Lors de cette nouvelle audition, il fut beaucoup question de l’article 28 de l’accord-cadre de 2021 (1), lequel permet au Comité économique des produits de santé (CEPS) d’accorder des hausses de prix à la demande d’un industriel dès lors qu’un risque important pèse sur la production ou la commercialisation d’un médicament. Le Leem ayant affirmé que le dispositif était « extrêmement peu utilisé », les sénateurs se sont interrogés sur son efficience. « Nous avons commencé à appliquer l’article 28 un peu avant la signature de l’accord-cadre et nous avons procédé à des augmentations d’ampleur et d’impact significatifs. Au-delà de l’examen au cas par cas, nous avons également décidé des hausses de prix pour des ensembles de classes thérapeutiques. Ce fut le cas pour les immunoglobulines, les héparines de bas poids moléculaire et les vaccins antigrippaux », a exprimé Philippe Bouyoux, président du CEPS.
Concrètement, lorsqu’un laboratoire dépose une demande de hausse de prix pour un produit qu’elle craint de devoir retirer du marché, le CEPS examine le risque en se basant sur la disponibilité de traitements similaires puis demande à l’entreprise de documenter le « choc de coûts » avant, en cas d’éligibilité, d’évaluer le montant de l’augmentation. « L’impact d’une relocalisation d’entreprise sur le coût d’un médicament peut aussi être pris en compte. L’alinéa 5 de l’article 28 prévoit par ailleurs que le CEPS peut décider d’une hausse, même lorsqu’il existe plusieurs comparateurs, au titre d’un motif de santé publique. Ce fut le cas pour les immunoglobulines et les vaccins par exemple », a complété Philippe Bouyoux, avant d’aborder « le changement de contexte macro-économique qui a conduit nombre d’entreprises à se tourner vers nous du fait de l’inflation or ce n’est pas pour répondre à cette situation qu’a été rédigé l’article 28 ». L’appel du gouvernement à faire preuve de davantage de flexibilité dans la mise en œuvre de l’accord-cadre a néanmoins conduit le CEPS à prendre en compte « un ensemble de coûts beaucoup plus larges » depuis février 2023 et à instruire un nombre plus élevé de dossiers (45 ont été déposés au cours des quatre derniers mois). « Toutefois, des entreprises ont clairement exprimé que la hausse que nous pourrions leur proposer ne suffira pas », a ajouté le Président du comité.
Quels atouts pour la relocalisation ?
Le deuxième grand sujet d’interrogation de la Commission d’enquête portait sur l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, lequel ouvre la possibilité de majorer le prix des médicaments dès lors qu’ils sont produits en France ou en Europe. Laurence Cohen, rapporteure de la Commission, a notamment demandé au CEPS de préciser dans quelle mesure les médicaments « matures » pourraient bénéficier de cette disposition. « La loi ne fait pas de distinction entre les produits. Celle-ci figure dans notre mode opératoire car nous appliquons effectivement cet article à des produits en primo-inscription. Pour les autres, le dispositif prévu par l’article 28 peut être plus avantageux », a expliqué Philippe Bouyoux.
La clause de sauvegarde en question
Enfin, la troisième thématique sur laquelle la Commission d’enquête souhaitait entendre le CEPS a concerné la clause de sauvegarde. « Elle est critiquée car elle ne tient compte ni de l’intérêt thérapeutique du médicament, ni de la criticité industrielle », a exprimé la sénatrice de Gironde Laurence Harribey. Mais ce sont d’autres difficultés que Philippe Bouyoux a tenu à mettre en lumière : « En juillet, nous communiquons traditionnellement aux entreprises la liste des classes qui peuvent être concernées par une baisse de prix, après avoir examiné, entre autres, leur ancienneté. Puis nous engageons des discussions en août. Le fait de déclencher la clause de sauvegarde dans des proportions de plus en plus importantes nous pose problème car l’incitation à négocier est plus faible. » Interrogé sur la mention de l’ancienneté - avant celle du service médical rendu -, le Président du CEPS a cité l’article L 162-16-4 du code de la Sécurité sociale qui définit les critères légaux de baisse de prix. « Le premier de ces sept critères est l’ancienneté de l’inscription de la spécialité concernée », a-t-il mentionné. Quant à la question de faire sortir les produits génériques de la clause de sauvegarde, Philippe Bouyoux a refusé de se positionner – « c’est un choix politique » - tout en regrettant « le boycott, par certains représentants d’entreprises, des discussions traditionnellement menées dans un cadre conventionnel ».
1. Accord-cadre du 5 mars 2021 conclu entre le Comité économique des produits de santé et les Entreprises du médicament.
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