immigration.
« Toucher à l’aide médicale d’État va à rebours de la logique même des politiques de santé publique que nous avons mises en place »
Tribune de huit anciens ministres de la Santé
« L’AME ne constitue pas un facteur d’incitation à l’immigration dans notre pays, qui serait aux frais des Français. C’est un fantasme contraire aux faits », insistent les cosignataires, assurant que le dispositif se limite déjà à « un périmètre précis de soins ». « Toucher à l’aide médicale d’État va à rebours de la logique même des politiques de santé publique que nous avons mises en place », ajoutent-ils.
L’AME garantit aux étrangers en situation irrégulière la prise en charge gratuite de soins médicaux sous deux conditions : la résidence irrégulière continue en France depuis plus de trois mois et des ressources inférieures à un plafond 10 166 euros par an (soit 847 euros par mois).
1,2 milliard d’euros, soit 0,5 % des dépenses de santé
En 2024, l’enveloppe de l’AME (prévue par l’État et non pas dans le budget de la Sécurité sociale) s'établit à 1,2 milliard d'euros, soit environ 0,5 % des dépenses de santé. Fin 2023, on comptait 466 000 bénéficiaires de l’AME. Cette aide concerne les soins médicaux et dentaires, les médicaments remboursés, les frais d’analyses et d’hospitalisation, ainsi que ceux afférents à certaines vaccinations et certains dépistages, à la contraception et l’IVG.
Alors que le dossier est très sensible, Bruno Retailleau a laissé entendre cette semaine qu’il ne « s’interdisait pas de prendre, notamment par la voie réglementaire, un certain nombre de dispositions » sur le sujet, souvent brandi comme ligne rouge par le camp présidentiel.
La Pr Agnès Buzyn, ancienne ministre des Solidarités et de la Santé, a regretté ce vendredi sur France Info que l’AME soit utilisée « en permanence pour brosser un électorat dans le sens du poil », alors que « c'est un dispositif conçu intelligemment pour protéger la santé des gens et faire en sorte que ça ne nous coûte pas trop cher ».
Fin 2023, un rapport corédigé par Claude Evin (ancien ministre de la Santé) et Patrick Stefanini (spécialiste des questions d'immigration et ex-directeur de campagne de François Fillon) avait balayé une partie des fausses idées qui courent depuis la création de dispositif en 2000, expliquant que l’AME ne générait pas d’appel d'air migratoire (sans exclure toutefois la possibilité de la réformer à la marge).
De fait, selon Agnès Buzyn, la moitié des migrants en situation irrégulière « ne l’utilise d’ailleurs pas ». De surcroît, si l’AME était supprimée, une partie des personnes en situation irrégulière devraient aller tardivement aux urgences engorgées, alourdissant au passage le coût pour l’hôpital, explique-t-elle encore. Pour preuve, ajoute-t-elle, l’Espagne qui avait réformé ce dispositif l’a rétabli. « La politique de santé n’est pas de droite ou de gauche », conclut-elle.
Avec AFP
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