Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a démissionné du gouvernement Borne ce mercredi 20 décembre. L’intérim est assuré par Agnès Firmin Le Bodo, qui était jusqu’ici ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran en milieu de journée.
Merci aux équipes formidables de @Sante_Gouv. Je dois au Président de la République et la Première ministre l’immense honneur d’avoir servi la République dans ces fonctions. Merci à eux. Je souhaite le meilleur à @agnesfirmin, femme de talent et d’engagements ! pic.twitter.com/mTRLOEfpJz
— Aurélien Rousseau (@aur_rousseau) December 20, 2023
Cette décision soudaine fait suite à l'adoption de la loi immigration par l'Assemblée nationale, la veille au soir. Figure de l'aile gauche de la Macronie, Aurélien Rousseau avait annoncé dès mardi matin son intention de quitter son maroquin en guise de protestation. Rester au gouvernement signifiait pour lui, notamment, se charger de la réforme de l'aide médicale d'État (AME), repoussée à début 2024 et qui fracture la majorité. D'autres ministres avaient brandi la même menace sans qu'elle soit pour autant suivie d'effet. Seul l'ancien communiste est allé pour l'instant au bout de son idée.
Non sujet ?
La démission de ce ministre atypique a fait l'objet d'un pataquès médiatique, révélant les relations fraîches qu'il entretient de longue date avec la Première ministre, dont il a été le directeur de cabinet pendant un peu plus d'un an. Invitée ce mercredi matin sur France Inter, Élisabeth Borne avait pourtant affirmé sans détour que le président de la République « n’a pas reçu la démission » d'Aurélien Rousseau, qualifiée de « non sujet ». Ce recadrage a obligé ce dernier à confirmer lui-même une nouvelle fois son « intention de quitter le gouvernement » avant de boycotter ce qui fut son dernier conseil des ministres. Une démission fracassante, donc, pour un ministre issu de la gauche refusant d'assumer la droitisation du gouvernement Macron.
En juillet, sa nomination avait essuyé aussi son lot de critiques au regard de son mariage avec Marguerite Cazeneuve, la numéro deux de l'Assurance-maladie (Cnam). La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait alors mis quatre jours pour rejeter l'idée du conflit d’intérêts entre les fonctions des deux conjoints.
Barrage à gauche
Sous son habit d'énarque et de haut fonctionnaire, Aurélien Rousseau a tenu pendant ses cinq mois à la tête du ministère de la Santé à conserver sa liberté de ton et son parler vrai, dont il a fait sa marque de fabrique. Si fugace qu'il soit, son passage avenue Duquesne a été l'occasion pour lui d'imprimer sa marque sur plusieurs sujets de santé et de prévention et de (re)lancer des chantiers témoignant de sa coloration politique.
Rappelant volontiers son ancienne vie de professeur d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis, le ministre s'est d'abord illustré dans sa volonté de lutter contre les inégalités de santé. Lors de l'examen du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, il a émis de vives réserves face à la volonté de Bercy de doubler les franchises médicales. Son recadrage des complémentaires santé sur la hausse annoncée de 8 % de leurs cotisations l'an prochain ou encore sa mobilisation face à la pénurie de médicaments ont participé de la même envie de conserver un égal accès aux soins et aux médicaments pour tous. Élisabeth Borne voulait un « cogneur » pour remplacer François Braun, elle aura finalement été servie avec un ministre qui a affiché son désaccord majeur avec la nouvelle ligne du gouvernement.
Main de fer
Si Aurélien Rousseau a en partie hérité du travail amorcé par son prédécesseur, il a épicé à sa façon les grands chantiers en médecine de ville comme à l'hôpital.
Saluée par la profession, sa lettre de cadrage – plus courte et plus souple – de reprise des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux a œuvré comme une main de fer dans un gant de velours : revalorisation programmée du C mais pertinence des actes ; renfort du rôle du médecin traitant dans le parcours de santé mais prescriptions plus contrôlées. « C’est une convention de responsabilité où l’on va se dire les choses et mettre les chiffres sur la table », expliquait-il simplement au Quotidien en octobre.
À l'hôpital, il a également contribué à reprendre (enfin) le fil des discussions avec les syndicats de praticiens hospitaliers, au point mort depuis le mois de mai. La semaine dernière, deux groupes de travail avaient ouvert le bal sur la permanence des soins et l'encadrement du recours aux contrats de motif 2.
Alors qu'Agnès Firmin le Bodo s'apprête à reprendre temporairement le flambeau au ministère de la Santé, le Cévenol quitte Ségur sous une pluie fine… et de louanges adressées davantage pour son ultime geste politique de courage que pour l'ensemble de son œuvre, brutalement interrompue.
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