L’idée d’un plan de lutte contre l’infertilité semblait reportée aux calendes grecques. Le Président Emmanuel Macron l’a replacée au centre de ses annonces en matière de santé publique lors de son allocution télévisée du 16 janvier. Une manière de se placer du côté de la vie, en occultant les thématiques pourtant attendues, mais politiquement plus clivantes, de la fin de vie ou de la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
« Un grand plan de lutte contre ce fléau [qu’est l’infertilité] sera engagé pour permettre le réarmement démographique » de la France, a-t-il déclaré, non sans éviter l’amalgame entre infertilité et baisse de la natalité. Réclamé depuis des années par des pontes de l’assistance médicale à la procréation (AMP) comme le Pr René Frydman, le plan de lutte contre l’infertilité est inscrit dans la loi de bioéthique d’août 2021 et devait être lancé au printemps 2022. En février 2022, le Pr Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, et Salomé Berlioux, autrice d’un roman inspiré de son parcours d’AMP, avaient remis un rapport dessinant les contours d’une stratégie nationale. En France (comme dans la plupart des pays développés), un couple sur quatre en désir d’enfants ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai ; et 3,3 millions de Français seraient directement touchés par l’infertilité, tandis qu’une étude récente chiffre à 62,3 % la diminution du nombre total de spermatozoïdes ces quatre dernières décennies à l’échelle mondiale.
Alors que le nombre de naissances en 2023 est passé sous la barre symbolique des 700 000 pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le Président Macron a également annoncé la création d'un congé de naissance pour remplacer le congé parental actuel. « Il sera mieux rémunéré et permettra aux deux parents d'être auprès de leur enfant pendant six mois s'ils le souhaitent », a-t-il précisé, estimant que le congé actuel « crée beaucoup d’angoisse parce qu’il est extrêmement peu et mal rémunéré » (429 euros mensuels). Il sera aussi plus court que le dispositif existant qui peut s’étirer jusqu’à trois ans, et qui « éloigne beaucoup de femmes du marché du travail », a observé le chef de l'État.
Vers une régulation des écrans, à la lumière des données de la science
Autre annonce estampillée « jeunesse », Emmanuel Macron a indiqué avoir réuni la semaine dernière une commission d’experts chargés de rendre ses conclusions fin mars en matière de régulation des écrans. L’objectif : que « les meilleurs scientifiques, des épidémiologistes, des cliniciens, des sociologues, toutes les disciplines, puissent nous dire : avant tel âge, ça n'est pas raisonnable de mettre un écran devant un enfant ». « Il faut qu'on ait un consensus scientifique, que les scientifiques commencent à nous donner un plan et qu'on éclaire un débat public, qui viendra ensuite », a-t-il poursuivi.
Pour rappel, les derniers travaux menés à partir des données de la cohorte française Elfe montraient toute la complexité du problème. L’impact du temps passé devant un écran serait loin d’être prépondérant dans le développement d’un enfant, tant il se conjugue à d’autres facteurs de risque, en particulier les critères socio-familiaux.
Qu’importe, la Président n’a pas exclu des interdictions, voire des restrictions dans l’usage ou le contenu des écrans. Ce sujet « est très important pour la solidité de nos démocraties parce que si on a des adolescents et des futurs citoyens dont le rapport à la vérité a été mal bâti, en tout cas construit sur des réseaux sociaux où la différence entre la vérité et la contre-vérité n'était pas claire, bonjour la génération des complotistes », a encore déclaré Emmanuel Macron. « On a laissé beaucoup de familles sans mode d'emploi » , a-t-il déploré, rappelant les mesures mises en œuvre par ses précédents gouvernements, comme l'interdiction du portable au collège ou l'obligation d'installer un dispositif de contrôle parental sur les terminaux mis sur le marché français.
Une omission remarquée
En dépit des attentes ou inquiétudes qu’elle suscite, le Président de la République n’a pas évoqué l’aide active à mourir ni même la fin de vie au cours de ses 2 h 15 de prise de parole. Le remaniement ministériel et le départ d’Agnès Firmin Le Bodo, pilote du dossier, n’en finit pourtant pas d’interroger. Notamment sur le maintien du calendrier annoncé, qui voudrait qu’en janvier soit annoncée la stratégie décennale des soins palliatifs (sur la base du rapport Chauvin), puis en février, le projet de loi sur l’aide active à mourir.
Encore ce dimanche 14 janvier, des députés de tous bords, emmenés par le centriste Olivier Falorni, ont réclamé dans une lettre ouverte au Premier ministre Gabriel Attal, publiée dans La Tribune dimanche, l’ouverture de l’examen du texte dès février, juste après sa présentation en conseil des ministres. Ceci avec l’espoir d’aboutir au vote d’un texte fin 2024. « Le temps nécessaire a été pris pour travailler le sujet, notamment au sein d'une Convention citoyenne sur la fin de vie, et toutes les garanties sont désormais données pour entamer un débat ordonné et éclairé au Parlement » écrivent les représentants de neuf groupes politiques parlementaires (Modem, Renaissance, Horizon, LR, PS, LFI, Écologistes, PCF, Liot).
Lors de la passation de pouvoir, la nouvelle ministre de la Santé et du Travail Catherine Vautrin a assuré ne pas oublier « ce grand sujet de la fin de vie », sans en dire davantage. Sur les réseaux, le silence de Macron a été épinglé autant par les partisans du droit de mourir dans la dignité, comme Jean-Luc Romero, que les acteurs des soins palliatifs.
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier