Faudrait-il créer une rubrique Europe dans les journaux médicaux ? L’idée hier aurait paru au mieux risible, au pire ridicule. L’Europe de la santé relevait alors de l’incantation. Et l’on regardait avec sympathie les pseudo-prophètes qui annonçaient un avenir brillant. Comment y croire alors que le champ d’intervention était très limité pour la Commission. Une pandémie plus tard, la santé est érigée comme une thématique prioritaire, le porte-étendard des valeurs européennes. Mais comment concilier des forces contraires sur un sujet a priori consensuel ? Chaque citoyen européen aspire à une égalité parfaite en matière d’accès à l’innovation. En réalité, le patient allemand est plus égal que d’autres, au hasard le malade bulgare, pour être traité par le dernier anticorps monoclonal qui vient d’être mis sur le marché. Pour paraphraser André Malraux, la recherche pharmaceutique est possiblement un art mais c’est aussi une industrie. Le paquet médicament concocté par Bruxelles après de longs mois de négociations intenses, en témoigne. La mesure principale est d’assurer un même accès aux citoyens des 27 pays européens quel que soit leur niveau de vie. Pour atteindre cet objectif, la Commission entend moduler la durée de protection des brevets détenue par l’industrie pharma. Et privilégie cette fois les patients au lieu du marché. Sauf que les leaders européens ne sont pas au mieux de leur forme. Et lancent des menaces à peine voilées sur leur départ du Vieux Continent. L’EFPIA, l’équivalent du Leem au niveau européen, a résumé le projet en décrivant « un risque de sabotage de l’industrie des sciences de la vie en Europe ».
Au même moment, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen qui brigue un second mandat est engluée dans l’affaire des SMS échangés avec le patron de Pfizer. Présenté comme l’acte de baptême de l’Europe de la santé, le contrat du siècle des vaccins contre le SARS-CoV-2 relève désormais du feuilleton au parfum de scandale. Mauvaise chute pour une histoire qui devait s’écrire en lettres d’or.
Mais le désir d’Europe est encore palpable, même lorsque le divorce a été acté. Dans une enquête de GlobalData*, 60 % des personnes interrogées au Royaume-Uni estiment que le Brexit a eu un effet plus dommageable sur le secteur de la santé britannique que la pandémie de Covid-19, l’inflation ou la guerre russo-ukrainienne. L’Union des 27 n’en finit pas d’inspirer des passions tristes ou joyeuses avec parfois au programme un retour de flamme inattendu. À la place d’une rubrique, il y aurait en fait de la matière pour une série Netflix. Qui pense encore que l’Europe est ennuyeuse ?
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