Les personnes bénéficiant de l’Aide médicale d’État (AME) coûtent-elles plus à la Sécu que les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire non contributive (CSS-NC) ? En plein débat national sur l’avenir de cette aide, supprimée par le Sénat dans le cadre du projet de loi immigration du gouvernement et en attendant les conclusions du rapport Évin-Stefanini, d’autres données factuelles viennent nourrir le débat.
Dans « Questions d’économie de la Santé » de décembre 2023, les chercheurs* de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et de l’Université de Bordeaux montrent que les deux populations ont des consommations voisines sur l’ensemble des postes de soins, à l’exception des postes bien couverts par la CSS-NC, mais en revanche peu couverts par l’AME, comme les soins dentaires et l’optique.
Les experts se sont appuyés, pour leur analyse portant uniquement sur les dépenses de ville, sur une étude sur 1 974 personnes, de structures par âges et sexe identiques, issues de deux cohortes administratives construites à partir des données de remboursement de 2018 de la caisse primaire d’assurance-maladie de Gironde.
Des états de santé dégradés
« Ces deux populations bénéficient en effet d’un niveau de couverture comparable sur la plus grande partie du panier de soins », écrivent les chercheurs. Lesquels précisent qu’elles ont toutes deux de faibles revenus, inférieurs à un plafond d’éligibilité identique. Elles « apparaissent en relatif mauvais état de santé » : dégradé par rapport au reste de la population pour les bénéficiaires de la CSS-NC, notamment pour les maladies cardiovasculaires, neurologiques, dégénératives et les affections de longue durée (ALD) ; et avec des prévalences élevées de maladies infectieuses, un mauvais état de santé mentale et fonctionnelle pour ceux qui bénéficient de l’AME.
En chiffres : 92,6 des bénéficiaires de l’AME et 92,5 % des bénéficiaires de la CSS-NC consomment des soins (au moins une dépense portée au remboursement sur l’année 2018). Les dépenses ambulatoires des bénéficiaires de l’AME s’élèvent à 1 194 euros, contre 1 436 euros pour ceux de la CSS-NC. « Cet écart s’explique par les niveaux de couverture très différents des soins dentaires et de l'optique », expliquent les chercheurs. En dehors de ces deux postes, les dépenses des bénéficiaires de l’AME s’élèvent à 1 139 euros contre 1 219 euros pour les bénéficiaires de la CSS-NC.
L’analyse par poste de consommation montre la même idée : « une forte proximité des profils, à l’exception des dépenses de soins dentaires et d’optique, beaucoup moins pris en charge par l’AME », rapporte l’étude. Chez les assurés qui consomment des soins, « les bénéficiaires de l’AME sont statistiquement significativement inférieures à celles des bénéficiaires de la CSS-NC pour les dépenses de soins chez les généralistes et chez les spécialistes, et statistiquement supérieures pour les dépenses de biologie », détaillent les chercheurs. Mais les taux de recours par poste de soins apparaissent eux très proches : au médecin généraliste 82 % pour les AME, 85 % pour les CSS-NC ; aux spécialistes 60 % vs 64 %.
De plus, l’analyse du nombre de contacts avec des professionnels de santé confirme la ressemblance des profils de consommation de soins. Quand ils consultent au moins une fois, les bénéficiaires de l’AME ont 6,3 contacts avec un médecin dans l’année, contre 7,3 parmi ceux de la CSS-NC.
*Solène Petit (Université de Bordeaux), Jérôme Wittwer (Université de Bordeaux), Paul Dourgnon (Irdes), Florence Jusot (Université Paris-Dauphine, PSL, Leda-Legos, Irdes), Antoine Marsaudon (Irdes)
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