Le secteur de la pédopsychiatrie en France était déjà en difficulté et l’augmentation importante des troubles psychiques chez les enfants à partir de 10 ans et chez les adolescents avec la crise sanitaire n’a pas arrangé la situation.
Dans un rapport publié ce mardi 21 mars sur le sujet, la Cour des comptes estime à 1,6 million le nombre d’enfants et adolescents qui souffrent d’un trouble psychique. Dans son état des lieux, la Cour souligne que la moitié d’entre eux, entre 750 000 et 850 000, bénéficient annuellement de soins prodigués en pédopsychiatrie par des professionnels spécialisés selon différentes modalités.
Renforcer le rôle de porte d'entrée des généralistes
Ces dernières années, l’orientation vers un virage ambulatoire a conduit à supprimer des lits d’hospitalisation (diminution de 58,2 % entre 1986 et 2013) au profit d'une prise en charge dans les centres médico-psychologiques infantojuvéniles (CMP-IJ). Parallèlement le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 % entre 2010 et 2022, rendant « encore plus difficile l’accès aux soins psychiques infantojuvéniles », ajoute la Cour des comptes.
Dans son rapport, c’est particulièrement l’organisation du parcours de soins dans ce domaine que la Cour des comptes vise et propose de revoir. Le rapport explique que les professionnels libéraux, généralistes ou spécialistes, ne jouent pas encore suffisamment leur rôle de porte d’entrée dans le parcours de soins, parce qu’ils « méconnaissent encore trop les caractéristiques des troubles psychiques des enfants et des adolescents ».
Et les psychiatres libéraux sont majoritairement au service d’une patientèle adulte et ne participent pas à la permanence des soins, ajoute la Cour.
En conséquence, les CMP-IJ, « considérés comme « pivots » du secteur et porte d’entrée dans le parcours de soins, ont été progressivement submergés par les demandes d’information, de conseil, d’évaluation et de suivi, allant des troubles légers à sévères », souligne la Cour des comptes.
Saturée ces derniers n’arrivent donc pas à assurer en totalité leur mission de suivi des troubles psychiques les plus sévères. « Près de 50 % de leur travail consiste en effet à recevoir, pour des séances d’évaluation et d’orientation, des patients qui ne bénéficient pas ensuite d’un suivi au long cours (…) Bien qu’importante, cette mission d’accueil et d’évaluation limite leur capacité à assurer le suivi dans le temps des enfants qui en ont le plus besoin », détaille ainsi le rapport.
Améliorer la formation initiale et continue
La Cour des comptes fait donc plusieurs propositions pour réorganiser le secteur.
Pour elle, « les médecins traitants de l’enfant, généralistes et pédiatres, doivent être placés au cœur de l’accueil et de l’orientation des patients et ce pour améliorer le parcours de soins et sa gradation ».
À cet effet elle suggère donc de renforcer la formation initiale et continue de ces praticiens en psychologie et psychiatrie infantojuvénile, « en particulier sur le plan du dépistage et de l’orientation ».
Le rapport préconise aussi de s’appuyer davantage sur les psychologues libéraux « en nombre important et croissant » qui ont « vocation à prendre progressivement une place dans le parcours de soins ».
La Cour veut aussi développer la fonction d’infirmier en pratique avancée en santé mentale dans les établissements comme en libéral. « Comme les psychologues, ils sont des acteurs utiles à l’amélioration, capables de contribuer à alléger la pression sur l’offre de soins psychiques infantojuvéniles », note-t-elle.
Pour décharger les CMP-IJ, le rapport évoque la création par expérimentation de maisons de l’enfance et de l’adolescence pour « contribuer à assurer un accueil de première ligne plus efficace ».
« Dans ce paysage renouvelé, les CMP-IJ pourraient progressivement se consacrer au suivi des troubles modérés à sévères, à la coordination des parcours, en particulier lors d’une hospitalisation, et assurer pleinement leur rôle de centre d’expertise, notamment envers les professionnels libéraux », estime la Cour des comptes.
Pour limiter les passages aux urgences, le rapport incite à pourvoir chaque territoire de référence des dispositifs d’équipes mobiles et de liaison.
Enfin pour les hôpitaux, il préconise aussi un renforcement du nombre de lits de pédopsychiatrie mais « en nombre limité » et par « redéploiement de lits adultes ».
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