Le rapport sur la lutte contre les fraudes sociales a été publié ce mercredi 25 septembre 2024. Commandé en juin 2023 par l’ex-Première ministre Élisabeth Borne, le travail mené par le président du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), Dominique Libault, dresse un état des lieux et suggère 81 mesures pour mieux contrôler les abus.
La répartition de la fraude sociale par grande famille économique, en termes de montants évalués, place devant en majorité (56 %) les entreprises et les travailleurs indépendants, puis les assurés (34 %). Les professionnels de santé au sens large (paramédicaux, médecins, transporteurs, laboratoires, etc.) représentent 10 %.
La répartition de l’évaluation de la fraude entre branches concerne à 13 % la Caisse nationale de l'Assurance-maladie, loin derrière la Caisse nationale d’allocations familiales (30 %), et surtout l’Urssaf (53 %). Suivent, de façon plus anecdotique, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (3 %) et France Travail (1 %).
Le HCFiPS souhaite insister sur la « vision globale » qui doit présider à l’appréciation des chiffres de la fraude. « La fraude sociale est souvent réduite à la fraude au RSA ou à la fraude à la résidence, ce qui tend à nourrir un discours “anti-pauvres”, lit-on dans le rapport. ll convient de repositionner le sujet, en appréhendant l’ensemble des sources de fraudes (assurés sociaux, professionnels de santé, entreprises et travailleurs indépendants) ».
Il convient également, insistent les experts, de se souvenir que « l’immense majorité des entreprises, assurés sociaux et des professionnels de santé respectent le “contrat social” de la solidarité nationale. Les fraudeurs restent très minoritaires ».
Les généralistes à l’origine de 200 millions d’euros de fraude
L’évaluation statistique de la fraude sociale globale, réalisée à partir de contrôles aléatoires notamment, la situerait à hauteur de 13 milliards par an. Dans le détail, le rapport relève que les infirmiers seraient à l’origine de 340 millions d’euros de fraudes évaluées, les médecins généralistes de 200 millions d’euros et les médecins spécialistes de 180 millions d’euros.
Mais ces chiffres, sortes de « potentiel théorique » sont à prendre avec des pincettes, tient à préciser le président du HCFiPS, en raison de nombreuses « incomplétudes ». En effet, les montants recouvrés sont très en deçà des montants évalués et ce, malgré un fort investissement des organismes. Les chiffres factuels sont les suivants : les fraudes sociales détectées et stoppées représentent 2,1 milliards, dont 500 millions évités ; enfin, 600 millions ont été recouvrés.
Dominique Libault note parfois des normes juridiques mal construites ou trop permissives, lesquelles ont permis, par exemple, les dérives dans l’audioprothèse, dans le cadre du « 100 % santé ». Concernant la santé, les établissements de santé et le médico-social sont des pistes d’évaluation à venir, selon le président du HCFiPS. Il convient aussi, selon lui, d’améliorer les processus de gestion, pour accroître la fiabilité des données, comme c’est le cas avec l’ordonnance électronique. Plus largement, sont évoqués les abus d’acteurs de la financiarisation ou l’opacité du darkweb…
Lutter contre les fraudes, pas la panacée pour la dette
L’objectif est bien d’éviter des pertes financières, même si, pointe-t-il, « même en intensifiant la lutte contre la fraude, il est irraisonnable de croire que cela va rétablir les comptes de la Sécurité sociale ». Cela contribue toutefois, dans une moindre mesure, à la réduction du déficit. Mais là n’est pas la seule ambition pointée par le rapport : il convient également d’éviter les distorsions économiques et sociales (garantir la concurrence chez les entreprises et éviter les inégalités entre assurés) et de garantir les droits des personnes et la confiance dans le système.
Dans ses nombreuses recommandations, le HCFiPS enjoint également à mettre en place une gouvernance capable de mener des actions à 360 degrés, de concilier efficacité et non-discrimination, mais aussi d’accompagner et responsabiliser assurés et professionnels de santé. « Un sujet de forte vigilance », note Dominique Libault.
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