New York, Barcelone, Lausanne… Non, MG France ne planifie pas un voyage pour ses syndiqués, mais s’interroge sur la place du médecin généraliste à l’international ! Exercice en groupe, recrutement de secrétaires, assistants, infirmiers… Dans une vidéo réalisée par le syndicat et diffusée lors de son colloque le 26 janvier dernier, tour à tour des omnipraticiens étrangers racontent leur mode d'exercice en équipes de soins de proximité. Un exemple à suivre ?
Tous les professionnels au même endroit !
Le Dr Conor Maguire, installé à Dublin (Irlande) témoigne. Dans sa structure, ils sont six médecins généralistes, une infirmière, deux réceptionnistes et un manager. « Tout le monde est égal, chacun a ses responsabilités. » Même si « c’est toujours le médecin qui décide au final », pour les ordonnances, notamment. L’infirmière reçoit les patients seule et si elle a le moindre doute, elle s'adresse à un des médecins présents dans la structure, « même cinq à dix fois par jour », précise l’omnipraticien irlandais. Des réunions ont lieu chaque jour, sur place, pour échanger sur les patients etc. D’où l’importance d’être « tous sur le même lieu de travail », commente le Dr Jacques Battistoni, qui a coordonné le colloque de MG France.
Ce que le Dr Nicolas Senn, chercheur en médecine familiale et chef du département éponyme Unisanté à Lausanne (Suisse), dit lui aussi, insistant sur « l’unité de lieu ». Ce ne doit pas être « juste un réseau virtuel à distance ». Le seul autre professionnel dans les cabinets est l’assistant médical, « ressource essentielle » et « historique » en Suisse : comptabilité, prises de rendez-vous, soins de base, etc., en moyenne, chaque cabinet helvétique emploie un assistant médical à plein temps par médecin.
Des énormes centres de santé
Le Dr Carlos Brotons est généraliste à Barcelone (Espagne) dans un centre de santé, où une équipe de médecins travaille le matin et l’autre l’après-midi. Le centre a un effectif pléthorique : onze généralistes, trois pédiatres, huit infirmiers, deux managers (un pour les médecins, un pour les infirmières) et un travailleur social. Il compte aussi un centre dentaire, une unité de recherche intégrée et un centre administratif avec onze employés. « Tous les patients sont assignés à un médecin et à un infirmier », indique-t-il. Ces derniers travaillent ensemble dans la prise en charge des patients en équipe, ce qui est pratique notamment pour les maladies chroniques, explique le généraliste.
Au Québec, les praticiens voient les choses en plus grand encore ! Le Dr Catherine Turcot est installée à Montréal (Canada) dans un groupe de médecine de famille (GMF), où le budget alloué par l’État est calculé en fonction des paliers du nombre de patients inscrits à la clinique. En moyenne, ces GMF concentrent six à dix médecins. Dans sa structure, la praticienne, elle, travaille avec… 47 médecins généralistes, six infirmières auxiliaires, neuf infirmières cliniciennes, huit infirmières en pratique spécialisée, deux pédiatres, un kinésithérapeute, deux pharmaciens et trois travailleurs sociaux ! Le Dr Turcot travaille en collaboration avec son infirmière clinicienne avec qui elle fait « des suivis conjoints comme pour les maladies chroniques ». Elles utilisent des « ordonnances collectives pour faire l’ajustement de la médication », c’est-à-dire, des documents qui précisent pour un diagnostic ou problème « x » quel est le médicament à prescrire et pour combien de temps. Les infirmières en pratiques avancées peuvent, elles, prescrire.
Au Royaume-Uni, la tendance est elle aussi au regroupement des médecins, comme l’explique le Pr Richard Hobbs, qui dirige le département de soins primaires à l’université d’Oxford (Angleterre), après avoir exercé en cabinet pendant 38 ans. « Très peu de cabinets n’emploient pas au moins un infirmier », raconte-t-il. Certaines font des consultations, beaucoup suivent les maladies chroniques, mais également la prévention, notamment des maladies sexuellement transmissibles (MST), indique le Pr Hobbs. Le généraliste raconte aussi que si l’on s’intéresse aux « études contrôlées randomisées sur les différentes façons d’assurer les soins, aucune ne suggère une diminution de la charge de travail. En revanche, elles suggèrent que votre charge de travail sera plus équilibrée, plus raisonnable, en l’étalant mieux sur une journée en partageant le travail entre les différents praticiens. Plus durable, en somme, et plus probable, de la sorte, d’arriver à des soins de qualité ».
