Que signifie la politique de la faillite pour les hôpitaux publics ?
Lorsque je travaillais sur la SNCF en tant qu’étudiant, je m'étais aperçu que cette entreprise avait mis en place, dans la deuxième moitié des années 2000, un système de comptabilité permettant d’identifier les résultats de chacun de ces secteurs par branche d'activité. Cette objectivation a permis de mettre en lumière et de pointer du doigt les déficits de la branche fret d’une part et la forte rentabilité des grandes lignes voyageurs d’autre part. Mon livre sur l'hôpital (1) montre également qu’une situation déficitaire ou rentable ne dépend pas que des organisations en question mais aussi et surtout des règles économiques qui leur sont imposées. Tout dépend de la manière dont on procède au calcul et des conventions que l’on adopte pour les réaliser. En 2014, après quatre ans de travail sur l'hôpital, je me suis rendu compte que la T2A avait joué un rôle similaire pour les hôpitaux publics que la comptabilité par branche à la SNCF. Elle imposait à chaque établissement d'expliciter le montant de ses dépenses et de ses recettes. Certains établissements connaissent une situation rentable, liée à de bonnes pratiques de gestion mais qui sont aussi le résultat de situations antérieures du fait d'une sous-dotation avant la mise en œuvre de la T2A. Les recettes supplémentaires générées par la T2A conduisaient à la rentabilité. La mise en lumière du déficit chronique et de l'endettement de certains établissements est apparue comme la conséquence d'un dispositif qui conduit à reporter la responsabilité sur les établissements. C'est l’idée principale au cœur de ce numéro (2). En automatisant les recettes, non seulement vous allez être payés pour ce que vous faites − c'est le slogan qui a fait accepter la T2A − mais vous allez être responsable de l'état financier de votre établissement. Si vous êtes déficitaire, il y a un problème concernant vos coûts de production. Il y a une faute individuelle, vous ne pouvez plus blâmer la tutelle, c’est le sens de la politique de la faillite.
Sauf que les hôpitaux ne sont pas condamnés à la faillite.
C’est vrai et c’est précisément le but pour les gouvernants, fragiliser au plus haut point mais revenir à la rescousse en dernier ressort. Lorsque l'on compare tous les terrains que nous avons rassemblés ; hôpitaux, universités, collectivités, État, un paradoxe apparaît inhérent et consubstantiel à cette politique de la faillite. Cet ensemble ne fonctionne pas comme les entreprises de droit privé. Et n'a pas les mêmes missions sociales, sociétales. Le service public assume un certain nombre de droits inscrits juridiquement. Il n'est pas possible de fermer des établissements en invoquant le seul prétexte financier. Cette idée de la faillibilité est donc complexe. On ne peut pas dire que l'État depuis quarante ans cherche à pousser les entreprises publiques au déficit pour ensuite privatiser. Il y a une politique publique de long terme qui cherche à sélectionner les meilleurs et à pousser au bord du gouffre les plus fragiles, les moins pertinents économiquement parlant. Pour autant, la faillite n’est pas prononcée. Les structures publiques sont contraintes de restructurer leur offre. Certaines activités sont alors transférées à l’hôpital voisin. L’échec, enfin n’est plus imputable à l’État.
(1) Une santé qui compte, les coûts et les tarifs controversés de l’hôpital public, prix Le Monde de la recherche universitaire, Ed PUF 2016.
(2) Politiques de la faillite, Actes de la recherche en sciences sociales, mars 2018, N° 221-222.
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