Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025), un texte resserré de 32 articles, est marqué du sceau des économies, avec un « paquet » de mesures d’environ quatre milliards d’euros censées freiner la trajectoire naturelle des dépenses maladie. À l’inverse, pas de réformes de structure à l’horizon. « Ne nous voilons pas la face, la situation des finances publiques est grave », a expliqué Laurent Saint-Martin, ministre chargé du Budget et des Comptes publics lors de la présentation de ce projet. Zoom sur quatre mesures qui inquiètent la profession.
Dépenses : des Ondam (trop ?) serrés
Pour 2025, le gouvernement espère juguler le déficit du régime général à hauteur de 16 milliards d’euros (versus 18 milliards d’euros en 2024), en incluant les mesures de « freinage » du PLFSS. Cet objectif suppose quatre milliards d’euros d’économies (par rapport à la trajectoire naturelle des dépenses de santé). D’où un objectif national de dépenses maladie (Ondam général) limité à + 2,8 % l’an prochain, certes au-dessus de l’inflation mais en deçà du taux 2024 (+ 3,2 %). Le gouvernement fait valoir que cette progression signifie « neuf milliards d’euros supplémentaires » injectés dans le système de santé, mais ce taux impose des mesures de régulation à tous les étages (ville, hôpital et médicament). Les acteurs ne s’y sont pas trompés.
Si l’hôpital hérite (sur le papier) d’une progression de son enveloppe un peu supérieure (+ 3,1 %), la Fédération hospitalière de France (FHF) a dénoncé une croissance en trompe-l’œil. De fait, ce taux intègre 1,2 milliard d'euros de cotisations retraite du personnel hospitalier que le gouvernement entend imposer à la charge des hôpitaux employeurs. Et pour les soins de ville, le sous-objectif est arrêté à 2 %, ce qui n’autorisera guère de marge, même si cette évolution ne compromet pas les revalorisations programmées dans la convention. « La consultation passera bien à 30 euros en décembre et nous respecterons tous les engagements », rassure la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq, qui mentionne le déploiement des maisons de santé, de la télémédecine et des médicobus. Pas question de remettre en cause le virage ambulatoire, jure-t-on à Bercy.
Soins courants : un désengagement de la Sécu, à quel prix ?
Le PLFSS prévoit le transfert vers les complémentaires santé d’une fraction significative des remboursements Sécu sur les consultations des médecins et des sages-femmes (pour une économie de 1,1 milliard d’euros). Si le passage du ticket modérateur de « 30 % à 40 % » a été évoqué, les modalités de cette réforme, à fixer par voie réglementaire, ne sont pas encore arrêtées. L’exécutif discutera avec les mutuelles et assurances pour que les (très probables) hausses de cotisations répercutées soient « le plus a minima possible ».
Il n’empêche : la hausse du ticket modérateur accélère le transfert des soins courants et du « petit risque » vers les complémentaires (et donc le recentrage du régime obligatoire sur les ALD), un glissement qui interroge directement la profession. MG France dénonce un « leurre coûteux et dangereux ». L’UFML-S critique « une folie » qui ouvre la voie aux « réseaux de soins fermés » sous la houlette des mutuelles et des assureurs.
Tarifs : épée de Damoclès sur l’imagerie et la biologie
Ces deux spécialités sont une nouvelle fois mises à contribution au prétexte de la « pertinence médicale » des actes. Pour la seule année 2025, Bercy réclame une économie de 300 millions d’euros « dans le champ de la biologie, de la radiologie et de l’imagerie médicale ». Comment ? En inscrivant dans la loi des engagements « pluriannuels » (objectifs quantitatifs, suivi et mesures correctrices) dans ces deux secteurs « plus financiarisés » que les autres et où les dépenses sont très dynamiques. À défaut d'accords de maîtrise dans un délai fixé, ou en cas de non-respect, la loi autorisera le directeur de la Cnam à procéder « unilatéralement » à des baisses de tarifs. Et sans plus attendre, le PLFSS programme 300 millions d’euros d’économies sur les dépenses d’imagerie médicale pour la période 2025-2027 (à négocier d’ici au 30 avril 2025 ou, à défaut, sous forme de baisses de tarifs des forfaits techniques et des actes). Furieuse, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) juge que ce verrou « comptable » bafoue les règles conventionnelles. L’intersyndicale des Libéraux de santé (LDS) y voit une « remise en cause inacceptable » du pacte conventionnel.
Prescriptions : le retour de la paperasse ?
Le PLFSS élargit un dispositif d’« accompagnement des prescripteurs » qui permet de s’assurer a priori de la pertinence de certaines prescriptions. « Le prescripteur sera immédiatement informé si une prescription n’est pas conforme et elle ne pourra pas être remboursée », peut-on lire. Jusqu’à présent, la loi Sécu 2024 prévoyait cette procédure uniquement pour les médicaments et les dispositifs médicaux. Désormais, analyses, imagerie ou transports sont visés. Concrètement, le projet de loi conditionne certains remboursements à la présentation par le patient d’un formulaire dédié (téléservice ou papier) établi par le prescripteur, indiquant que la prescription respecte les indications et recommandations de bonnes pratiques requises. À la clé, le risque d’une charge administrative supplémentaire… La CSMF appelle le ministère de la Santé à « ne pas complexifier l'exercice quotidien » des médecins libéraux.
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