« Il y aura un avant et un après-Coronavirus dans l'histoire de l'économie mondiale. Nous devons repenser la mondialisation et la relocalisation des activités stratégiques. On ne peut pas avoir 80 % de principes actifs dans un médicament qui sont produits à l'étranger, dont 40 % en Chine. Quand Sanofi annonce vouloir relocaliser une partie de sa production, je salue cette décision. » La sonnette d'alarme a été tirée par Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie sur France Inter le 9 mars dernier. Ces tensions sur le marché des médicaments sont signalées par l'Académie de pharmacie depuis 2011. Une quarantaine de fabricants sont localisés dans le Hubei, la province chinoise la plus touchée par le Covid-19. Au total, en plus des principes actifs cités par le ministre, ce sont 40 % des médicaments commercialisés en Europe qui sont issus d'usines situées en dehors de l'Union européenne.
Industrie pharma, pas (trop) inquiète
Pour autant, la majeure partie des laboratoires pharmaceutiques se veulent rassurants. Le 19 février, Sanofi annonçait que deux de ses trois usines implantées en Chine avaient déjà repris leur production. Le Leem, le 17 mars, explique suivre avec une vigilance extrême l'évolution de la situation. Selon le syndicat, « les entreprises disposent de sites de production back en Europe pour leurs médicaments ou ont des stocks pour faire face aux mesures de confinement ». Les génériqueurs indiens sont sans doute les plus inquiets. Ce qu'explique Bruno Bonnemain (Académie nationale de pharmacie) : « Ils ont alerté sur le risque de rupture de matières premières achetées en Chine. Les génériques étant des produits peu chers surtout sur la deuxième vague, les marges sont faibles et finissent par poser de réels problèmes d'investissement. »
Prix en baisse constante
Bruno Bonnemain attire aussi l’attention sur les prix jugés trop bas dans l’Hexagone, un problème majeur dû à la mondialisation du marché du médicament. Selon lui, « il n’existe aucune règle particulière sur les produits jugés indispensables, si bien que le CEPS continue de baisser les prix tout le temps, y compris sur ces produits qui ne sont déjà pas chers et plus assez rentables pour les entreprises qui les produisent ».
Suite à ce constat, l'Académie propose trois mesures principales à prendre d'urgence. Premièrement, il s'agit d'identifier les produits jugés indispensables dont il ne faut surtout pas modifier les prix. Deuzio, les prix de ces médicaments jugés importants ne devront pas être rectifiés non plus dans le cadre des appels d’offres à l'hôpital (cf. encadré achats hospitaliers).
Enfin, les Sages recommandent d’octroyer des aides à l’investissement ou des crédits d’impôts aux entrepreneurs qui réinvestiraient en Europe dans la production pharmaceutique (en particulier pour retravailler sur des procédés de production des matières premières compatibles avec les règles environnementales européennes). Ces trois coups de pouce sont selon l’Académie comme selon les auteurs du rapport du Sénat publié en juillet 2018 nécessaires à la relocalisation de la production.
La relocalisation, une priorité
Yves Daudigny, sénateur socialiste, un des deux auteurs du rapport, enfonce le clou : « Nous avons formulé plusieurs propositions précises dont la mise en place d'éxonérations fiscales ciblées ou le versement d'aides à l'embauche ayant pour objectif la relocalisation de sites de production de substances pharmaceutiques en France. La production de substances actives et de médicaments doit figurer clairement dans les priorités économiques et industrielles affirmées par le gouvernement. »
Quelle est la réponse des pouvoirs publics français ? Pour l'instant, « l'ANSM a demandé aux organisations représentatives des industries de santé d'identifier, pour les produits commercialisés en France, ceux dont la fabrication, en tout ou partie, est réalisée en Chine. »
Coordination ?
Conséquence, une première réunion en décembre 2019 (début du mois, soit un peu avant l'apparition de l'épidémie) a impliqué tous les acteurs concernés dans le cadre d'un groupe de coordination, faisant en cela suite aux actions du CSIS de juillet 2018. Un des objectifs de ce dernier était d'identifier les médicaments jugés indispensables. Ce "recensement" a déjà été réalisé avec l'Institut national du cancer. Mais mi-mars, en plein cœur de l'épidémie de coronavirus, la DGS n'a encore fourni aucun résultat probant. Autre axe de travail, la coordination avec les autres États au niveau européen doit être fortement fluidifiée.
Les premiers mouvements de l'Europe
À l'échelon européen, les lignes commencent à bouger. Le 10 mars dernier, l'Agence européenne du médicament (EMA) ne constatait « aucune pénurie de médicament à ce stade ». L'EMA annonce même l'exécution d'un comité exécutif regroupant elle-même, la Commission européenne et les autorités compétentes de chaque membre. Alors que n'étaient traités à son niveau que des produits en procédure centralisée, explique Bruno Bonnemain, « l'idée qui est en train de germer est que l'Agence européenne s'occuperait (aussi) de produits qui ne rentrent pas dans cette procédure ». Ce nouveau comité sera chargé d'identifier et de coordonner les actions européennes mises en place pour protéger les patients en cas de risque de pénurie et pour coordonner les actions nécessaires au niveau de l’Europe. Cette préconisation de mise en place d'une instance au niveau européen figurait déjà dans les deux rapports précités. Un autre obstacle, autrement plus important à franchir pour l'instance européenne, sera sans doute celui des vaccins. Car les calendriers vaccinaux sont tous différents d'un pays à l'autre et il existe un millier de présentations distinctes. « C'est un vrai casse-tête pour les laboratoires », déplore Bruno Bonnemain, plutôt pessimiste sur ce point : « Et les États ne sont pas encore prêts à modifier ce système. » En attendant cette harmonisation, le combat contre le Covid-19 se poursuit côté pharma. Leurs entreprises ont annoncé le lancement de plusieurs programmes de développement de vaccins contre le virus dans le cadre de consortiums publics/privés de recherche. L'objectif est de « fournir une séquence des gènes du virus pour permettre les tests cliniques en seize semaines et de soutenir financièrement les programmes de R&D sur les candidats vaccins ».
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