Assurance maladie

Médecins forts prescripteurs d'arrêts de travail : pourquoi les syndicats conseillent de refuser la mise sous objectif (MSO)

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Publié le 19/06/2023
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Ces derniers jours, plus d'un millier de généralistes ont été contactés par leur CPAM pour les informer qu'ils présentaient des niveaux de prescriptions d'arrêts de travail anormalement élevés, leur proposant, de ce fait, la mise sous objectif (MSO). Une procédure que les syndicats déconseillent fortement d'accepter, à l'instar du Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, responsable de la cellule juridique de la FMF.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Dans le cadre de sa nouvelle campagne destinée à identifier les médecins « forts prescripteurs » d'arrêts de travail, la Cnam a contacté plus de 1 000 généralistes pour leur proposer une procédure de mise sous objectif (MSO).

En acceptant cette procédure, le médecin s'engage à « atteindre un objectif de réduction de ses prescriptions dans un certain délai » sans quoi des pénalités financières peuvent lui être réclamées.

Refuser la MSO

Dans le cadre de cette nouvelle campagne destinée à limiter la hausse des dépenses d'indemnités journalières (IJ), le délai d’observation pour la MSO a été fixé à six mois par l’Assurance maladie.

Les médecins qui acceptent cette procédure seront donc placés sous objectifs du 1er septembre 2023 au 29 février 2024, et disposeront de six mois pour rentrer dans les clous, indique le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, responsable de la cellule juridique de la FMF qui a assisté à une bilatérale avec les services de la Cnam, jeudi 15 juin.

Si les objectifs ne sont pas atteints (ce qui est généralement le cas d’après le Dr Garrigou-Grandchamp) la sanction encourue correspond à deux fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale (soit environ 7 000 euros, ndlr).

C’est pourquoi, comme l’ensemble des syndicats, le généraliste retraité appelle ses confrères à refuser catégoriquement cette mise sous objectifs qui revient à « reconnaître des prescriptions abusives ».

« En acceptant une MSO, le médecin reconnaît qu’il y a eu des abus et n’a aucun moyen de se défendre. Il a par ailleurs de grandes chances d’être sanctionné financièrement à la fin car on ne peut pas réduire ses prescriptions d’arrêts de travail en un coup de baguette magique », souligne-t-il.

Les médecins concernés par une proposition de MSO, qui ont déjà dû être contactés par leur CPAM, devraient recevoir une lettre recommandée les informant d’une proposition de MSO. « Attention, celles-ci peuvent être envoyées pendant les vacances, il faut donc être vigilant », met en garde le Dr Garrigou-Grandchamp.

Car si le médecin ne retire pas sa lettre et qu’il ne conteste pas la MSO dans un délai de 15 jours (par lettre recommandée et accusée de réception), sa CPAM considère que la procédure est acceptée et le médecin est alors placé, de fait, sous MSO.

Privilégier la MSAP

Toutefois, en cas de refus, l’Assurance maladie peut proposer au médecin la mise sous accord préalable (MSAP) en vertu de l’article L162-1-15 du Code de la Sécurité sociale.

Concrètement, cette procédure d'une durée de maximum six mois, impose au médecin de faire valider chacun des arrêts de travail qu'il prescrit au contrôle médical de sa CPAM.

Contacté déjà par « une centaine de généralistes » concernés par la MSO, le syndicalise leur conseille de refuser la MSO pour privilégier la MSAP.

Une procédure, selon lui, beaucoup plus contraignante pour l'Assurance maladie qui oblige le directeur de la CPAM à convoquer la Commission des pénalités et solliciter son avis avant de mettre le médecin concerné sous MSAP. « Si le directeur de la CPAM passe outre l'avis de la commission, celui-ci doit alors demander l'autorisation de placer le médecin sous MSAP au directeur de l’UNCAM ».

Un parcours du combattant pour les CPAM, se réjouit intérieurement le Dr Garrigou-Grandchamp. Et si le médecin est finalement placé sous MSAP, celui-ci « peut tout à fait se défendre et contester cette décision devant le tribunal administratif », souligne le généraliste. En cas de contestation en justice, la procédure n'est pas, dans la plupart des cas, acceptée en référé car jugée « non urgente ». Le médecin se voit donc contraint d'effectuer sa période de MSAP. 

Toutefois pour l'expert juridique, les critères utilisés par la Cnam pour estimer qu'un médecin est un gros prescripteur et pour légitimer la MSAP sont si « imparfaits » qu'ils offrent « un boulevard pour argumenter en justice ».

Sur son site, la Caisse informe que la MSAP est proposée lorsque « le médecin prescrit plus d’arrêts de travail que ses confrères (en nombre ou en durée) comparativement à ses confrères de la région dont le domaine d’activité est comparable ». 

Pour le Dr Garrigou-Grandchamp, cette méthode présente de nombreux « biais de sélection » : « Selon l'Assurance maladie, une activité comparable se limite aux critères socio-économiques d'un territoire. Or, on sait bien que chaque médecin a une patientèle différente de celle de son voisin. Certains médecins vont par exemple voir beaucoup plus de patients en urgence et on sait très bien que les urgences sollicitent beaucoup plus d'arrêts » souligne-t-il. 

Sanctions possibles à partir de la deuxième récidive

Des particularités que le juge peut, lui, décider de prendre en compte.  « Et si au moment de l'audience le juge donne raison au médecin, celui-ci peut alors réclamer des dommages et intérêts », confie le généraliste.

À en croire l'expert juridique, les médecins mis sous MSAP encourent donc peu de risques. Sans contestation judiciaire, « la période de MSAP se termine généralement par la validation de 98 % des arrêts de travail observés ». Ce n'est qu'à partir de la « deuxième récidive que le médecin peut être pénalisé », assure le praticien.

Pour preuve, « un de mes collègues doit en être à sa 4e MSAP et n'a toujours pas été sanctionné », fait valoir le généraliste.


Source : lequotidiendumedecin.fr