Travailler avec les paramédicaux sans rivalité
Mais tous les généralistes ne sont pas logés à la même enseigne. Dans son cabinet, le Dr Ilaria Rosselo, installée à Montecosaro (Italie) embauche, à ses frais, une secrétaire, qui n’a pas de formation médicale mais qu’elle a « formée » à des actes simples, comme le triage, le repérage d’urgences, etc. Elle aimerait embaucher un infirmier, mais elle n’a pas de budgetpour cela.
De l’autre côté de l’Atlantique, le Dr Albert Levy est médecin de famille à New York (États-Unis) dans son cabinet privé. Il emploie un manager, deux réceptionnistes, un « physician assistant » (professionnel de santé niveau bac + 5 en médecine, qui a le droit de diagnostiquer et de prescrire, ndlr) et une infirmière en pratique avancée. Ces dernières ont été vues, pendant un temps, par les médecins comme une concurrence, mais ils se sont rendu compte qu’il fallait « faire avec elles ». Ils emploient également un « scribe », soit une personne qui écrit ce que le patient et le médecin se disent. « Je ne peux pas travailler tout seul, ce n’est pas possible, affirme le généraliste. C’est l’équipe qui fait que j’ai une bonne réputation, pas moi seulement. Nous travaillons ensemble ! »
Les mêmes problèmes partout ?
Mais plus que de montrer ce qui marche, la vidéo pointe également les problèmes similaires dans tous les pays, par rapport à la démographie médicale, en chute libre, ou encore les sous-investissements en santé qui durent depuis des décennies. Si la taille des populations diffère, il manquerait donc 1 000 généralistes au Canada, entre 1 000 et 1 800 en Irlande et… 50 000 aux États-Unis ! En France, il en manquerait autour de 6 000. « Ce qui nous rapproche de ces autres pays, c’est que nous n’avons pas assez investi dans les soins primaires, alors même que l’OMS le recommande… Notre objectif était de convaincre les pouvoirs publics qu’il y a des raisons à cet investissement et que nous avons, à MG France, des idées ! », justifie presque le Dr Battistoni.
Quid du financement de toutes ces structures ? « C’est un choix de ne pas traiter les aspects économiques dans cette vidéo. Justement, c’est l’un des sujets encore à explorer pour nous en France, à l’instar du surcoût de l’équipe de soins : qui le financerait et comment ; ou encore la définition des périmètres de ces professions paramédicales », interroge le Dr Battistoni. D’autant plus que tous ces systèmes de santé ne sont pas comparables stricto sensu. Par exemple, une consultation coûte entre 75 et 150 dollars aux États-Unis, quand elle est à 25 euros en France ; avec une prise en charge assurantielle totalement différente.
Inventer un modèle différent
« En Suisse, la rémunération est la même pour tous les médecins, peu importe le nombre de patients vus en consultation, ce qui crée une iniquité… », ajoute le Dr Battistoni. Et c’est l’inverse en Irlande, où l’État verse une somme forfaitaire chaque fin d’année aux médecins, basée sur le nombre de patients enregistrés dans son cabinet, avec des critères d’âge. Le forfait comprend également un supplément pour les secrétaires et infirmiers mais ne couvre pas la totalité de leurs salaires. De même, il est question dans d’autres pays d’un poste de manager… kézako ? « C’est celui qui pilote l’équipe, le directeur général en quelque sorte. Celui qui traite les questions de ressources humaines et de logistique », explique le Dr Battistoni. Ce qui pourrait s’apparenter – mais pas totalement, tient à préciser le générliste – au métier de coordonnateur de MSP ou de CPTS.
« L’enseignement principal à tirer de tout cela est qu’il y aura un modèle spécifique à la France à créer et il sera forcément différent de tous les autres ! », conclut l’ancien président du premier syndicat de généralistes dans l’Hexagone, résolument décidé à aller de l’avant.
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