Est-il vraiment possible d’être déçu par un « budget de paramètres » ? Le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint Martin, avait en tout cas assumé dès le 16 octobre le peu d’ambition réformatrice du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025), concocté dans des délais très serrés et dans un contexte de tripartition de l’Assemblée nationale, rendant les votes incertains, faute de majoritaire claire.
En attendant le passage au Sénat, l’examen du texte par les députés (en commission puis en séance publique) a confirmé le caractère extrêmement atypique de cet exercice, en raison à la fois du contenu du projet de loi et de la forme chaotique des débats.
Sur le fond, de nombreux députés (tous bords confondus) ont regretté l’approche « court-termiste » d’un budget construit principalement pour freiner rapidement les dépenses maladie, avec quatre à cinq milliards d’euros d’économies à trouver sur la santé l’an prochain (par rapport à la trajectoire naturelle). Alors que les besoins en santé ne cessent d’augmenter, que les hôpitaux connaissent des déficits inédits et que le secteur des soins de ville réclame aussi les moyens de sa réorganisation, les débats ont davantage porté sur la hausse du ticket modérateur ou l’éventuel tour de vis sur les arrêts maladie. « Face à la situation catastrophique des comptes sociaux, le début de solution a été d’abord de dépenser moins et mieux, décrypte, fataliste, le Pr Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine et chef du service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP). Mais ne soyons pas hypocrites : nous savons depuis toujours que le PLFSS n’est pas le bon outil de création d’une politique de santé, qui nécessite une vision en longueur. Vous imaginez bien, par exemple, que le plan sur la santé mentale ne doit pas être seulement construit pour 2025… »
Des amendements non débattus
Mais cette année particulièrement, les contraintes politiques et budgétaires ont conduit plusieurs dossiers à être escamotés. Pourtant centrale, la question de la désertification médicale n’a été abordée que de façon indirecte, en marge des discussions. Des amendements issus du groupe transpartisan mené par le député socialiste Guillaume Garot ou de l’élu des Côtes-d’Armor Corentin Le Fur (LR) ambitionnaient pourtant de rouvrir le débat sur l’accès aux soins en proposant une régulation à l’installation des médecins dans les zones jugées suffisamment pourvues, conditionnées par le départ d’un praticien de la même spécialité ; mais ils n’auront pas été débattus puisque considérés comme des « cavaliers sociaux », sans rapport avec un texte budgétaire, et donc irrecevables.
La question centrale de la désertification médicale n’a été abordée que de façon indirecte, en marge
Même sentiment d’inachevé sur la santé mentale, pourtant annoncée grande cause du quinquennat par le Premier ministre Michel Barnier : aucun article spécifique de la copie originale n’y fait référence directement.
Vers une future loi de santé
Pour autant, les députés ont été, eux, forces de proposition, en commission ou séance : soutien appuyé au cumul emploi-retraite des praticiens, encadrement de l’intérim paramédical, amélioration de l’attractivité financière des études de médecine, suppression de certificats administratifs, taxes comportementales, notamment sur le sucre, ou encore délégations de tâches pour les infirmiers… Reste à savoir ce qu’il restera de ces initiatives à l’issue d’un parcours parlementaire qui demeure très incertain.
Autre facteur de frustration : alors que de très nombreux acteurs (élus, industriels du médicament, fédérations hospitalières, libéraux de santé) soulignent désormais la nécessité d’une « loi de programmation pluriannuelle » en santé pour définir les objectifs et les moyens sur un horizon de plusieurs années, le PLFSS n’a pas éclairci l’horizon sur ce point. Dans ses interventions, la ministre, Geneviève Darrieussecq, a du moins évoqué une future loi de santé, sans en préciser les contours. Pour quand ? Au Quotidien, le député de la Sarthe Jean-Carles Grelier (Les Démocrates) confie que Michel Barnier lui a bien confirmé son souhait d’avancer sur cette voie. « Un certain nombre de mesures auraient pu figurer dans ce PLFSS, comme la départementalisation de la formation des médecins ou des expérimentations dites “article 51” qui auraient pu être généralisées, explique-t-il. Mais le texte s’est écrit très vite, avec une ministre arrivée dans l’urgence ! Oui, il manque de vision et d’ambition, d’où l’intérêt de produire, en parallèle, une loi d’orientation en santé. »
Confusion et surenchères
À ces frustrations sur le fond s’est ajoutée une illisibilité complète sur la forme, au sein d’un hémicycle morcelé comme jamais. Des majorités de circonstance ont abouti à des surenchères de taxes sur les milliardaires, les superprofits ou les dividendes. La partie recettes du PLFSS, totalement remaniée, a été adoptée à la surprise générale grâce à la gauche cette semaine, introduisant 17 à 20 milliards de cotisations supplémentaires, contre l’avis des macronistes et de la droite… À l’inverse, quelques jours plus tôt, les députés avaient rejeté à l’unanimité l’ensemble du budget de la Sécu en commission des Affaires sociales. Signe de la confusion extrême des débats, le rapporteur général du PLFSS Yannick Neuder, pourtant issu de la droite républicaine, a donné un avis favorable à la « suppression » de l’Ondam 2025 (objectif national des dépenses maladie) pour « envoyer un message » au gouvernement dont le chef, Michel Barnier, est de la même famille politique. Une autre fronde des élus de droite et du centre a conduit à retoquer la hausse des cotisations patronales, pourtant voulue par la coalition gouvernementale…
Un projet de loi lunaire car il échappe à ceux qui le défendent
Jérôme Guedj, député socialiste
Un joyeux bazar ? « C’est un PLFSS lunaire à tous points de vue car il échappe à ceux qui le défendent, ministres comme rapporteur général, grince le député PS Jérôme Guedj, joint par Le Quotidien entre deux séances. C’est le pire travers de l’exercice, qui n’est que comptable, sans aucune mesure systémique. Et nous l’avons examiné avec l’idée vaine que cela se finirait en 49.3… », permettant à l’exécutif de garder la main sur l’ensemble du texte.
De fait, le parcours parlementaire risque de se poursuivre dans le brouillard au sein de la Haute Assemblée. La commission des affaires sociales du Sénat se réunira à son tour le 13 novembre sur le PLFSS – les débats étant prévus en séance à partir du lundi 18 novembre, avant éventuelle commission mixte paritaire, dernier vote devant chaque chambre… et probable 49.3 final.
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