Traitement AVC

Julien Gottsmann (Hôpital Rothschild) : Fin d'un remboursement, « une décision incompréhensible »

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Publié le 10/05/2023
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Crédit photo : DR

Comment réagissez-vous à la suppression, depuis le 1er mars, des cathéters de thrombo-aspiration de la liste en sus ?

Je ne comprends pas cette décision. Pourquoi vouloir réaliser des économies sur la prise en charge de l’AVC en phase aiguë alors que nous savons qu’il est la première cause de handicap acquis chez l’adulte ? Traiter un handicap au long cours ne sera-t-il pas beaucoup plus onéreux pour les patients, leur entourage et la société ? Par ailleurs, la thrombectomie mécanique s’est imposée comme l’indication de référence pour le traitement de l’AVC en phase aiguë ischémique. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé le déploiement de nouveaux sites sur l’ensemble du territoire. En Île-de-France, l’agence régionale de santé (ARS) évoque trois ou quatre nouveaux plateaux. Il est paradoxal d’inciter les hôpitaux à créer ces plateformes tout en réduisant le financement des interventions médicales…

Comment expliquez-vous que cette décision ministérielle n’ait pas été accompagnée d’une hausse de tarif de la prestation hospitalière ?

Là encore, c’est incompréhensible. Des transferts de la liste en sus vers les groupes homogènes de séjours (GHS) sont réalisés chaque année. Rappelons que la logique de cette liste est de recenser les équipements et les médicaments innovants qui sont très chers au début de leur commercialisation. Si les cathéters de trombo-aspiration répondaient à ce critère il y a une dizaine d’années, leur prix a régulièrement baissé depuis. Les sortir de la liste en sus n’est donc pas aberrant mais c’est la première fois qu’une telle décision ne s’accompagne pas d’un réajustement du tarif hospitalier.

Quel sera l’impact de cette décision pour l’hôpital que vous dirigez ?

Nous réalisons 300 thrombectomies par an. Ce retrait va donc nous coûter 1 500 euros par intervention, soit 450 000 euros de pertes par an. Nous avons le choix entre trois options : creuser le déficit ; contingenter nos prises en charge avec des risques de perte de chance pour les patients ou obtenir de nos fournisseurs une baisse de tarifs mais nous doutons de l’obtenir dans le contexte inflationniste que nous connaissons.

N’existe-t-il pas une alternative chirurgicale comme la pose de stents par exemple ?

Il est en effet possible de recourir aux stents retrievers mais la technique est plus ancienne et elle oblige à laisser une partie du matériel dans le cerveau alors que les cathéters de trombo-aspiration sont entièrement retirés.

De quelle manière allez-vous contester cette décision ?

Nous avons saisi le ministère de la Santé aux côtés de nombreux autres acteurs : la Société française de neuroradiologie, la Société française neurovasculaire, le Snitem (1), la Fehap (2), la Fédération hospitalière de France, ainsi que l’agence régionale de santé Île-de-France.

Suite à cette mobilisation, il semblerait que le gouvernement soit prêt à octroyer une enveloppe de compensation aux hôpitaux qui représenterait la moitié des surcoûts et s’inscrirait dans l’aide à la contractualisation des Migac (3). Mais d’une part, le compte n’y est pas et d’autre part, quelle est la logique de proposer une enveloppe forfaitaire alors que les coûts liés aux cathéters de thrombo-aspiration dépendent de l’activité ?

1- Syndicat national de l'industrie des technologies médicales.
2- Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires.
3- Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation.


Source : Décision Santé